dimanche 2 juin 2024

PINE & MERRIMAC, VOLUME 1 (Kyle Starks / Fran Galan)

 






 


Linnea Kent est née et à grandi à Jamesport dans le Missouri. Jeune fille, sa soeur cadette, Alma, a été kidnappée puis retrouvée morte dans la rivière voisine. Cela a décidé de sa vocation : devenir officier de police.


En poste à New York, une de ses enquêtes lui fait rencontrer Parker, un boxeur soupçonné d'avoir tué son sparring partner. Elle confond le vrai coupable, le coach de Parker, et ils tombent amoureux puis se marient.


Eprouvant des difficultés à gérer ses émotions, Linnea démissionne de la police et rentre à Jamesport avec Parker où ils ouvrent une agence de détectives privés. Les seules affaires qu'elle refuse sont celles qui concernent des disparitions d'enfants. Jusqu'à ce que les parents de la jeune Tabitha sollicitent leur aide...


Linnea ne peut pas refuser. La disparue a été vue pour la dernière fois devant une station-service fréquentée par des bikers qui ont leurs habitudes dans un bar mal famé. Avec le soutien musclé de Parker, Linnea arrache à l'un d'eux des informations sur Tabitha, emmenée sur une île voisine.


Jody, un ami du couple, les y transporte à bord de sa péniche en pleine nuite. Sur place, Linnea et Parker trouvent des hommes armés qui montent la garde devant de grandes tentes à l'intérieur desquelles se trouvent des cellules souterraines, mais pas Tabitha. Repérés, Linnea et Parker filent après avoir entendu les gardiens évoquer une mystérieuse réunion au Chancellor Hotel de Jamesport - là où, actuellement, le sénateur Jack Lockridge prépare sa campagne pour l'élection présidentielle.


Linnea et Parker vont s'infiltrer et découvrir les étranges activités d'une secte pratiquant des sacrifices humains. Et ce n'est que le début d'un long cauchemar... A moins que ce ne soit juste un cauchemar ?


J'avais débuté la lecture de Pine & Merrimac dès la sortie de son premier épisode avant de lâcher l'affaire car déjà accaparé par d'autres comics et films à critiquer. Désormais, cette mini-série est terminée (bien que la fin ouverte du cinquième épisode laisse présager d'une suite, pas encore officialisée) et j'ai tout relu d'une traite pour vous en parler.
 

Ces dernières années, Boom ! Studios est certainement l'éditeur indépendant à avoir eu le plus de flair pour distribuer des comics en creator-owned. Ils ont sorti Something is killing the children, gros carton signé James Tynion IV et Werther Dell'Edera ;  Grim, autre succès par Stephanie Phillips et Flaviano (dont j'ai déjà parlé ici), sans oublier le "Massive-verse" de Kyle Higgins avec sa flopée de titres dans le même univers partagé (Radiant Black, Rogue Sun...) ; BRZRKR, par Keanu Reeves, Matt Kindt et Ron Garney...


C'est dire que quand cet éditeur propose une nouveauté, on peut y jeter un oeil car la qualité est souvent au rendez-vous. Pour ma part, c'est parce que j'avais adoré le travail de l'artiste espagnol Fran Galan sur le one-shot Werewolf by Night chez Marvel l'an dernier que j'ai voulu lire Pine & Merrimac.


Le postulat est classique : un couple de détectives privées, elle la tête, lui les muscles, enquête sur la disparition d'une jeune fille. L'affaire résonne en écho avec le passé de Linnea Parker dont la soeur fut autrefois kidnappée avant d'être retrouvée morte, un drame qui la décida à entrer dans la police. Flic, elle hérite du dossier d'un meurtre dont un boxeur, Parker, est le suspect n°1 mais confond le vrai coupable. Linnea épouse Parker et rentre chez elle, dans le Missouri.


Kyle Starks, le scénariste, ne perd pas de temps pour entrer dans le vif du sujet : les premières pages du premier épisode reviennent sur les origines des héros et très vite ensuite les parents de Tabitha, la disparue, font appel à leurs services. Ils explorent rapidement une première piste qui s'avère fructueuse mais aussi crapoteuse en lien avec un trafic d'humains. En parallèle, a priori sans rapport, un sénateur de la région fait campagne pour les présidentielles américaines...

Le récit se déploie sans temps mort, en s'accordant régulièrement des retours dans le passé pour creuser un peu plus les fantômes de Linnea et son amour fou avec Parker. Mais l'intrigue exploite aussi à fond l'aspect sordide de l'affaire sur laquelle le couple enquête, les dangers qu'elle représente pour eux, le tout dans le cadre d'une petite ville de la province des Etats-Unis trop tranquille.

Tout paraît se dérouler de manière classique et même convenue jusqu'à la fin du quatrième épisode qui s'achève par la mort choquante d'un des protagonistes. Le dernier épisode est poignant et fantastique à la fois, désarçonnant le lecteur qui, comme Linnea, ne sait plus où tout cela la mène. On devine que Starks a beaucoup regardé les films de David Lynch, en particulier Blue Velver, Lost Highway et Mulholland Drive pour concocter ce twist visant à brouiller ce qui est réel de ce qui ne l'est pas.

Mais ces références sont superbement digérées jusqu'au final (ou pas...) de la série, qui verse dans le fantastique, la boucle temporelle façon Un Jour sans fin version polar. Bien entendu, Boom ! Studios poursuivra l'aventure avec de nouveaux chapitres si la série a fait d'assez bonnes ventes (j'ignore ce qu'il est). Mais ça donne très envie d'en lire plus. Parce que Kyle Starks réussit in fine à vraiment nous surprendre en prenant une direction inattendue, imprévisible et spectaculaire, que son écriture (en particulier la caractérisation des personnages) est impeccable, que l'ambiance générale de l'histoire est prenante.

Et parce que Fran Galan produit un formidable travail. Il assume dessin et colorisation dans un style semi-réaliste - entendez que ses personnages ont cette touche d'exagération dans les proportions, les expressions, la gestuelle, qui forcent le trait juste ce qu'il faut. L'espagnol est un virtuose, son storytelling est toujours clair, fluide, et varié.

A intervalles réguliers, il nous régale de plans aux dimensions généreuses sublimement composées, avec des décors fouillés, un soin apporté au jeu d'ombres et lumière magnifique, et des enchaînements d'action d'une grande force (les bastons dont Parker se charge sont incroyablement dynamiques).

Enfin, la colorisation est somptueuse et je pèse mes mots (il vous suffit d'examiner les planches que j'ai postées pour illustrer cet article). La plupart du temps, Galan insiste sur une teinte, comme le bleu pour les scènes nocturnes ou le jaune-oranger pour les scènes diurnes, qui font ressortir les ambiances de façon intenses sans que les scènes ne perdent en lisibilité. Avec un artiste de ce niveau, le matériau est véritablement transcendé.

Pine & Merrimac est une réussite qui ne doit pas s'arrêter là, même si on en apprécie la lecture d'un seul bloc plutôt qu'au rythme mensuel. Souhaitons qu'un éditeur compétent en France en tire une bonne traduction vite.

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