lundi 25 août 2025

THE LOST CITY OF Z (James Gray, 2016)


1906. Jeune major britannique dont le père, un alcoolique joueur, a ruiné la réputation, Percy Fawcett se voit proposer par la Société Royale de Géographie une mission : la Bolivie et le Brésil sont sur le pied de guerre car aucun des deux ne reconnaît la frontière naturelle qui les sépare. Or dans cette région est produit du caoutchouc dont les prix flambent à cause de la crise. Les deux pays ont donc demandé à l'Angleterre un arbitrage topographique.


Fawcett part sur place et arpente la jungle avec le caporal Henry Costin qui connaît bien la région et intercède auprès du baron de Gondoris, qui exploite une plantation et leur attribue un guide indien, Tadjui. Le sous-caporal Arthur Manley les accompagne bien que le gouvernement britannique leur déconseille toute exploration plus poussée. Cependant les récits de Tadjui à propos d'un cité couverte d'or dont aucun homme blanc n'est revenu motive Fawcett et son équipe et ils finissent par trouver des poteries et des statuettes antiques.


De retour au pays, la femme de Fawcett, Nina, a trouvé à la bibliothèque du Trinity College le texte d'un conquistador étayant les dires de Tadjui sur cette cité. Fawcett s'exprime à ce sujet devant la Société de Géographie qui ricane car ses représentants ne peuvent concevoir que des sauvages aient pu fonder une civilisation plus ancienne et avancée que la leur. Mais le récit de l'explorateur motive le célèbre biologiste James Murray de financer une nouvelle expédition à laquelle il prendra part...
 

Comme Eden, dont j'ai parlé hier, l'histoire de The Lost City of Z est vraie. Pourtant James Gray, scénariste et réalisateur de ce film, n'est pas à l'origine du projet : c'est la société de production Plan B de Brad Pitt qui lui a soumis l'idée d'en tirer un long métrage dans lequel la star aurait le premier rôle (finalement Pitt se désistera, Benedict Cumberbatch sera ensuite pressenti, sans suite).


Pour Gray, ce fut une surprise car il ne comprit pas pourquoi on faisait appel à un cinéaste comme lui habitué à tourner des drames à New York. Mais le défi l'intéressait et il s'investit dans l'écriture avec l'ambition d'en faire son Apocalypse Now : quoi de plus normal pour lui qui a toujours revendiqué l'influence des films du Nouvel Hollywood des années 70.


Permettez-moi à présent une question : combien de films voyez-vous en souhaitant, à la fin, qu'il ait duré plus longtemps ? The Lost City of Z dure pourtant 140' mais il en aurait fait 60 de plus, au moins, que cela ne m'aurait pas dérangé - et pourtant dieu sait que cette mode actuelle des films trop longs me hérissent car ils n'ont pas assez à raconter pour le temps qu'ils durent.


The Lost City of Z est un film tellement dense qu'on a presque l'impression que Gray a coupé un peu trop de scènes au montage pour livrer une copie raisonnablement exploitable. Or ça n'a pas empêché le résultat d'être un four au box office (comme à peu près tous les films de Gray). Mais pourquoi ? Hé bien, sans doute comme pour Eden, parce que ce n'est pas un film aimable.

Prenez son héros, Percy Fawcett : Il souffre d'être un officier sans médaille, sans reconnaissance, parce que son père a ruiné la réputation de sa famille en buvant et en jouant trop. Quand se présente à lui l'opportunité de monter en grade en accomplissant une mission d'exploration, il n'hésite pas lui-même à laisser femme et enfant derrière lui pour prouver qui il est aux yeux de sa hiérarchie.

Autrement dit, Percy ne vaut guère mieux en vérité que son paternel, sauf que l'exploit qu'il va réaliser lui vaudra effectivement les honneurs et que sa femme le supporte. Mais lorsqu'il est question d'un deuxième voyage en Amazonie et qu'elle veut l'accompagner, il a tôt fait de lui expliquer que ce n'est pas la place d'une femme et qu'il ne peut pas être diverti par sa présence.

