vendredi 26 septembre 2025

LIBRE ECHANGE (Michael Angelo Covino, 2025) (critique réécrite)


Tandis qu'il conduit sur l'autoroute, Carey est masturbé par sa femme Ashley. Mais une voiture tente de les doubler et dérape, fait un tonneau et échoue sur le bas-côté. Carey s'arrête et porte secours au conducteur, choqué mais indemne, mais Ashley ne peut réanimer sa femme. Les secours arrivent. Ils reprennent la route. Ashley demande à Carey de s'arrêter et elle lui annonce vouloir divorcer car elle l'a trompé avec d'autres hommes. Il descend de voiture et s'enfuit en courant à travers champs.


Carey rejoint ainsi la résidence secondaire de Paul et Julie, chez qui ils se rendaient. Il leur explique sa situation et découvre que ses amis ont résolu leurs problèmes conjugaux en acceptant que chacun ait des aventures. Le lendemain, Paul est reparti pour New York pour ses affaires et Carey avoue à Julie son incompréhension sur leur ménage. Julie réconforte tant et si bien Carey qu'ils couchent ensemble. Au retour de Paul, Carey lui avoue tout et ils en viennent aux mains avant que Julie ne les calme.


Paul repart en ville pour conclure une vente immobilière. Le soir venu, Carey accompagne Julie et son fils, Russ, à une fête foraine où elle est draguée par un voisin, Brent. Carey est jaloux et déclare à Julie que leur aventure l'a bouleversé mais elle le raisonne. Il décide de rentrer chez lui où il surprend Ashley avec son amant. Mais au lieu de le mettre dehors, il propose à Ashley le même arrangement que celui conclu entre Paul et Julie...


Je suis un bon client en général pour les films, même si ça ne signifie pas que je tolère tous les défauts qu'ils ont. Mais j'avoue que, pour les comédies, je suis plus difficile. Il n'y a pas beaucoup de longs métrages qui me font vraiment rire, j'ai du mal avec les gags, et ça ne s'arrange pas avec le temps, je m'en rends compte.


Mais, bon sang, qu'est-ce que j'ai ri en voyant Splitsville (en vo) ! C'est certainement le film le plus drôle que j'ai visionné depuis des lustres, et ça été une expérience mémorable car je n'en attendais rien de spécial. J'avais lu quelques avis positifs, mais rien qui m'aurait préparé à ce que j'ai éprouvé. Aussi, s'il passe dans une salle près de chez vous ou si vous êtes abonné à Apple TV+, ne le ratez pas !


J'ai appris entre temps qu'il s'agissait du deuxième long métrage réalisé par Michael Angelo Covino et co-écrit avec son ami Kyle Marvin, et les deux bougres tiennent aussi les deux rôles masculins principaux ici. Je vais tâcher maintenant de trouver The Climb, leur premier effort en commun, pour savoir s'ils étaient déjà aussi inspirés.


Il faut une certaine dose d'orgueil pour s'écrire une film où on s'imagine marié à Adria Arjona et Dakota Johnson, qui sont ici une fois de plus sublimes et magnifiquement filmées mais qui surtout sont prêtes à se battre pour vous. Mais Covino et Marvin ne profitent pas de la situation pour se mettre en valeur à côté d'elles et c'est la force du film.

Pour une fois, on notera que le titre français est plutôt bien trouvé - et surtout moins mystérieux que Splitsville. Il dit évidemment que l'échangisme est au centre de l'intrigue mais aussi qu'échanger de partenaire et donc de vie n'est pas forcément une promesse de bonheur, encore moins de liberté. C'est aussi une manière de s'enfermer dans des illusions.

Le récit adopte une forme épisodique, comme si le scénario était construit à la fois comme une histoire avec un début, un milieu et une fin, et comme une sorte de sitcom anti romantique, avec plusieurs épisodes. Au début, la loufoquerie des situations qui s'enchaîne fait beaucoup penser à cela, puis une fois le film terminé, on en apprécie la forme bien bouclée.

Cette façon de raconter l'histoire permet à chaque protagoniste d'avoir un arc narratif bien défini : Carey est immédiatement sympathique, on éprouve de la peine pour lui et on souhaite qu'il récupère. Paul est plus abrasif, c'est un menteur et il est pathétique. Ashley est joueuse, elle éprouve sa sexualité avant que l'inquiétude sur ses sentiments la rattrape. Julie est pragmatique, elle essaie de s'en sortir dignement et est la plus honnête avec elle-même et les autres.

Mais ce qui est particulièrement satisfaisant ici, c'est que Libre Echange ne cherche pas à plaire ni à faire rire à tout prix - ce pourquoi j'ai tant de mal avec les comédies en général. Ce qui caractérise tous les personnages, c'est le sentiment d'insécurité qui les habite et cela créé à la fois des moments drôles mais aussi cruels et émouvants.

Et ce qui rassemble toutes ces qualités se trouve résumé dans une scène : le fils de Paul et Julie s'est vengé d'un camarade de sa classe qui l'avait humilié en lui cassant (accidentellement) un bras. Les parents sont convoqués dans le bureau du directeur de l'école, mais Carey s'invite aussi à la réunion. Juste avant, Paul conseille à son fils de nier en bloc, Carey au contraire préconise de dire la vérité, mais les deux hommes pensent que leur stratégie sauvera le gamin.

Evidemment, la réunion est une catastrophe : le directeur ne sait plus à qui s'adresser et tranche en excluant Russ. Même Julie perd son calme. Mais le perd-elle à cause de la sanction contre son fils ? Ou à cause de l'attitude des deux hommes ? C'est à la fois drôle, cruel et émouvant. Mais c'est surtout superbement écrit, mis en scène et joué.

Covino se montre d'ailleurs un réalisateur inventif dans la mesure où, là aussi, il ne filme pas sa comédie comme les autres. Il privilégie les plans larges et longs avec des montées en intensité pour que le spectateur apprécie à quel point et à quel moment les choses dégénèrent dans la loufoquerie. C'est aussi une façon, ingénieuse, de montrer la petitesse des personnages à certains moments clés.

Mais quand il resserre son cadre, c'est pour souligner des moments franchement savoureux, comme lorsque Paul tente de convaincre Ashley qu'ils sortent ensemble pour rendre jaloux Julie et Carey et les récupérer. Pour être convaincants, il faudrait qu'ils couchent ensemble, Ashley y est prête, mais Paul hésite. Elle se rhabille. Il est prêt. Elle se redéshabille. Il hésite à nouveau. Cette fois, elle en a assez et se rhabille. Finalement Paul trouve une autre complice, ressemblant étrangement à Julie... Et Ashley décide d'allumer Carey.

Les acteurs sont tous excellents et complices. Michael Angelo Covino compose un type vraiment insupportablement hypocrite. Kyle Marvin brille dans la peau du pauvre couillon trop romantique. Adria Arjona est décidément épatante dans ce type de film où son charme naturel souligne l'excentricité de son personnage. Et Dakota Johnson affiche des dispositions pour l'humour qu'on ne soupçonnait pas et qui mérite d'être louangées.

Ne ratez pas s'il passe encore dans une salle près de chez vous ou si vous êtes abonné à Apple TV + cette pépite, qui ose même sur la fin flirter avec le méta, via un personnage de mentaliste pris entre deux feux (et des gamins odieux). Assurément la comédie de l'année, c'est sûr, et même au-delà. 

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