- UNE SECONDE CHANCE EN ENFER - 1954. Clevon Brown reçoit pour mission d'éliminer Walter Hyde, mais ce dernier propose à son bourreau de l'aider à supprimer les caïds de la ville pour prendre leur place et contrôler le grand banditisme local. Leur projet réussit et ils deviennent des malfrats redoutés. Leurs deux fils grandissent ensemble...
1972. Jake Brown, le fils de Clevon, est devenu boxeur professionnel avec succès. Il est l'ami de Sebastian Hyde, le fils de Walter, qui est amené à lui succéder. Mais entre les deux hommes dont les avenirs divergent désormais, il y a une femme, Danica Briggs, qui aime Jake mais que celui-ci a jeté dans les bras de Sebastian pour s'éviter des ennuis avec la pègre...
- UN LOUP PARMI LES LOUPS - 1972. Teegar Lawless revient du Vietnam, hanté par les horreurs qu'il a traversées là bas. Il fuit sa vie de famille alors qu'il n'a même pas été présent pour la naissance de son deuxième fils, préférant la compagnie de  prostituées et la consommation de drogue pour espérer oublier les images qui le tourmentent...
Mais Teeg est rattrapé par son passé : on lui réclame 15 000 $ sinon sa femme et ses fils souffriront avant que lui ne soit exécuté. Il commet quelques braquages, qui ne lui rapportent pas grand-chose. Jusqu'à ce que Hamsun, le propriétaire du bar l'Undertow, lui parle d'un gros coup pour lequel il doit faire équipe avec une de ses serveuses, Danica Briggs...
- TROUVER LA FEMME - 1967. Encore adolescente, toute excitée à l'idée de se faire de l'argent facilement, Danica Briggs est kidnappée. Elle est confiée à un médecin qui l'avorte. Envoyée par sa mère chez une tante, elle commence à se droguer pour surmonter ce traumatisme. Puis, pour gagner sa vie, elle danse dans un strip club.
Bientôt elle vend ses charmes à des messieurs fortunés et rencontre Paul qui l'aime d'un amour sincère. Elle le quitte, consciente qu'elle ne peut lui donner ce qu'il désire, et rentre en ville où jadis elle aima sans retour Jake Brown et fut la maîtresse de Sebastian Hyde. Mais avec le projet de se venger de ce dernier dont elle fut enceinte...
Ce troisième tome de Criminal fait suite au premier volume et les deux premiers albums de la série, parus en vo en 2006-2007. Ed Brubaker avait envie de modifier la recette qui, pourtant, fonctionnait si bien en expérimentant le format des épisodes et leur construction narrative. En effet, jusque-là, chaque histoire était un récit complet, autonome.
Il arrivait juste qu'un personnage au premier plan figure à l'arrière-plan la fois suivante. Pour Morts en sursis, la mécanique est un peu plus complexe. En apparence, chaque épisode fonctionne de manière indépendante, mais ils forment en vérité un ensemble avec un fil rouge. Dans les séries noires, il y a une formule fameuse : "Cherchez la femme". Et elle s'applique ici.
La véritable héroïne est Danica Briggs, une belle afro-américaine dont on découvre les origines dans le troisième chapitre, Trouver la femme. Encore adolescente à a fin des années 60, elle fréquente Sebastian Hyde, le fils du parrain du crime Walter Hyde, mais tombe enceinte. Hors de question pour le daron que son rejeton épouse une négresse.
Danica est forcée d'avorter. Sa mère la fiche à la porte. Elle quitte la ville pour vivre avec une tante. Mais ne supportant pas le jugement de celle-ci sur ce qui lui est arrivée, elle fugue et devient danseuse exotique puis prostituée. Pour tenir le coup, elle se drogue et devient accro. Un homme tombe amoureux d'elle, mais elle préfère le quitter, sachant qu'elle le fera souffrir.
En 1972, elle est de retour en ville. Cette année-là, sa route croise celles de plusieurs hommes : ses anciens amants, Jake Brown et Sebastian Hyde, mais aussi du gangster, récemment revenu du Vietnam, Teeg Lawless. Ses projets de vengeance tourneront mal...
Brubaker introduit véritablement dans ce récit en trois actes des personnages qui sont déjà des noms réputés de sa série : Jake Brown deviendra le propriétaire du bar Undertow, véritable repaire de tous les bandits de la ville ; Sebastian Hyde deviendra le caïd de la pègre pour qui travaillera Tracy Lawless ; et Teeg Lawless est justement le père de Tracy mais aussi de Ricky Lawless.
A chacun il fournit un background bien épais et poisseux : on découvre comment la Grogne (Brown) a stoppé sa carrière prometteuse de boxeur dans des conditions sordides, comment Hyde a succédé à son père qui lui-même avait place nette dans le milieu avec le père de la Grogne ; pourquoi Teeg Lawless était cet homme violent, infidèle, attirant les ennuis.
Comme une mosaïque, l'intrigue se dévoile progressivement, à mesure que ses fragments s'agrègent autour de Danica Briggs. Ce qui entraînera tous ces individus dans une spirale fatale, c'est un casse apparemment sans danger mais visant les mauvaises personnes à attaquer (c'est-à-dire l'empire de Hyde). Les sentiments, le sexe, l'argent vont sceller le destin de ces gens-là.
Avec Sean Phillips, Brubaker forme désormais une équipe éprouvée : chacun sait parfaitement faire ressortir le meilleur de l'autre. Le scénariste s'appuie sur le dessin expressionniste de son partenaire qui, lui, a à coeur de servir le plus intensément le script de son ami. Mais ces trois segments offrent aussi de nouveaux défis à l'artiste.
Situés dans le passé, ces trois chapitres exigent une documentation précise. Phillips fait mieux que de la reconstitution scolaire : il parvient à restituer l'ambiance à la fois poisseuse et fantasmatique des 60's-70's. Comme deux des héros sont afro-américains, il puise son inspiration dans le cinéma de blaxpoitation.
Danica Briggs est une figure qui évoque Pam Grier avec son physique voluptueux. Jake "la Grogne" Brown aurait pu être incarné par son quasi homonyme Jim Brown, avec sa carrure athlétique impressionnante. La ressemblance des patronymes est tout sauf une coïncidence. Et quand on découvre enfin le visage de Teeg Lawless, on comprend pourquoi ses fils le craignaient tant.
Le cadre urbain et majoritairement nocturne rend le récit encore plus âpre et tragique. Les couleurs de Val Staples s'inscrivent d'ailleurs dans ce registre qu'on retrouve dans nombre de films du Nouvel Hollywood, comme Taxi Driver, avec ses ruelles malfamées, ses lampadaires aux lumières crues, ses intérieurs décatis.
Ce lot de trois épisodes forment un tout très impressionnant, témoignant de la maturité de deux auteurs et de la qualité supérieure d'une série addictive. Pour la suite, cependant, les fans ont dû s'armer de patience...







 
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