Comme son père, il sera détesté par son fils aîné et ne reverra ses trois autres enfants que par intermittence. Car au fond de lui, Percy sait qu'en s'éloignant, en partant à l'aventure, il poursuit une obsession mais il fuit aussi ceux qui l'ont trop longtemps snobé et/ou entravé. Sans doute croit-il sincèrement à cette cité de Z, mais il court autant après elle qu'il s'échappe de sa famille, de l'armée, de la société anglaise.

Percy Fawcett est un héros difficilement cernable, en tout cas pas assez pour être simplement héroïque. Il est égoïste, obsédé, et cela ne peut convenir pour un film aussi cher et qui prétend attirer les foules. Néanmoins, la réussite de James Gray réside moins dans le fait de mettre l'argent sur l'écran que dans son souci maniaque du détail.

Combien pensez-vous que ce film ait couté ? A peine 50 M $ ! Incroyable mais vrai. On imaginerait plutôt facilement le double et pourtant... Gray fait des miracles sans rien céder de son exigence à mettre en scène cette histoire foisonnante, qui est à la fois le portrait d'un homme, la relation de plusieurs expéditions, un épisode de la première guerre mondiale, et un récit de transmission.

Il n'est pas ici question de colonialisme, ce mot-valise qu'on ressort désormais fréquemment pour pointer du doigt tous les dégâts supposés ou réels de l'homme blanc sur des peuplades étrangères. Percy Fawcett défendra, avec vigueur, le fait que des indiens ne sont pas des sauvages mais des hommes dont la civilisation précède la nôtre et a perduré différemment mais avec autant de méthode, voire plus de sagesse.

Ce n'est pas non de l'anti-féminisme qu'on peut lire dans la description qui est faite de Nina Fawcett, femme indépendante, intelligente, mais qui abdique devant son mari. Cette épouse comprend que rien ni personne ne pourra arrêter son mari et s'y résout, moins par résignation que parce qu'elle choisit ses enfants plutôt que son couple.

Une autre raison possible à l'échec du film réside dans la façon dont il tire le portrait des occidentaux. L'Angleterre est encore un empire qui règne sur le monde au début du XXème siècle et même ses savants sont des ignares condescendants. Ses notables sont des tricheurs rancuniers. Et la première guerre mondiale résume leurs échecs à tous. Pas très flatteur, mais lucide.

The Lost City of Z n'est pas sans défauts mais ceux-là ne suffisent pas à abîmer le film : les expéditions auraient gagné à être encore plus longuement montrées, on peut aussi s'étonner que Fawcett n'ait pas soumis à examens les poteries et statuettes qu'il a ramenées pour prouver ses dires, et la fin du film sera sans doute considérée comme trop mystique, trop allusive par certains.

Mais James Gray a préféré, et c'est à tout à son honneur, raconter la vérité qu'en faire un spectacle simplement divertissant et grandiose. Comme je l'ai dit, le film n'est pas aimable, il est crépusculaire (la photo de Darius Khondji est sublime), son rythme est lent, et l'ensemble est plus un voyage initiatique qu'une épopée romanesque à la gloire des découvreurs.

Si Brad Pitt avait joué Fawcett, cela aurait-il changé le cours des choses ? Nul ne le sait. Mais Charlie Hunnam y a gagné son meilleur rôle : il interprète ce personnage très sobrement, avec une justesse saisissante. Sienna Miller est admirable de dignité. Tom Holland a cette fougue inquiète qui sied au personnage de Jack Fawcett. Et Robert Pattison est formidable dans la peau de Costin.

Il faut vraiment redécouvrir The Lost City of Z. Aujourd'hui, en quelque sorte, pareil à cette cité mythique, chimérique, c'est un territoire à explorer et où se perdre avec ébahissement.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire