dimanche 21 septembre 2025

LES QUATRE MALFRATS (Peter Yates, 1972)


1971. New York. A peine est-il sorti de prison que John Dortmunder, cambrioleur, se voit proposer par son beau-frère et ancien complice, Andy Kelp, un coup fumant. Il le présente au Dr. Amusa qui souhaite récupérer pour son pays la Pierre du Sahara, un diamant inestimable, dérobé à l'époque coloniale, et convoité par une autre pays africain.
 

Dortmunder élabore un plan rapidement et recrute des partenaires : le chauffeur Stan Murch et l'expert en explosifs Allan Greenberg. Mais l'affaire tourne au fiasco : le diamant est bien volé mais le gang doit fuir et Greenberg est arrêté par les gardiens du Brooklyn Museum, qui ignorent cependant qu'il vient d'avaler le caillou.


Le père de leur ami, l'avocat véreux Abe Greenberg, fournit à Dortmunder, Kelp et Amusa des plans de la prison où est incarcéré Allan. Mais une fois son évasion réussie, celui-ci avoue ne plus avoir le diamant sur lui. Il l'a caché dans la cellule du commissariat où il a été conduit après son arrestation. Dortmunder doit à nouveau imaginer un plan pour mettre la main sur ce fichu caillou...


Dans l'abondante bibliographie de Donald Westlake, dont le roman Pierre qui brûle a servi d'inspiration à The Hot Rock (en vo), on trouve deux voleurs à qui il a consacrés plusieurs ouvrages : d'un côté le méthodique et brutal Parker, immortalisé au cinéma plusieurs fois (par Lee Marvin ou Mel Gibson) ; de l'autre le consciencieux mais malchanceux Dortmunder (notamment campé par Christophe Lambert).


Westlake a rarement été heureux des films adaptés de ses romans - et, comble de l'ironie, il reçut un Oscar pour avoir adapté Les Arnaqueurs de Jim Thompson, réalisé par Stephen Frears. Toutefois il fut satisfait des romans graphiques de Darwyn Cooke avec le personnage de Parker, et de ces Quatre Malfrats, mis en scène par Peter Yates.


Peter Yates s'est fait connaître avec Bullitt (1968), dans lequel il dirigea Steve McQueen dans un de ses rôles les plus iconiques. C'était ce qu'on appelle un homme de studio, un grand professionnel, mais à qui il a toujours manqué un grand film pour accéder à la reconnaissance de la critique et de ses pairs. La 20th Century Fox put compter sur lui pour emballer proprement ce long métrage.


Pourtant, à son grand désappointement, le cinéaste connut un revers au box office qui, encore aujourd'hui, est incompréhensible. Comme il le déclara : "J'avais William Goldman au scénario, j'avais Robert Redford et George Segal en vedettes... Et pourtant le public ne fut pas au rendez-vous...". En effet, tout était là pour faire un hit mais ça ne fonctionna pas.

Les Quatre Malfrats reste pourtant un divertissement très réussi. Le script de Goldman respecte à la lettre l'intrigue ficelée par Westlake et grouille de répliques qui claquent. Ainsi, dès la première scène, alors que Dortmunder rassemble ses affaires et va sortir de prison, le directeur du pénitencier lui demande : "Est-ce que tu vas marcher droit ?" et il répond, en soupirant : "J'ai une jambe plus courte que l'autre, alors...".

Les personnages sont caractérisés de manière savoureuse : Dortmunder est un cambrioleur qui a la poisse autant qu'il a de l'imagination, mais sa déveine lui file des maux d'estomac au point qu'il craint d'avoir un ulcère et il mâchouille donc des comprimés pour calmer ses aigreurs. Son obsession à voler le diamant n'a d'égale que le nombre d'échecs qu'il rencontre : "Soit j'aurai ce caillou, soit c'est lui m'aura !".

Son équipe est une bande de bras cassés qui manque de tout : de bon sens, de sens pratique, de prudence, d'organisation. Et par-dessus tout, il leur manque ce fichu diamant qui leur glisse à chaque fois entre les doigts. Ils y mettent de la bonne volonté, ne manquent pas d'audace, mais rien à faire, ils semblent maudits.

Ce qui provoque le rire, c'est que la situation échappe de plus en plus aux héros. A tel point que les simples outils dont ils disposent finissent par leur coûter presque aussi cher que la somme promise par leur commanditaire. Comme le dit Allan Greenberg, s'il négociait avec les assurances en restituant le diamant, ils toucheraient certainement plus d'argent que ce que leur a promis Amusa. 

Mais Dortmunder est tellement tricard et ses complices tout aussi maladroits qu'ils préfèrent ne pas tenter le diable. Ce n'est d'ailleurs pas un simple casse dans un musée (avec une scène hilarante où trois voleurs soulèvent une cage de verre pour que l'un d'eux s'y glisse, avant de se rendre compte qu'ils ne peuvent plus la tenir surélevée à deux et dont permettre à leur copain d'en ressortir), mais quatre (le musée, la prison, le commissariat, la banque).

L'inventivité de Westlake fait merveille et Goldman a la bonne idée de ne pas en rajouter. La mise en scène de Yates non plus : tout est là, il n'y a qu'à se servir et le mettre en valeur. Rien de tout ça n'est sérieux. Yates en avait conscience : il en avait assez des films sombres, violents, sexuels, il voulait réaliser un film léger, avec des cambrioleurs sympathiques.

La distribution est fantastique : Robert Redford est brillant parce qu'il ne cherche pas être drôle, ce qui arrive à Dortmunder l'est suffisamment. George Segal est excellent en type qui veut toujours tout arranger mais qui est très susceptible. Ron Liebman est tordant en chauffeur (de voiture/camion/hélico) zinzin. Paul Sand et Zero Mostel forment un duo fils-père absolument inouï. Moses Gunn enfin a la classe et le flegme appropriés pour camper Amusa.

Ajoutez à cela une bande son signée Quincy Jones et, vraiment, vous obtenez un cocktail pétillant à souhait. De quoi rendre encore plus ahurissant l'échec du film...

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