dimanche 28 septembre 2025

LA FILLE A LA VALISE (Valerio Zurlini, 1961) - Hommage à Claudia Cardinale


Aïda a quitté son petit ami, Piero, pour partir avec Marcello, un bellâtre de bonne famille qui l'a embobinée. Mais vite lassé d'elle, il l'abandonne avec sa valise en lui faisant croire qu'il l'attend dans un garage. Pourtant elle est résolue à le retrouver et, en interrogeant les gens du coin, remonte sa piste jusqu'à une demeure bourgeoise de Parme où elle frappe à la porte. Marcello demande à son frère de 16 ans, Lorenzo, de la congédier sans dire qu'il est là.


Lorenzo prend Aïda en pitié et l'emmène jusqu'à une pension où elle pourra passer la nuit. Alors qu'il est censé réviser ses cours, l'adolescent va retrouver la jeune femme à qui il offre des cadeaux et de l'argent pour subsister. D'abord embarrassée, elle accepte ces présents, toujours déterminée à mettre la main sur Marcello sans savoir qu'elle a affaire à son frère. Ce dernier tombe amoureux de cette fille-mère qui lui avoue avoir un fils en vacances dans un camp d'été.
 

Un soir, il fait le mur pour la rejoindre à l'hôtel où il a trouvé à la reloger plus confortablement avec l'argent que lui donne sa tante pour aller au cinéma. Aïda s'est fait des amis de deux hommes riches de passage et qui la courtisent. Il assiste à leurs efforts et se saoule en croyant que son amie va se donner à un de ces inconnus. Elle comprend alors que le garçon a des sentiments plus qu'amicaux pour elle. Quand il rentre chez lui, Lorenzo est surpris par sa tante qui le prive de sortie. Il se confie alors au prêtre qui lui sert de précepteur pour qu'il parle à Aïda...


Claudia Cardinale est morte le 23 Septembre dernier à l'âge de 87 ans. Je voulais lui rendre un hommage car c'est une actrice que j'ai souvent appréciée dans des films qui ont compté pour moi. Je crois, si ma mémoire ne me fait pas défaut, que je l'ai découverte la première fois dans Il était une fois dans l'Ouest, un western de Sergio Leone que mon père adorait et que j'ai ensuite revu plusieurs fois.


Ce qui me frappa alors, c'est qu'elle était véritablement le coeur de l'histoire, le personnage central, plus encore que l'homme à l'harmonica incarné par Charles Bronson. C'était autour d'elle que tous gravitaient, et ça m'avait puissamment marqué car les femmes n'étaient pas souvent aussi centrales dans les westerns, particulièrement ceux de Leone en l'occurrence.


Mais, quand j'ai réfléchi quel long métrage je choisirai pour parler d'elle, j'ai pensé que ce serait trop évident, et qu'un chef d'oeuvre comme Il était une fois dans l'Ouest risquait d'éclipser ce que je voulais dire sur Claudia Cardinale. Alors j'ai jeté mon dévolu sur La Fille à la Valise que j'ai revu pour l'occasion, et qui est une vraie perle rare.
 

Déjà parce que son réalisateur et co-scénariste, Valerio Zurlini (1926-1982), a une carrière météorique (à peine dix films à son actif). Mais c'était un directeur d'acteurs brillant, qui a donné quelques-uns de leurs meilleurs rôles à ses interprètes (comme Alan Delon dans Le Professeur ou Jean-Louis Trintignant dans Un Eté Violent). Et bien entendu à Claudia Cardinale dans La Fille à la Valise.

Aujourd'hui je me rends compte que j'ai un peu idéalisé ce long métrage. Il souffre de longueurs et surtout d'un gros ventre mou. On sent bien passer ses 111' et la fin s'étire laborieusement. C'est sans doute la faute au paquet de scénaristes qui ont travaillé sur le script avec Zurlini (pas moins de quatre), ce qui donne à l'ensemble un côté flottant.

En même temps, c'est aussi ce qui donne son charme, sa qualité au récit. L'intrigue est minimaliste : une jeune femme quitte son copain pour un beau parleur qui, à la première occasion, la largue. Elle réussit à trouver où il vit mais rencontre son petit frère qui éprouve d'abord de la compassion pour elle puis de l'amour. Et quand elle finit par le comprendre, un nouveau drame se noue.

Tout ça aura tenu en 90' mais Zurlini accorde autant d'importance à ce qu'il montre au spectateur qu'à ce qui se joue hors champ. Tout est ici suggéré, souvent non dit, allusif. Ce qui donne au film sa subtilité et ses temps morts aussi. Raconter cette histoire de manière plus rapide aurait donné à l'affaire un côté précipité, maladroit. Alors qu'ainsi on éprouve le trouble des protagonistes vraiment au fur et à mesure.

Filmé dans un noir et blanc aussi vaporeux que la romance elle-même, La Fille à la Valise a quelque chose d'à la fois sensuel et triste, Zurlini étant sans pareil pour infuser une mélancolie sourde à ce qui anime ses héros. Aïda est une fille qui n'est pas méchante ni cupide, mais elle est paumée, à la fois désirée des hommes et réduite à un corps désirable.

Lorenzo la voit comme une femme et non comme un objet. Il la traite avec égard, distance aussi, car il mesure le décalage de leurs situations - lui est de bonne famille, elle d'un milieu plus modeste voire pauvre. Il ne comprend sûrement pas toute la détresse sociale qu'elle traverse, qu'elle endure, et il l'aide naïvement, sans arrière-pensée.

Lorsqu'elle comprend que les sentiments du garçon sont plus profonds, elle accepte le conseil de son précepteur, un homme d'église tolérant, de s'éloigner, car elle ne veut pas porter tort à Lorenzo dont elle respecte la pureté. Le plan le plus déchirant du film est celui où la caméra s'attarde une bonne minute, fixement, sur le visage de Lorenzo lors d'une soirée où Aïda danse avec un homme qui la serre de très près.

A ce moment-là on lit toute la jalousie qui s'empare du jeune homme et toute sa frustration (il n'est pas un adulte et n'a aucune chance de séduire Aïda). Alors que l'homme et ses amis de la soirée s'éclipsent pour aller faire la fête ailleurs, elle rejoint Lorenzo. Elle semble contrariée par sa bouderie et en même temps elle lui chante "à la claire fontaine" comme pour le bercer, comme à un enfant qu'elle protège (d'elle-même).

A la fin, ils se trouvent sur une plage après une bagarre où Lorenzo a affronté un autre homme pressant trop Aïda. Elle nettoie les écorchures sur son visage puis lui dépose un baiser sur la bouche. C'est tout ce qu'elle peut lui donner, le geste le plus intime, le plus sentimental, le plus romantique. En retour, il lui glissera une enveloppe contenant une lettre. Mais quand elle l'ouvrira, ce sera quelques billets, comme une ultime offrande.

Claudia Cardinale est tout bonnement sublime dans ce film : sa beauté subjugue, la tristesse de son personnage est poignante, et son jeu est d'une finesse merveilleuse. Son regard sombre, son sourire désarmant, ses moues, sa démarche contrariée par sa lourde valise, tout concourt à faire de Aïda une héroïne inoubliable. Elle avait 22 ans alors et une immense carrière devant elle.

Jacques Perrin, lui, en avait 19 et Zurlini en fera son acteur fétiche. Il fait preuve d'une maturité dans son interprétation tout à fait sidérante, sobre, charismatique, émouvant, touchant. Le duo qu'il forme avec Cardinale est de ceux qui vous restent longtemps en mémoire. C'est d'abord pour cela que je me souvenais de La Fille à la Valise.

Claudia Cardinale était pour beaucoup la plus belle femme du monde, la plus italienne de Tunis (où elle remporta un concours de beauté) : tout ça est vrai. C'était aussi une actrice magnétique, une voix unique (éraillée et ensorcelante). Il y avait BB, et elle c'était CC. 

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