mardi 23 septembre 2025

LE CAVALIER ELECTRIQUE (Sydney Pollack, 1979)

 

Sonny Steele, cinq fois champion du monde de rodéo, est devenu le porte-drapeau des céréales pour le petit-déjeuner "Ranch Breakfast". Il parcourt les Etats-Unis en costume de cowboy enguirlandé devant un public enthousiaste. Mais les séquelles de ses compétitions l'ont fait sombrer dans l'alcool et son manager, Wendell, et son assistant, Leroy, ont de plus en plus de mal à le garder sobre. Il finit même par tomber de cheval en pleine représentation. Ce comportement insupporte de plus en plus les dirigeants de AMPCO qui l'emploie et songe à le remplacer.


Alors qu'il est à Las Vegas, on lui conseille de n'accepter aucune interview et ça l'arrange car il en a horreur les journalistes qui font les choux gras de son divorce avec Charlotta. Mais Hailee Martin, présentatrice d'un JT à New York, a fait le déplacement pour enquêter sur AMPCO. Pendant les répétitions d'un show au Ceasar's Palace, Sonny découvre que Rising Star, le pour-sang qu'il doit monter, est sous stéroïdes et il exige des explications à Hunt Sears, le patron de AMPCO, sans en obtenir. Avant le début du spectacle, il reçoit Charlotta et signe enfin les papiers de leur divorce.


Mais une fois sur scène, Sonny débarque sur Rising Star au beau milieu des danseuses, au mépris de la mise en scène, traverse la salle, puis le casino, en sort et quitte la ville sur sa monture. Ni Wendell, ni Leroy, ni Charlotta, ni les dirigeants de AMPCO ne savent où il est passé mais c'est la panique car la compagnie était sur le point de fusionner avec une autre et toute l'opération est compromise. Un mandat d'arrêt est lancé contre lui pour vol qualifié. Hailee Martin se met sur la piste de Sonny comme la police...

Quand Sydney Pollack propose le script de The Electric Horseman (en vo) de Paul Greer et Richard Garland, inspiré d'un article de Shelly Burton, à Robert Redford, ce dernier n'a plus tourné depuis trois ans - une éternité pour une star de son rang. Il s'est installé avec femme et enfants dans l'Utah, loin de Hollywood, là où il fondera le Sundance Film Festival six ans plus tard.

Mais Redford est séduit par l'histoire dont l'action se déroule en majeure partie en extérieur, dans la nature sauvage du Nevada et de l'Utah. Par ailleurs Pollack a choisi pour lui donner la réplique Jane Fonda, avec qui il a déjà tournée par le passé (Pollack l'a dirigée dans On achève bien les chevaux et Redford l'a eue pour partenaire dans La Poursuite Impitoyable, d'Arthur Penn en 1966, et Pieds nus dans le parc, de Gene Sacks, en 1967).

Pour satisfaire les deux acteurs et souligner leur complicité à l'écran, Pollack révisera constamment les dialogues du script pendant le tournage, quand les éléments ne l'obligeront pas carrément à bouleverser des scènes (par exemple lors d'un orage très violent qui s'abattit sur toute l'équipe). Mais rien ne devait contrarier la réussite du projet qui aboutit à un film magnifique.


Par bien des aspects l'intrigue du Cavalier Electrique (en vf), rappelle celle de Seuls sont les indomptés (David Miller, 1962) dans lequel Kirk Douglas, refusant la modernité, fuit sur un cheval les autorités. Ici, Sonny Steele est un champion de rodéo en pleine déchéance qui a sombré dans l'alcool après que son métier l'ait brisé physiquement et qu'il soit devenu l'homme-sandwich d'une marque de céréales.

On comprend, sans que cela soit expliqué, que Sonny se dégoûte : il parade, ridicule, dans un costume de cowboy auquel on a ajouté des guirlandes clignotantes dans des spectacles en plein air devant un public qui se souvient (ou pas) de ses exploits passés. Il gagne une fortune, qui lui permet d'entretenir son manager et son assistant, impuissants à le garder sobre.

