Cleveland, 2007. Encore adolescente, Edie Meaney conduit ses parents à un point de deal où ils achètent de la cocaïne. Ils sont suivis par une voiture de police et la mère d'Edie lui conseille d'obtempérer en se rangeant sur le bas-côté tandis que son père lui enjoint d'accélérer pour semer les forces de l'ordre. 2025. Edie est devenue une jeune femme rangée qui travaille à la caisse d'une banque lorsque deux braqueurs surgissent. En tentant d'en désarmer un, elle est assommée.
Lorsqu'elle revient à elle, un médecin à l'hôpital l'examine et lui révèle que les voleurs ont été arrêtés. Ayant subi une analyse sanguine, elle apprend qu'elle est enceinte. Elle se rend chez son dernier amant, John, une petite frappe, pour le lui annoncer, mais le trouve aux prises avec des malfrats qui le tabassent. Elle intervient et s'enfuit en voiture avec John qui lui explique alors devoir de l'argent à Nico, un caïd avec lequel Edie a travaillé.
Pour rembourser ce que lui doit John, Nico exige que Edie reprenne son rôle de chauffeur pour un casse. Il s'agit de dérober une voiture à Las Vegas qui sera remplie de l'argent récompensant le vainqueur d'un tournoi de poker. Sur place, se trouvent déjà les sbires de Nico qui arrangent ce coup. Mais aussi Perm Walters, un autre chauffeur, qui rendent Edie et John méfiants : pour le compte de qui se trouve-t-il là ?
Disponible depuis hier sur Disney +, Eenie Meanie est le nouveau Samara Weaving movie, un sous-genre en soi pour cette actrice australienne spécialiste de la série B. Etant un de ses fans, je ne pouvais pas le rater, mais je ne vais pas faire durer le suspense et déclarer tout de suite qu'après la petite déception que fut Borderline, cette fois c'est la déconvenue.
Ecrit et réalisé par Shawn Simmons, un émule de Chad Stahelski (l'homme derrière la franchise John Wick), Eenie Meanie emprunte au car chase movies, c'est-à-dire cette catégorie de polars où le héros est un chauffeur qui participe à des braquages pour que les voleurs échappent à la police quand celle-ci se lance à leur poursuite.
Depuis Drive jusqu'à Baby Driver, pour ne citer que les réussites les plus récentes, tout l'intérêt de ces films passent par le style du cinéaste qui s'en emparent. Les intrigues se ressemblent à peu près toutes et la narration respecte des étapes familières : un casse foireux, avec des complices peu fiables, et l'enjeu repose sur le génie du pilote qui réussira à se sortir de ce guêpier.
Lorsque des metteurs en scène aussi géniaux que Nicolas Winding Refn ou Edgar Wright s'essaient à ce type de récit, ça fait des étincelles car ils connaissent les archétypes et savent surtout les transcender par leur manière de les visualiser. Mais Shawn Simmons n'est pas de leur trempe et ça se voit dès le début de Eenie Meanie.
En effet, le prologue laisse penser qu'on va avoir droit à un avant-goût spectaculaire quand Edie, gamine, écoute d'un côté sa mère lui dire de se ranger sur le bas-côté pour ne pas affoler le flic qui veut opérer un banal contrôle et de l'autre son père qui lui conseille plutôt d'appuyer sur le champignon pour semer ce même flic.
Mais au lieu de ça, Simmons fait un bond dans le temps et on retrouve Edie adulte et littéralement rangée des voitures. On apprendra plus tard, lors de la meilleure scène du film, qu'elle a écouté son père autrefois et que cela a coûté cher à ce dernier qui a reçu une balle, le clouant dans un fauteuil roulant, et tué sa mère.
Après avoir tenté sans succès de neutraliser des voleurs dans la banque où elle travaille désormais, Edie apprend qu'elle est enceinte. Elle va annoncer la nouvelle au père de l'enfant, une petite frappe qui doit un paquet de blé à un caïd pour lequel elle a travaillé. C'est ce dernier qui, pour que John (le futur père) éponge ses dettes, force la main à la jeune femme pour qu'elle participe à un braquage.
On a ensuite droit aux scènes imposées : rencontre avec les complices, revue du plan du casse. Classique. Puis le scénario ajoute du piment à la recette quand un deuxième chauffeur apparaît et éveille les soupçons d'Edie et John. Pourquoi est-il là ? Pour qui travaille-t-il ? Est-ce, simplement, ils ne vont pas se faire doubler ?
La meilleure scène du film intervient alors quand Edie décide, pour assurer ses arrières, de faire appel à son père (campé par Steve Zahn, touchant) pour participer lui aussi au casse. Là, Eenie Meanie se dévoile dans ce qu'il a de plus intéressant : Edie a su changer de vie, mais tous ceux qu'elle a aimés, non. Et aujourd'hui, elle attend l'enfant d'un type aussi inconséquent que le fut son père jadis.
Mais ce point soulevé, aussi intéressant soit-il, va jouer contre le reste de l'histoire. En fait Simmons aurait pu explorer ce que ça fait à une ancienne chauffeur de casse d'être ainsi rattrapée par ses démons. Ce n'est guère plus original, mais le fait que ce soit une héroïne, une femme, qui attend un enfant, rend la situation atypique et le dilemme plus épineux qu'à l'ordinaire.
Toutefois, le projet n'est pas celui-ci : le film repart sur ses rails mais, comme je l'ai dit, cet intermède va le miner complètement. Là encore, la poursuite spectaculaire attendue à la fin se révèle décevante : elle a bien lieu, mais elle manque de nerf, de tension, et surtout Simmons la leste d'un excès de sentimentalisme.
Quand il faut conclure tout ça, le scénariste-réalisateur ajoute des twists absurdes, supposément pour rendre le destin de Edie plus tragique, et toute l'aventure plus absurde. Mais ça ne fonctionne pas. Pour cela il aurait fallu un script plus rigoureux, des dialogues plus inspirés, et Simmons n'est ni Tarantino, ni Refn, ni Wright.
Que ce film soit porté par Samara Weaving en dit long sur ce pour quoi des cinéastes médiocres l'empêchent d'accéder au statut de vedette, comme une Mia Goth par exemple (qui a tourné, après la trilogie X, Pearl, MaxXxine, avec Guillermo del Toro). On compte sur son charisme naturel, son grain de folie pour pallier les défaillances criantes du projet.
Weaving fait ce qu'elle peut mais ne peut pas sauver à elle toute seule pareil naufrage. Pire : elle semble ne pas y croire elle-même, comme si elle commençait à s'ennuyer ferme. Son couple avec Karl Glusman fonctionne par intermittences, mais souvent leurs énergies s'opposent plus qu'elles ne se complètent. Quant à Andy Garcia, il est là pour cachetonner et ne fait aucun effort (mais on le comprend).
C'est dommage. Mais ceci explique peut-être cela : le film devait à l'origine être distribué en salles puis Disney a préféré le diffuser directement sur sa plateforme de streaming. Même eux n'y croyaient guère donc...
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