vendredi 12 septembre 2025

JACKIE BROWN (Quentin Tarantino, 1997)


Jackie Brown, 44 ans, est hôtesse de l'air pour une compagnie minable. Mais elle fait passer de l'argent du Mexique aux Etats-Unis pour Ordell Robbie, un trafiquant d'armes établi à Los Angeles. Lorsque son collecteur de fonds, Beaumont Livingston, est arrêté par l'ATF, Ordell avance l'argent de sa caution à Max Cherry pour le faire libérer. Puis il l'attire dans un terrain vague la nuit venue et l'abat.
  

Agissant sur la base d'informations que leur avait fournis Beaumont, l'agent de l'ATF Ray Nicolette et l'inspecteur du LAPD Mark Dragus interceptent Jackie avec un sac rempli d'argent et un sachet de cocaïne. Refusant de répondre à leurs questions, elle passe la nuit en prison. Ordell refait appel à Max qui la fait sortir de là et la reconduit chez elle où l'attend Ordell. Mais elle a pris dans la boîte à gants de Cherry un pistolet et s'en sert pour négocier avec Robbie : elle fera semblant d'aider les autorités tout en faisant entrer clandestinement les 550 000 $ restants que le trafiquant a placé à l'étranger.
 

Ordell remplace Beaumont par Louis Gara, un ancien compagnon de cellule récemment sorti de prison, et que Melanie Ralston, une de ses maîtresses, tente de convaincre d'escroquer Robbie. Louis le raconte à Ordell qui ne s'en inquiète pas, sachant qu'elle n'est pas digne de confiance et que son ami, lui, est loyal. De son côté aussi, Jackie prévoit d'arnaquer Ordell mais pour cela elle s'assure la complicité de Max contre 10% du magot. Encore faut-il réussir ce coup sans que Nicolette et Dargus ne le soupçonne...
 

Jackie Brown est-il le meilleur film de Quentin Tarantino ? Pour ses détracteurs, oui. Curieusement, le cinéaste ne mentionne jamais cet opus quand il commente sa filmographie, comme s'il l'avait oublié. En 1997, il s'est passé trois and depuis qu'il a remporté la Palme d'Or à Cannes pour Pulp Fiction et il mettra six ans avant de livrer le premier volet de Kill Bill.


Néanmoins, à l'époque, Tarantino clamait que ce long métrage avait été fait en réaction à sa Palme d'or, Qu'il n'était pas réductible à ses deux premiers films. Ce sera la première et dernière fois en tout cas qu'il ne signera pas l'histoire originale, puisqu'il a adapté Punch Créole, un roman d'Elmore Leonard, dont il a modifié quelques éléments (la nationalité et le nom de l'héroïne, le cadre de l'action).


Si Tarantino ne parle guère de Jackie Brown, sa concrétisation a quand même durablement affecté son cinéma puisqu'ensuite il consacrera plus d'attention aux personnages féminins (la mariée de Kill Bill, la bande de filles de Boulevard de la Mort, Soshanna dans Inglorious Basterds, Daisy Domergue dans Les Huits Salopards). 
 

Il faut noter deux choses : dans ce film, les deux personnages les plus importants (Jackie Brown et Max Cherry) sont âgés (elle a 44 ans, lui dix de plus), le rythme semble épouser celui de leur existence. Ils ont de l'expérience, ont connu des échecs, songent à la retraite, et craquent l'un pour l'autre (sans oser se le dire). Et de fait, c'est un film étonnamment sentimental de la part de son auteur.

Ensuite, c'est une histoire où tous les personnages (sauf deux) sont intelligents. Ils n'agissent pas sans avoir mûrement réfléchi avant. Le film le souligne et fait confiance au spectateur pour l'apprécier. C'est sans doute aussi pour cela que Jackie Brown a pu dérouter, voir décevoir les fans du cinéaste qui ne l'attendaient pas sur ce terrain-là.

Je n'avais pas revu le film depuis sa sortie et je me rappelle très bien qu'à l'époque j'avais moi-même fait partie des déçus. J'avais trouvé laborieuse la séquence de l'échange de sacs dans le dernier acte, montré selon plusieurs points de vue (celui de Jackie, de Max, de Louis et Melanie). Et je me suis rendu compte en le revoyant que j'avais été injuste.

Car ce qui frappe, au deuxième visionnage, c'est justement à quel point le film, non seulement a bien vieilli, mais surtout s'appuie sur une construction solide, y compris quand il montre une même action sous différents angles successivement. C'est tout sauf laborieux. Parce que ça prouve à quel point l'arnaque de Jackie est bien ficelée même si elle est périlleuse.

On retrouve cette impression dans Once Upon a Time... In Hollywood, où, à nouveau, Tarantino s'est laissé aller à un récit parfois plus flottant, qui suit davantage les personnages qu'une intrigue, avant que celle-ci n'impose sa rigueur dans le dernier acte. Entre temps le public des fans et des spectateurs en général a évolué et accepté ce que Tarantino osait. Il aura "juste" fallu 22 ans...

Ce qui est certain et remarquable, c'est qu'on peut comprendre facilement ce qui plait tant à ceux qui d'habitude n'aiment pas Tarantino et ce qui déplaît à ceux qui l'adorent dans Jackie Brown. Mais d'une certaine manière Once Upon a Time... permet à chacune des deux parties de se retrouver. Et je pense que Tarantino est à la fois ce cinéaste fanfaron et amuseur mais aussi ce rêveur sentimental.

Le film par ailleurs n'est pas si différent sur certains points de Pulp Fiction. Par exemple, dans ce dernier, le cinéaste avait spectaculairement relancé la carrière au point mort de John Travolta, et ici, il a donné son plus beau rôle à Pam Grier, icone de la blaxploitation des 70's - même si elle est retombée aussi sec et injustement dans l'oubli ensuite.

Il a aussi permis à Robert Forster, autre vétéran oublié, de jouer sa meilleure partition, et souvent on se dit que c'est lui, la vraie révélation du film, élégant, débonnaire, charismatique (pourtant Tarantino pensa d'abord à Paul Newman puis Gene Hackman). 

Grier et Forster tiennent la dragée haute à Samuel L. Jackson qui campe Ordell avec une coolitude terrifiante, mais aussi Robert de Niro (qui a hérité d'un rôle prévu pour Stallone), épatant en abruti, et Bridget Fonda, horripilante et sexy à souhait (disparue des radars ciné en 2001). 

Pour l'anecdote, Michael Keaton reprendra, brièvement, son rôle de Ray Nicolette dans Hors d'Atteinte (autre adaptation d'Elmore Leonard) de Steven Soderbergh qui le trouvait parfait bien que son film était produit par un studio différent de celui de Tarantino. Dire que Travolta a refusé de le jouer (estimant qu'il méritait mieux qu'un second rôle après Pulp Fiction)...

Il faut absolument revoir Jackie Brown, cette pépite méconnue de son auteur, qui paraît l'avoir lui-même occulté. C'est indéniablement son oeuvre la plus singulière et la plus attachante.

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