mercredi 26 juin 2024

ZATANNA : BRING DOWN THE HOUSE #1 (Mariko Tamaki / Javier Rodriguez)


Adolescente, Zatanna Zatara a subi les moqueries d'une bande de gamins parce qu'elle ratait ses tours de magie. Cela s'est mal fini... Aujourd'hui, la "maîtresse de la magie" se produit gratuitement au Golden Rice à Las Vegas devant un public clairsemé où elle a remarqué une femme souvent présente. Qui est-elle ? Et que lui veut-elle ?


Dernièrement, j'ai vu les vidéos sur Youtube de deux lecteurs de comics (Max Faraday et Comics Code) qui, tous deux, avaient adoré lire le premier tome en vf de Wonder Woman par Tom King et Daniel Sampere (disponible chez Urban Comics). Pour résumer leur avis, ils avaient la même formule : "voilà un comics qui [me] rappelle pourquoi j'aime les comics [de super-héros]".
 

Si, comme eux, je trouve que c'est une belle réussite, j'ai trouvé mieux hier en la matière et il s'agit de ce premier épisode (sur six) de Zatanna : Bring Down the House par Mariko Tamaki et Javier Rodriguez. Je ne sais pas si je vais trouver les bons arguments, les bons mots pour le "vendre", mais j'espère que vous me croirez sur parole quand je vous dis que c'est absolument épatant et revigorant.


Les raisons de se réjouir en ce moment ne sont pas nombreuses : guerres, crises politiques, l'été qui se fait attendre et la crainte qu'il soit trop chaud, que sais-je encore. Mais voilà, le lecteur de comics est ce drôle d'animal qui se plonge dans sa vingtaine de pages d'histoire et parfois en ressort rafraîchi, requinqué. Plus efficace que n'importe quelle potion miracle.


Mariko Tamaki est une scénariste qui a pu décourager ceux qui adoraient ses graphic novels comme Cet Eté-là (avec sa cousine Jillian) ou la mini Supergirl : Being Super (avec Joelle Jones). Je parlai de Wonder Woman où elle a fait un bref passage avec Mikel Janin sans convaincre. La revoilà donc sur le DC Black Label dans un format qui lui va comme un gant.


Souvent, quand je demande à quelqu'un pourquoi il n'aime pas les comics de super-héros, les réponses varient entre l'incompréhension des super-pouvoirs jusqu'au look de leurs costumes en passant par le manichéisme des intrigues. Pourtant, ce sont souvent les mêmes personnes qui n'ont lu (presque) que Watchmen et qui louent justement la manière dont Alan Moore s'est emparé du genre pour le déconstruire, l'humaniser, et le transcender.

Je me rappelle aussi qu'après l'event Civil War, l'editor Bill Jemas chez Marvel avait suggéré de mettre fin à toutes les identités secrètes des super-héros, suivant ce que faisait Spider-Man dans cette histoire, convaincu que c'était devenu le seul moyen de reconnecter le lecteur aux personnages.

Si j'évoque tout ça, c'est parce qu'avec Zatanna Zatara en particulier, on y revient. Zatanna est une magicienne (même si, ici, elle refuse de dire qu'elle en fait, préférant affirmer qu'elle fait des tours, et cela a une justification), mais elle apparaît dans son costume iconique qui n'a rien de super-héroïque, mais tout d'une tenue de scène, avec son haut-de-forme, son noeud papillon, ses bas résille, etc. Mariko Tamaki situe son histoire à un moment où Zatanna est clairement dans une mauvaise passe : elle réside à Las Vegas mais se produit gratuitement dans un casino  de seconde classe devant un public clairsemé qu'elle a toutes les peines du monde à dérider. Qui plus est elle a la tenace impression d'être suivie et épiée et croit savoir par qui quand elle remarque une mystérieuse spectatrice dans la salle...

Tous ces éléments contribuent à brouiller les repères de manière volontaire : on n'a pas le sentiment de lire du super-héros parce que Zatanna n'est pas habillée comme tel, sa magie - ou ses "tours" - n'a rien de spécialement spectaculaire, son moral n'est pas éclatant. Pourtant, il y a des allusions à son appartenance occasionnelle à la Justice League, l'ombre des on père (le grand magicien Giovanni Zatara) plane, et il y a même un monstre vers la fin qui surgit d'on ne sait où. Mais Tamaki insiste sur la caractérisation et l'ambiance qui tranchent avec le tout-venant de la production super-héroïque. Zatanna ne porte pas de masque, ne combat pas de super-vilain.

Pourtant, malgré des éléments, la série est tout sauf morose et ce, en grande partie, grâce au dessin, et aux couleurs, de Javier Rodriguez. En plusieurs occasions, l'artiste espagnol fait en sorte que Zatanna donne le change. Elle est sportive, elle refuse avec panache l'offre plus lucrative du casino Millenium, elle joue sur scène avec légèreté, elle est souriante, enjouée, elle donne le meilleur d'elle-même.

Rodriguez fait aussi en sorte de rendre justice à la beauté de la magicienne sans l'hyper-sexualiser pour autant. Il joue même sur un érotisme discret, suggestif quand on la surprend au saut lit, seulement vêtue d'un caleçon, et bien entendu dans sa fameuse tenue de scène qui a fait fantasmer des générations de fans (quand des artistes résistaient à l'envie de lui donner un look plus convenu, plus super-héroïque justement, qui ne lui est jamais allé).

Rodriguez s'est d'abord fait connaître comme coloriste (il officiait en cette qualité au début du run de Mark Waid et Paolo Rivera sur Daredevil notamment), avant d'avoir sa chance comme dessinateur (sur Spider-Woman notamment, puis plus récemment sur Defenders). Cela lui permet d'avoir le contrôle visuel de toute sa partie dans un livre et il peut donc ainsi jouer à fond sur l'esthétisme pop de cette mini-série, avec des teintes vives, qui contribuent à la bonne humeur communicative du produit.

Enfin, son découpage est une merveille d'inventivité : chacune de ses cases est non seulement admirablement composée, mais bien remplie sans être non plus saturée d'informations. Le flux de lecture est parfaitement fluide, avec des transitions, des bordures toujours pétillantes et ornées. C'est un régal à lire parce qu'on peut y revenir pour le plaisir de détailler chaque page et découvrir les indices semés par le récit via sa partie graphique.

Tamaki et Rodriguez livrent un épisode enchanteur, avec cette touche de mystère qui intrigue, captive, accroche, dans un écrin de toute beauté et une narration d'une justesse imparables. Je crois qu'on tient la meilleure mini-série DC de 2024 (je sais, je m'avance, mais honnêtement, c'est irrésistible).

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