Marc, un playboy, s'est enfui des Etats-Unis après avoir couché avec la femme d'un gangster. Celui-ci ordonne à ses sbires de le retrouver et de lui ramener sa tête. Marc a rejoint la France et gagne sa vie en jouant aux cartes à Monte Carlo. Il se fait vite remarquer et rattraper, mais juste avant qu'on l'exécute, il réussit à s'échapper et à semer ses assaillants. Il trouve refuge ensuite dans un asile pour pauvres où le prêtre lui offre le gîte et le couvert pour cinq jours et cinq nuits.
L'endroit est visité une fois par semaine, comme d'autres du même genre, par deux femmes, une riche veuve, Barbara Hill, et sa nièce, Melinda, qui lui offrent de devenir leur chauffeur particulier. Elles l'emmènent dans le château où elles résident sur les hauteurs de la ville. Marc se croit à l'abri mais l'ambiance dans cette incroyable demeure est étrange. Et chaque fois qu'il doit conduire l'une ou l'autre de ses bienfaitrices en ville, il a peur que les gangsters à ses trousses ne le voient.
Lorsque Barbara lui confisque son passeport et que Melinda, attirée par lui, cherche à le séduire, Marc a de plus en plus l'impression que sa planque est une prison dorée. Mais c'est en surprenant, l'insu de celle-ci, Barbara en train de parler toute seule devant le miroir de sa chambre qu'il se doute que cette maison cache un secret inavouable. Profitant de son jour de congé, il consulte les archives du journal local et tombe sur un article concernant Barbara dont le mari est mort deux ans auparavant, tué par un homme introuvable depuis...
Il y a quelques jours de ça, j'ai emprunté à la médiathèque le cd de la bande originale des Félins, composée par Lalo Schifrin, mort en Juin dernier. Le livret comporte le récit du musicien sur sa collaboration avec René Clément, le réalisateur du film, qui, à sa grande surprise à l'époque, lui avait laissé une grande liberté. Le résultat lui a donné raison.
Schifrin explique aussi quel homme cultivé était Clément, un auteur à part entière même s'il fut méprisé par les cinéastes de la Nouvelle Vague, qui n'avaient décidément pas beaucoup de jugeotte ni d'indulgence. Le compositeur estime que, comme pour ses acteurs, Clément fut en quelque sorte son mentor dans la mesure où il l'a laissé s'exprimer tout en sachant le guider.
Cette analyse est parfaite et s'applique idéalement aux Félins qui fut stupidement rebaptisé Joy House (autrement dit le nom qu'on donne aux bordels, aux maisons de passe, en Amérique), ce qui lui valut sûrement son échec commercial Outre-Atlantique. Qui sait, s'il avait connu le succès, si Alain Delon (à qui Schifrin dédia un morceau, Delon's Blues) ne serait pas devenu une star aux USA ?
Adapté du livre de Day Keene par Clément, Pascal Jardin et le romancier américain Charles Williams, Les Félins est souvent hypnotique dans son aspect le plus conceptuel même s'il n'égale pas le brio de Plein Soleil, avec lequel il partage certains aspects thématiques et son acteur principal.
Dans cette somptueuse demeure sur la Côte d'Azur, tout le monde manipule tout le monde et un seul en sortira vainqueur. Le récit démarre avec un bref prologue qui me paraît assez superflu (l'unique scène basée à New York) mais quand il décolle, c'est pour mieux plonger la tête de ses protagonistes sous l'eau.
Marc n'est qu'un gigolo insolent qui a commis l'erreur de coucher avec la femme d'un caïd. Il est recruté par une belle et riche veuve, qu'on appellerait aujourd'hui une cougar, comme chauffeur. ET la nièce de cette dernière lui sert à la fois de bonne et de complice. Evidemment, cette cage dorée intrigue Marc qui se demande comment deux femmes seules peuvent s'occuper d'un bâtiment pareil.
Petit spoiler : ils ne sont pas trois mais quatre à vire là-dedans, et le dernier est l'amant meurtrier de Barbara. Celle-ci et Melinda cherchent depuis plusieurs mois un pigeon qui ressemble suffisamment à l'homme qu'elles cachent pour qu'il usurpe son identité et fuit en Amérique du Sud avec le passeport de Marc.
Tour à tour, les deux femmes et leur chauffeur prennent l'ascendant, à mesure que leurs secrets n'en sont plus. Quand on découvre ce que cache quelqu'un, on a un moyen de le contrôler, de le manipuler, de le trahir. C'est ce que vont expérimenter les personnages, pris dans un tourbillon de désirs, de mensonges, de révélations...
Quand Les Félins joue à fond cette carte, en s'appuyant sur le huis clos, c'est un film parfait, vénéneux, sensuel aussi (sexuel même, à un point assez incroyable quand on pense qu'il date de 1964 et qu'on ne rigolait pas avec la censure alors). Quand il s'éloigne de son décor principal pour montrer des gangsters américains qui tombent très opportunément sur leur cible, il devient juste ridicule.
C'est sans doute pourquoi il ne soutient pas la comparaison avec Plein Soleil et qu'il a été oublié. Mais il faut cependant le redécouvrir, ne serait-ce que pour sa réalisation impeccable, d'une élégance rare grâce à la photo du grand Henri Decaë, et ses acteurs dirigés avec fermeté mais pour un résultat fabuleux.
Alain Delon a 28 ans alors et son jeu augure déjà des personnages plus troubles qu'il composera ensuite. Jane Fonda est d'une beauté sidérante que son partenaire, même si le tournage fut un calvaire pour elle (qui parlait à peine français, Clément ne cessait de la draguer - elle n'aima pas le film qui, selon elle, ne plut qu'à des "drogués"... Le rôle fut d'ailleurs d'abord offert à Natalie Wood). Et enfin Lola Albright, dont la carrière se résuma surtout à des séries télé (Peyton Place, Kojak), est magnifique.
Tout ça a vieilli, pas toujours en bien, et l'ensemble est très inégal. Reste la partition de Lalo Schifrin, et la beauté irréelle du casting.
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