samedi 6 septembre 2025

WORLD WAR Z (Marc Forster, 2013)


Ancien enquêteur des Nations Unies, Gerald "Gerry" Lane, sa femme Karen et leurs deux filles, Rachel et Connie, sont pris dans un embouteillage en plein centre-ville de Philadelphie lorsqu'une explosion retentit et déclenche une déferlante de zombies. Ils échappent miraculeusement au chaos et gagnent Newark dans la nuit d'où ils espèrent être exfiltrés par le vice-secrétaire général de l'ONU, Thierry Umutoni, une relation de Gerry. 


Ceci fait, ils sont transportés en hélicoptère sur un porte-avion mouillant dans l'océan atlantique et à bord duquel des scientifiques étudient l'épidémie. l'un d'eux, Andrew Fassbach, estime qu'elle est causée par un virus mais il faut localiser le patient zéro pour espérer élaborer un antidote. Sa famille menacée d'être expulsée du vaisseau s'il refuse de participer à cette mission, Gerry en fait partie à contrecoeur. Accompagnés d'une escorte de Navy SEAL, Gerry et Fassbach se rendent à Camp Humphreys en Corée du Sud où la première alerte concernant les zombies a été lancée.


En sortant de l'avion, Fassbach, paniqué, glisse sur la rampe et se tire mortellement dessus. Une fois à l'abri dans la base, des militaires apprennent à Gerry que le premier cas répertorié était un médecin après qu'il a examiné un civil. Un officier de la CIA conseille à Gerry de se rendre à Jérusalem qui établi une zone sécurisée et possède des renseignements supplémentaires grâce au Mossad. En Israël, Gerry rencontre un haut responsable du contre-espionnage, Jürgen Warmbrunn qui mentionne une communication interceptée en provenance de l'Inde à propos des premiers zombies...


La liste des grosses productions dont le contrôle a échappé aux studios qui les produisaient pour aboutir à un résultat complètement pété ne manque pas de mentions et ce serait long et fastidieux de la communiquer. L'exemple le plus fameux étant sans doute Apocalypse Now de Francis Coppola... Qui fut quand même un succès critique, public et remporta la Palme d'Or à Cannes !


World War Z n'a pas concouru au Festival de Cannes ni ailleurs et il n'est pas digne d'être comparé au chef d'oeuvre de Coppola, mais sa production mériterait un documentaire pour comprendre comment une grosse machine commerciale devient un long métrage malade de ses excès, à la fois efficace et inabouti... Et dont la suite, longtemps discutée, semble désormais condamnée.


Au départ il y a une "histoire orale" de Max Brooks qui imagina comment le surgissement de zombies affecterait le monde entier et serait racontée comme un documentaire authentique. Brad Pitt découvre ce récit et décide d'en faire un long métrage avec le soutien de Warner et Paramount. Le scénariste de comics et de séries télé Joseph Michael Straczynski est engagé pour écrire un traitement.


Brooks a accès à ce premier jet et en est très content, mais il faut ensuite en tirer un script. Straczynski s'y attèle mais visiblement cela ne satisfait pas tout le monde. On recrute Matthew Carnahan pour le peaufiner. Puis Drew Goddard. Puis enfin Damon Lindelof. Quatre auteurs pour un manuscrit, avec à chaque fois d'importantes révisions. Mais Brooks n'est plus dans la boucle alors et on ignore ce qu'il en pense.

Marc Forster, entre temps, est devenu le réalisateur et il démarre le tournage sans que le script soit bouclé - il ne le sera jamais, des scènes seront réécrites jusqu'au bout et des reshoots auront lieu plusieurs mois après le clap de fin. Brad Pitt, pourtant, garde la tête froide, convaincu que le film sera bon, et les autres producteurs semblent du même avis. Le budget explose (on parle de 190 M $ au final).

Pourtant, en découvrant World War Z, on sent bien que c'est un film qui est tout sauf complet. La fin est expédiée, et on devine que c'est à dessein pour un projet de suite - qui n'a donc jamais vu le jour, quand bien même David Fincher (grand ami de Pitt et grand cinéaste tout court) a été évoqué pour la tourner. Mais avant cette fin, tout est bancal.