Le comble du pathétique est atteint quand, après être tombé ivre mort de son cheval en pleine représentation, il découvre qu'un organisateur de rodéos l'a remplacé par une doublure sans que les spectateurs ne s'en aperçoivent. Puis il se rend à Las Vegas où la compagnie qui l'emploie doit conclure un gros deal et l'interdit de répondre à la presse.

Malheureusement une journaliste de New York enquête sur cette fusion et le mutisme du cowboy déchu qui découvre, lui, que le pur-sang qu'il doit monter a été drogué pour ne pas s'affoler devant le public. Cela provoque un sursaut chez Sonny : il accepte de signer les papiers du divorce que lui réclame sa femme puis s'enfuit en plein numéro avec le cheval.

Le parallèle entre ce cavalier et Redford est limpide : l'acteur aussi s'est enfui de Hollywood dont il ne supportait plus l'environnement et dont il devinait que les nouveaux cinéastes ne l'emploieraient pas avec l'émergence de nouveaux comédiens moins standardisés (De Niro, Hoffman, Pacino, etc.). Tout comme Redford, Sonny entreprend de revenir aux sources.

Bien entendu, cette fable peut faire sourire les plus cyniques. Il n'est pas très raisonnable, ce Sonny, en voulant rendre à l'état sauvage un cheval domestique. Par ailleurs il rencontre finalement peu d'obstacles pour remplir sa mission alors que toutes les polices du Nevada et de l'Utah bloquent les routes et que des hélicoptères survolent les plaines et montagnes.

Idem pour le personnage de la journaliste qui arrive, très aisément, à le retrouver avant tout le monde, à s'imposer à ses côtés, puis succombe à son charme bourru, tout en lui cachant qu'elle a obtenu de sa chaîne qu'une équipe de tournage l'attende là où elle pense que le cheval sera relâché. La satire cède la place à une sorte de dramedy romantique.

Mais c'est justement ce qui, à mes yeux, fait tout le charme de ce long métrage. Il emprunte à plusieurs genres, c'est un peu décousu, le rythme est inégal, les péripéties s'enchaînent, mais le divertissement est absolument irrésistible. Le cinéma hollywoodien regorge d'histoires comme ça, avec un couple qui n'a rien pour s'entendre mais qui finit par s'aimer, et de héros qui renoncent à la civilisation en quête de rédemption au contact de Mère Nature.

Sydney Pollack est lui-même un héritier de ce cinéma-là, celui des Hawks, des Capra, des Curtiz. Son style est classique et enlevé, élégant et s'adapte à tous les cadres, aussi bien celui de la ville qui ne dort jamais (Vegas) que des plaines et montagnes du Nevada et de l'Utah. Il s'amuse aussi à faire de son héros un loser magnifique et de la journaliste avide de scoops en bottes à talons hauts une romantique.

C'est un film facile, oui, mais jamais racoleur. Il est juste facile à aimer. On se prend au jeu si on est bien disposé et alors, on se régale. Robert Redford est juste parfait dans la peau de Sonny Steele, séduisant et bourru, largué et revanchard, profondément humaniste. Jane Fonda est irremplaçable dans le rôle de la reporter ambitieuse qui se laisse avoir au jeu des sentiments.

Les seconds rôles sont très en retrait, mais chacun d'eux a le temps de marquer le temps d'une scène ou deux, comme Valerie Perrine, magnifique ; le chanteur Willie Nelson ; ou John Saxon en entrepreneur cupide. Le film nous gratifie en outre de twists jubilatoires (la campagne de dénigrement orchestrée par la compagnie qui rate face au soutien populaire en faveur du héros).

Le Cavalier Electrique fut un grand succès mais bizarrement ça reste un film rarement cité quand on pense à Redford et sa collaboration si fructueuse avec Pollack (c'était leur 5ème opus commun). Il est temps de corriger cela.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire