dimanche 16 juin 2024

HIT MAN (Richard Linklater, 2024)


Gary Johnson est professeur de psychologie et de philosophie à l'Université de la Nouvelle-Orléans. Pour arrondir ses fins de mois, il collabore également avec la police sur des missions sous couverture au cours desquels il enregistre l'agent Jasper qui se fait passer pour un tueur à gages auprès de clients le temps qu'il avoue avoir besoin de ses services. Après quoi ils sont arrêtés et jugés pour cela.
 

Mais Jasper est un flic macho, raciste et violent, ce qui va lui coûter cher quand il est filmé en train de brutaliser deux adolescents en dehors du service. Il est suspendu et dans l'urgence on demande à Gary de le remplacer sur une opération. Il joue alors le rôle de Ron le tueur et, contre toute attente, réussit à confondre un suspect. Il se prend alors au jeu et peaufine son personnage en l'adaptant à chaque nouvelle intervention grâce à du maquillage et des postiches.


Lorsque Jasper revient de suspension, le commissaire décide pourtant de garder Gary en poste. Et c'est ainsi qu'il va rencontrer la séduisante Madison Figueroa Masters qui souhaite se débarrasser de Ray, son mari possessif et violent. Compatissant, Gary/Ron ne peut se résoudre à ce qu'elle soit arrêter et quand elle lui glisse une enveloppe pleine de cash, il la repousse en lui conseillant d'utiliser cet argent pour déménager et refaire sa vie. Consternation dans l'équipe, mais Gary convainc ses collègues de sa bonne action.


Pourtant les choses vont considérablement se compliquer pour lui quand, ayant suivi ses recommandations, Madison lui téléphone à nouveau pour qu'ils se revoient afin de faire mieux connaissance...


Je pense parler pour tous ceux qui connaissent la filmographie de Richard Linklater, notamment sa trilogie Before (Sunrise / Sunset / Midnight, avec Julie Delpy et Ethan Hawke), A Sacnner Darkly (d'après Philip K. Dick) ou Boyhood (filmé sur plus de 20 ans), mais je ne l'attendais vraiment pas sur un film comme Hit Man.


Produit par Netflix, il s'agit à première vue d'un polar sur un tueur à gages comme l'indique le titre. Mais si on gratte un peu, on découvre un projet plus étonnant, correspondant en définitive à l'éclectisme de Linklater. Car Hit Man est un quasi biopic, inspiré de la vie du vrai Gary Johnson.
 

Ce professeur était réellement devenu un agent de police auxiliaire qui a permis d'arrêter plusieurs personnes projetant des assassinats en contractant avec un assassin professionnel, qui était en réalité Johnson lui-même sous couverture ! Et même si le scénario prend quelques libertés avec la réalité, le générique de fin du film se charge de rappeler les faits d'armes du vrai Gary Johnson, décédé en 2022 à l'âge de 65 ans, après plus de 30 ans de service et une soixantaine d'interventions réussies.

Linklater a eu vent de cette improbable histoire dans un article de presse et il a su qu'il tenait là un sujet en or. Ensuite, il a choisi Glen Powell pour l'incarner, mais l'acteur s'est considérablement investi dans le projet au point d'être crédité comme co-scénariste. Effectivement, il signe une composition savoureuse qui prouve qu'il faut compter avec lui, après sa révélation dans Top Gun : Maverick et le carton de Tout sauf toi.

Ce qu'il a de bien avec les bonnes histoires, a fortiori quand elles sont fondées sur une réalité, c'est qu'il suffit de bien les adapter et de les mettre en images, surtout sans en rajouter. Et de côté, Linklater a fait un boulot impeccable. Le résultat est jubilatoire, extrêmement divertissant, sans sacrifier au suspense. On ne voit pas passer les 115' du film, parfaitement narrées, réalisées et montées. Mais encore ?

Hé bien, ces qualités sont dues au fait qu'on ne sait jamais où va aller l'histoire, quelle direction elle va prendre. Par exemple : Madison ne pourrait-elle pas contacter un autre tueur (mais un vrai cette fois) après le refus de Ron d'exécuter le contrat qu'elle lui confie ? La jalousie visible de Jasper envers le succès de Gary va-t-elle rester contenue par conscience professionnelle ? Ajoutez-y une dimension quasi méta : Gary enseigne à ses élèves les différences entre le moi, le ça et l'ego, des notions relatives à l'identité tout en jouant à être Ron, un rôle de composition dont il profite pour séduire une jolie femme (qu'en tant que Gary il n'aurait jamais osé abordé parce que convaincu qu'il ne lui aurait jamais plu). Vous comprenez ? Tous ces détails forment une grande et belle intrigue qui, derrière le divertissement efficace, élégant, insouciant, interroge les personnages et le spectateur, attise sa curiosité, le captive. Et c'est ce qui différencie Hit Man d'une simple série B charmante d'un vrai bon film qui donne du grain à moudre au public et à la critique.

Alors évidemment on peut aussi comprendre que, vu le potentiel commercial du film; le cinéaste ait déploré que Hit Man n'ait pas bénéficié d'une sortie en salles digne de ce nom. Netflix accorde parfois à quelques productions ce privilège, mais toujours sur une durée très limitée et un circuit restreint. Après ça, le film rejoint la plateforme de streaming, perdu dans masse, entre des nanars et quelques authentiques longs métrages de valeur, mais tout est traité sur un pied d'égalité, sans que le service de Ted Sarandos cherche à mettre en avant le meilleur de son catalogue (sinon autrement que par le plébiscite des abonnés).

Est-ce sûr que Hit Man aurait connu le succès en salles ? Rien n'est moins sûr quand on voit que même The Fall Guy a sous-performé (pour citer un exemple de film qui appartient à un registre similaire, entre comédie, romance, et action). Sans compter que si Powell a profité des succès de Top Gun 2 et Anything but you, on ignore encore s'il pourra assurer celui d'un blockbuster (réponse cet été avec Twisters).

Mais, je le redis, il est vraiment épatant dans ce rôle, il est vrai en or. On sent qu'il s'est beaucoup amusé, il ne manque pas de charme, il est brillant dans tous les registres de l'histoire. En plus le bonhomme ne s'embête pas : après avoir pris dans ses bras Sydney Sweeney, il donne cette fois la réplique à la sublime Adria Arjona, qui n'est pas qu'une belle plante mais aussi, surtout, une excellente comédienne, jouant à merveille l'ambiguïté de la fille abusée qui cache bien son jeu. Leur couple fonctionne à la perfection.

En France toutefois, il faudra être patient pour que vous le voyiez car, à cause d'un accord de diffusion passé avec Canal +, Hit Man passera d'abord sur la chaîne cryptée en Septembre avant d'être sur Netflix. Mais notez-le sur votre agenda : vous ne le regretterez pas le moment venu.

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