Bakersfield, Californie. Honey O'Donahue, une détective privée, se rend sur les lieux d'un accident de la route après avoir été appelé par l'inspecteur Marty Metakawick, qui refuse de croire qu'elle est lesbienne. En voyant le visage de la victime, Honey la reconnaît sans le dire : il s'agit de Mia Novotny, une cliente qu'elle devait recevoir plus tard de jour-là. De retour à son bureau, elle écoute Mr. Siegfried lui demander d'enquêter sur son conjoint qu'il soupçonne de lui être infidèle.
Dans la soirée, Honey rend visite à Heidi, sa soeur, qui a fort à faire avec ses enfants et particulièrement avec sa fille ainée, Corinne, une ado rebelle. Mais les deux soeurs ne s'entendent pas sur la façon de l'éduquer. Le lendemain, Honey s'adresse à MG Falcone, préposée aux pièces à conviction, qui lui transmet l'adresse de parents de Mia. Ceux-ci lui expliquent que leur fille avait récemment rejoint le Temple des Quatre Voies dirigé par le Révérend Drew Devlin.
A l'insu de ses fidèles et des autorités, il utilise son église pour un trafic de drogue et la mort de Mia déplaît à sa fournisseuse, Cher. Hector, un des coursiers de Devlin, panique quand un client offre de lui faire une fellation pour payer la drogue qu'il a commandée et l'écrase avec sa voiture en prenant la fuite. Honey apprend par Marty que le client était le compagnon de Mr. Siegfried alors que Corinne vient la voir après avoir été brutalisée par son petit ami. Honey confie Corinne à MG (avec qui elle vient de passer la nuit) pour aller interroger Devlin à propos de Mia...
Un an et demi après le savoureux Drive-Away Dolls, Ethan Coen et sa femme Tricia Cooke, avec laquelle il écrit désormais ses scénarios, livre le deuxième volet de sa trilogie lesbienne (le troisième et dernier, Go Beavers, devrait sortir l'an prochain en toute logique). Cette fois, ils ont troqué le road trip pour une detective story.
Leur héroïne, Honey O'Donahue, va devoir enquêter sur la mort suspecte d'une jeune femme qui avait demandé à la rencontrer pour lui confier une affaire, sans donner de détails à ce sujet. Ce point de départ est déjà malicieux puisqu'il montre une enquêtrice devant investiguer sans savoir quoi et pour une cliente qu'elle n'a pas eu le temps de connaître.
Mais ce dispositif révèle en quelque sorte la nature de cette histoire fuyante : Honey, on s'en rend compte, est une détective qui cherche davantage quand on ne lui a rien demandé que quand on la supplie de le faire. L'exemple est donné par la manière dont elle traite Mr. Siegfried, qui pense être trompé par son conjoint. Honey en est sûre sinon il n'aurait aucun doute à ce sujet et donc elle rechigne à lui soutirer 100 $ pour ouvrir un dossier dont il connaît déjà l'issue.
En revanche, le cas de Mia Novotny l'obsède car elle n'a pas eu l'opportunité de savoir pourquoi cette dernière voulait faire appel à elle. De la même manière, elle cherchera où est passée sa nièce, Corinne, alors que, précisément, la mère de celle-ci (et donc la soeur de Honey) exige qu'elle ne se mêle pas de ce qui regarde une mère et sa fille.
Tout est glissant dans cette intrigue amusante et tordue : Marty, l'inspecteur, drague lourdement Honey, refusant de croire qu'elle préfère les filles comme elle le prétend. MG exprime son attirance pour Honey qui, se sentant flattée ou peut-être éprouvant la même chose envers cette archiviste, devient son amante. La suite prouvera que, comme privé, elle a du flaire, mais comme maîtresse, elle en est totalement dépourvue.
Ethan Coen a sans doute voulu faire, à sa manière, son Big Lebowski. Bien entendu, il ne s'agit pas de comparer l'incomparable (même si, pour ma part, j'ai toujours estimé The Big Lebowski surcoté). Honey, don't ! n'a jamais sa fantaisie débridée et n'aura jamais son statut de film culte. Mais sa galerie de personnages secondaires est au moins aussi loufoque.
A ce jeu-là, le révérend Drew Devlin est une réussite. Bien que son arc narratif reste finalement assez déconnecté de la résolution de l'affaire avec la découverte du meurtrier, il est remarquable que Coen et Cooke soient allées jusqu'au bout avec ce guignol qui se tape ses jolies fidèles, et répète à longueur de sermons qu'il faut être soumis. C'est un prédateur, certes, mais si pathétique qu'il en est drôle.
Drive-Away Dolls (que Coen aurait préféré appeler Drive-Away Dicks avant de renoncer, sachant que le film serait interdit dans certains cinémas US) n'était déjà pas timide pour représenter le sexe entre deux femmes. Honey, don't ! poursuit dans cette veine en montrant sans frilosité les rapports entre Honey et MG, jusqu'à ce que la première sodomise la seconde avec un godemiché.
Est-ce que tout n'est que rigolade dans le film ? Non. Ce qui unit Honey à MG donne lieu à un dialogue qui révèle que toutes deux ont grandi avec des pères violents : celui de Honey a fini par fuir le domicile familial, quand l'autre, celui de MG, est mort en opération (il était soldat). Cela n'est pas utilisé pour justifier qu'elles soient lesbiennes mais pour dire que la découverte de leur préférence sexuelle les a exposées à la brutalité paternelle.
La différence, c'est que Honey s'est affirmée alors que MG semble plus réticente à l'assumer publiquement. Et on verra, in fine, qu'elle cache de lourds secrets et une animosité envers les filles qui préfèrent se réfugier dans les bras d'hommes puissants plutôt que de s'émanciper...
Comme dans nombre de detective stories, l'intrigue finit à un moment par vous perdre, puis vous la rattraper soit à la faveur d'une explication finale, soit devant une évidence. Mais ici, c'est surtout l'exercice de style qui a inspiré Coen et Cooke, comme le road movie et le buddy movie les avait inspirés dans Drive-Away Dolls.
Et cela fournit un matériel en or aux acteurs. Charlie Day est irrésistible en inspecteur désinvolte et complètement aveugle face à la sexualité d'Honey. Chris Evans est tout simplement grandiose en queutard compulsif. Talia Ryder est excellente en ado égarée (à ce propos, allez sur YouTube et tapez "Lace Manhattan Oddwadd" pour découvrir le clip qu'elle a réalisé pour la BO du film).
Aubrey Plaza joue le personnage le plus ambigu du lot avec son talent coutumier. Son alchimie avec Margaret Qualley, dans le rôle principal, fait des étincelles et Qualley est une nouvelle fois extraordinaire d'élégance, de charme et d'autorité. Ethan Coen a vraiment trouvé sa muse et d'autres cinéastes feraient bien de l'imiter : cette fille-là, mon vieux, elle est terrible !
C'est une série B dans tout ce qu'il y a de noble. Ethan Coen ne prétend pas à autre chose avec son projet de trilogie, mais avec Margaret Qualley, ce serait bête de passer à côté.
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