samedi 8 juin 2024

SICARIO 2 : LA GUERRE DES CARTELS (Stefano Sollima, 2018)


Un attentat-suicide perpétré par l'Etat Islamique à Kansas City va pousser le gouvernement américain organiser des représailles. Matt Graver, l'agent de la C.I.A., est sollicité pour son expertise concernant les cartels mexicains qui auraient permis aux terroristes de passer la frontière. Le secrétaire d'Etat à la Défense lui donne carte blanche pour déclencher, selon son idée, une guerre entre les cartels.
 

Matt fait d'abord appel à Andy Wheedon, patron d'une société de sécurité privée, pour lui fournir des hommes et du matériel. Puis il se rend à Bogota en Colombie où s'est retiré Alejandro Gillick, l'ancien procureur dont la famille a été décimée par les narco-trafiquants. Ce dernier assassine un ténor du barreau mexicain qui défend les intérêts du cartel Matamoros à Mexico tandis que de son côté Matt kidnappe Isabel Reyes, la fille de Carlos Reyes, chef du cartel de Sonora, rival de celui de Matamoros.
 

Ainsi, chacun des deux cartels croit que son rival a commis ces actions. La suite du plan prévoit de relâcher Isabel entre les territoires des deux bandes pour déclencher la guerre. La jeune fille est conduite au Texas où on lui fait croire que la D.E.A. l'a libéré des ennemis de son père puis elle est ensuite escortée jusqu'au Mexique par Matt, Alejandro et leur escadron.


Mais tout va dérailler quand la police fédérale mexicaine qui les accompagne se retourne contre eux, corrompue par un des deux cartels. Une fusillade éclate au cours de laquelle Matt et ses hommes tuent leurs opposants et Isabel en profite pour s'échapper dans le désert...


Bien entendu, pour apprécier Sicario : Day of The Soldado (en vo), il faut avoir vu Sicario  (de Denis Villeueve) avant, au moins pour identifier les deux personnages principaux, Matt Graver et Alejandro Gillick. Je pense qu'on peut malgré tout comprendre l'histoire, mais disons que c'est un plus non négligeable pour cerner les liens entre ces deux hommes.


A l'origine de cette suite il y a le succès (critique et commercial) rencontré par Sicario et Taylor Sheridan s'est mis très vite à écrire cette histoire. Pourtant le résultat final est très différent de ce qu'il avait prévu puisque le scénariste voulait réunir Gillick, Graver et Kate Mercer, le trio du premier film. Mais des problèmes d'agenda (pour Emily Blunt) et de réécritures ont abouti à quelque chose de différent.
  

Exit aussi Denis Villeneuve, parti préparer Blade Runner 2049. C'est l'italien Stefano Sollima qui va prendre le relais et y apporter une autre sensibilité. Le nom du cinéaste vous évoquera peut-être quelque chose si vous êtes fan de westerns spaghetti puisqu'il est le fils du légendaire Sergio Sollima, auteur de Colorado, Le Dernier Face-à-Face, Saludos Hombres.

L'intrigue de La Guerre des Cartels est d'abord déconcertante : le film s'ouvre sur un attentat commis par des agents de l'Etat Islamique au Kansas, donc a priori rien à voir avec les narco-trafiquants mexicains. Sauf que les autorités pensent qu'ils ont traversé l'océan puis la frontière grâce aux cartels et que la tuerie qu'ils ont perpétré avait pour but de détourner l'attention pour refaire circuler de la drogue. Le secrétaire d'Etat à la Défense et la CIA font donc appel à l'expertise de Matt Graver qui décide de déclencher une guerre entre les barons de la drogue pour frapper un grand coup à son tour.

Il embarque dans l'aventure Alejandro Gillick, cet ancien magistrat dont la famille fut décimé par les narcos et qui était devenu tueur pour se venger. Il avait, dans le premier Sicario, participé à la chute de Alcaron, un puissant caïd mexicain responsable de la mort de sa femme et de sa fille. Cette fois, pour le motiver, Graver lui promet que la guerre des cartels sera telle qu'ils mettront des années à s'en relever.

Le scénario de Tyler Sheridan va prendre tout le monde à revers. Au lieu d'une opération clandestine bien mené, Day of The Soldado sera le récit d'une barbouzerie qui tourne mal, d'une déconfiture aux proportions épiques. Cette fois, le plan de Graver va complètement dérailler au point que la CIA refusera de le couvrir et lui commandera même d'effacer tous les témoins compromettants, donc Gillick, livré à lui-même et refusant de sacrifier Isabel Reyes.

A bien des égards le film de Sollima ressemble à du bon Oliver Stone, du Stone subtil, intelligent, qui ne se contente pas de montrer les magouilles de l'Etat américain, aussi crapoteuses que celles de la pègre mexicaine. "Pas de règles" répète Graver quand il est acculé par sa supérieure (impeccablement jouée par la toujours excellente Catherine Keener), sauf qu'en vérité Graver n'a jamais appliqué aucune règle. C'est un type qui fait le sale boulot et qui le fait salement, sans scrupules ni complexes, même quand on lui dit de liquider son meilleur élément.

Par rapport à Sicario, cette suite s'emploie à davantage montrer ce qui se passe côté mexicain, un pays gangrené par le narco-trafic, la violence, la misère sociale, où des passeurs collaborent avec des américains pour faire passer la frontière à des gens démunis. Une scène surréaliste montre comment un adolescent sert de guide aux migrants clandestins puis les remet à des complices une fois la frontière franchie avant qu'il ne soit ramené à sa base par une mère de famille qui l'attendait avec son bébé dans sa voiture et qui lui dit cyniquement : "Trouve-moi un job qui paie aussi bien et qui soit aussi facile et je le prends".

Durant le périple de Gillick et Isabel, on les voit traverser la sierra, rencontrer un fermier sourd-muet et sa famille vivant dans le plus grand désoeuvrement mais loin de tout ce monde sordide, et se mêler justement à des candidats au rêve américain. Sollima filme tout ça frontalement, avec sobriété, conscient qu'il n'y a pas besoin d'en rajouter. Mais le sentiment qui domine est celui d'un désespoir profond, d'une absence de solution politique qu'aucun mur, aucune mesure préventive ou sécuritaire ne viendra régler.

Le casting est béton encore une fois. Aux côtés de Matthew Modine dans un second rôle, le duo Josh Brolin - Benicio del Toro est toujours très efficace et charismatique. Pourtant c'est la toute jeune Isabel Merced qui en impose dans la peau de cette fille de parrain mexicain, au début arrogante puis finalement totalement dévastée (James Gunn a eu du nez en la choisissant pour incarner Hawkgirl dans son Superman).

Une suite aussi bonne que l'original, c'est assez rare pour être distingué et Sicario : La Guerre des Cartels en fait partie.

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