mercredi 24 septembre 2025

LA KERMESSE DES AIGLES (George Roy Hill, 1975)


1926. Ancien combattant de la première guerre mondiale, Waldo Pepper gagne désormais sa vie en offrant des baptêmes de l'air et en effectuant des cascades aériennes. Mais cela ne paie plus guère et surtout le pilote vit dans le regret de n'avoir pas brillé durant le conflit et doit supporter la présence d'un rival, Alex Olsson, dans la région où il se produit. Mais les deux hommes finissent par s'entendre pour faire équipe jusqu'à ce que, répétant un numéro, Waldo manque d'y laisser la vie.


Il rentre chez lui au Kansas où l'attend sa petite amie Maude et le frère de celle-ci, l'ingénieur Ezra Stiles, qui lui a promis de lui construire un monoplan révolutionnaire avec lequel il pourrait être le premier à réussir un looping inversé. Maude, elle, se désespère des risques que prend Waldo qui, une fois rétabli, rejoint Axel pour être embauché dans le cirque volant itinérant de Doc Diellhofer. Toutefois, là aussi, les affaires vont mal et les spectateurs se raréfient, déjà blasés.


Deux drames vont briser l'élan de Waldo et Axel : d'abord quand Diellhofer engage la petite amie du second pour un numéro où, accrochée à l'aile d'un avion, elle se retrouverait dévêtue par le vent. Or, en répétant cette cascade, Mary Beth se crispe et ne peut remonter dans le cockpit. Waldo tente de lui venir en aide mais elle tombe en plein vol et meurt. Puis Newton Potts, inspecteur de l'aviation civile, interdit aux acrobates de voler. Ezra doit tester lui-même son monoplan et se tue en représentation...


Tourné la même année que Les Trois Jours du Condor, The Great Waldo Pepper (en vo) marque les retrouvailles, deux ans après L'Arnaque, de Robert Redford et du réalisateur George Roy Hill. Pour le cinéaste, c'est un dream project qui se concrétise car il est lui-même un pilote d'avion et c'est lui qui a imaginé l'histoire qu'il confie à William Goldman pour en tirer un script.


Le scénariste et le réalisateur ne seront pas d'accord sur le premier traitement, sans qu'on sache quel était leur point de divergence, mais corrigeront ensemble, durant le tournage, la dernière version. Peut-être Redford, qui était ami avec l'un et l'autre, a-t-il servi de médiateur, lui qui, comme les autres acteurs, assura l'essentiel des scènes aux commandes des biplans d'époque - condition sine qua non pour le réalisme du film, selon Hill.
 

On ne peut que saluer la bravoure des interprètes et la pugnacité de Hill car effectivement plusieurs scènes en vol sont extrêmement impressionnantes. Il n'a pas fallu attendre Top Gun : Maverick pour être époustouflé par des numéros aériens filmés de manière aussi immersive et efficace : La Kermesse des Aigles (en vf) est là pour le prouver.


L'action se situe donc en 1926, on est donc 11 ans après la fin de la première guerre mondiale et Waldo Pepper nous est d'abord présenté comme un bonimenteur qui prétend avoir combattu aux côtés des alliés et même affronté le mythique pilote allemand Ernst Kessler, responsable de la mort de 70 adversaires dans les airs.

Pourtant il n'en est rien, Waldo n'a volé qu'à la toute fin du conflit, avant cela il était formateur pour les pilotes, et il ment à ce sujet pour séduire de jeunes femmes naïves comme la fiancée de son rival, Axel Olsson, qui le démasque car lui a réellement essuyé les tirs des boches. Evidemment, ce différend initial va être le début d'une grande amitié entre les deux hommes.

Car Waldo est un daredevil, un casse-cou, il n'a peur de rien et veut proposer des numéros toujours plus audacieux - ce qui tombe bien puisque c'est ce qui lui réclame Doc Dillhoefer, qui explique que le public ne veut pas voir des acrobaties aériennes, mais des pilotes frôlant la mort. Mais Waldo est surtout percé à jour par sa propre fiancée, Maude.

A chaque fois qu'il se blesse lors d'une cascade, il rentre au Kansas où elle l'attend avec son frère, Ezra, un ingénieur génial. Maude a peur pour Waldo et c'est pour ça qu'elle n'assiste pas à ses spectacles. Mais surtout elle devine que la frustration de ne pas avoir réellement participé à la victoire contre les allemands et son intrépidité cachent mal des pulsions suicidaires.

Le récit ne ménage pas le spectateur et si le premier tiers du film s'apprécie pour son insouciance, il bascule dans le deuxième tiers à la suite de plusieurs revers dramatique pour le héros qui lui vaudront de ne plus pouvoir voler à cause de son comportement. La mort de Mary Beth et d'Ezra sonnent comme la fin de la fête à plusieurs égards.

En effet, l'aviation civile se réglemente et les trompe-la-mort dans leurs drôles d'engins ne sont plus les bienvenus dans le ciel. Axel veut d'ailleurs se reconvertir comme pilote de ligne et Diellhoefer voit son business brusquement péricliter. Où est alors la place de Waldo Pepper dans ce monde qui n'accorde plus d'espace à des aventuriers comme lui ? 

La dernière partie du film l'entraîne à Hollywood où sa route va croiser celle du mythique Ernst Kessler. On mesure combien ce film résume une époque : bien que Hill soit considéré comme un metteur en scène classique, en tout cas ne faisant pas partie du Nouvel Hollywood (comme Scorsese, Coppola, Lucas, Spielberg, De Palma...), il n'en est pas si éloigné que ça thématiquement.

Son cinéma parle de ces losers magnifiques, ces individus à la marge du système, qui refusent de s'y conformer - et ce n'est pas si éloigné que ça des personnages qu'on trouve chez les nouveaux directors qui apparaissent alors et révolutionnent le 7ème Art américain alors. Sauf que Hill reste un romantique, comme Pollack, et ne se résout pas à montrer ses héros morts. Ils ne font que disparaître de l'image. Leurs exploits sur pellicule leur assurent l'immortalité.

On comprend aussi pourquoi Redford était le grand acteur américain de cette période : il incarnait cette classe de personnages à la fois bigger than life et vulnérables, séduisants et fragiles, héritiers de l'âge d'or et pionniers de la modernité. Waldo Pepper est, comme Sonny Steele ou Butch Cassidy ou Jeremiah Johnson, un de ses plus rôles et une de ses meilleures compositions (même si, en vérité, il ne donnait jamais l'impression de composer).

Autour de lui, en dehors de Bo Svensson dans le rôle d'Axel, et de Bo Hudrin dans celui de Kessler, on remarquera deux jeunes actrices qui allaient faire de grandes et belles choses ensuite : Susan Sarandon et Margot Kidder.

Cela fait huit jours maintenant que Robert Redford est parti et j'ai voulu, à travers ces critiques de films, vous faire partager mon admiration pour cet acteur et cet homme qui changea le cinéma américain. Il y a encore des longs métrages avec lui dont je souhaite parler. Mais je voulais surtout souligner que ce n'était pas qu'un beau gosse, une idole démodée. C'était et ça reste un de mes comédiens favoris, et sa filmographie prouve la richesse de sa carrière.

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