Ce n'est pas forcément désagréable d'ailleurs car on sent que, pas plus que les protagonistes, ceux qui étaient derrière la caméra ne savaient où ils allaient : ça produit une espèce de suspense assez étonnant, mélange de scènes grandiloquentes, bourrées d'effets spéciaux numériques grotesques, et de moments plus minimalistes, bien plus convaincants.

Evidemment, quand on annonce un titre comme World War Z (la guerre mondiale des zombies), il ne faut pas s'attendre à de l'intimiste. On est obligé d'envoyer la sauce, de pousser tous les potards dans le rouge, de ne pas faire dans la demi-mesure. Et ça a payé puisque le film a cartonné (plus de 500 M $ de recettes, le plus gros succès commercial de Brad Pitt avant F1 - le film).

Brad Pitt joue Gerry, un héros impeccable : bon mari, bon père de famille, prêt à servir le monde mais sans être trop docile, l'esprit vif mais pas insolent, survivant à mille dangers tout en morflant (même si personne ne résisterait à ce qu'il endure physiquement). Il parcourt le globe sans jamais être fatigué, ne renonce jamais devant les difficultés.

Cette partition, il la joue parfaitement. Mais avec une dose de sobriété bienvenue : il ne pose pas en sauveur du monde, il fait d'abord ça parce qu'on ne lui donne pas le choix (l'armée menace de virer sa famille d'un porte-avion s'il n'obéit pas). Surtout on sent qu'il doute et à la fin il sait que rien n'est vraiment réglé, il a juste trouvé un moyen de gagner du temps.

Si le film avait davantage insisté là-dessus, il aurait gagné en ambiguïté et en puissance émotionnelle, laissant l'humanité dans l'expectative. La suite, si elle avait eu lieu, aurait pu connaître des développements passionnants sur la mortalité, le prix à payer pour toutes ces vies perdues, le manque d'anticipation, ce qu'il reste de vivant après une telle catastrophe...

Au lieu de ça, Forster, qui a réalisé un James Bond (Quantum of Solace), met tout ça en scène comme une aventure de 007 : on part de Philadelphie, on va à Newark, puis sur un porte-avion, puis en Corée du Sud, puis en Israël, puis en Ecosse. On assiste à un déferlement de zombies qui se déplacent très vite (c'est le bonus de l'histoire, alors qu'on a l'habitude des morts vivants qui se traînent), la chute de Jérusalem, un crash d'avion...

Heureusement que Gerry est marié et fidèle sinon on aurait pu avoir une Gerry Lane girl avec qui aurait pu avoir une romance de fin du monde, parachevant sa ressemblance avec Bond... Je me moque mais difficile de ne pas y penser. A la place, on a une vaillante soldat israélienne, dure au mal malgré sa frêle silhouette (Danielle Kertesz). 

Mireille Enos, qui joue la femme de Gerry, est une remarquable actrice, vue dans la série The Catch, mais réduite ici aux utilités, prisonnière du rôle de l'épouse qui attend le retour de son héroïque conjoint, un téléphone satellite toujours à portée de main. David Morse passe une tête et perd ses dents. Ruth Negga et Peter Capaldi incarnent deux scientifiques admiratifs de Gerry. C'est vraiment tout.

Il faut attendre le dernier quart d'heure pour éprouver une authentique trouille dont le film est par ailleurs dénué, trop occupé à gratifier l'audience de figuration numérique. L'action se passe dans un laboratoire où le héros, son escorte et un médecin doivent récupérer un agent pathogène curable dans une aile de bâtiment infestée de zombies.

Soudain, Forster et sa bande de scénaristes imaginent une séquence haletante, presque muette, où la tension grimpe en flèche dans un face à face entre Brad Pitt et un mort vivant. Soudain, tout se calme, se fige même, et le spectateur est pétrifié. Oublié le reste du monde, les hordes de goules, la caméra qui gigote dans tous les sens... Place à la peur, simple, pure.

Pour cela, il sera beaucoup pardonné à ce blockbuster boursouflé, qui devrait servir de leçon à tout producteur (ne jamais rien commencer sans un script fini et en béton). C'est peu, mais si réussi que ça évite à World War Z le discrédit. C'est juste un gros film, mal foutu, mal préparé, et donc malade. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire