Julian et Billy, deux frères américains établis à Bangkok, dirigent un club de boxe qui leur sert de couverture pour un trafic de drogue. Après avoir assisté au combat d'un de leurs élèves, Billy part en ville. Il veut coucher avec un prostituée mineur et en trouve une avec laquelle il monte dans la chambre d'un hôtel de passe. La police débarque avec à sa tête l'officier Chang qui constate que Billy a frappé à mort la jeune fille.
Chang reçoit le père de la victime sur place et l'autorise à châtier l'assassin. Puis il le conduit dans un terrain vague pour lui trancher la main droite, sa punition pour avoir laissé sa fille se prostituer. Averti de la mort de Billy, Julian retrouve Choi pour le tuer mais l'épargne en écoutant sa version des faits. Crystal, sa mère, arrive à Bangkok pour faire rapatrier le corps de son fils aîné mais surtout pour se venger.
Julian refuse de s'en prendre à Chang car il estime que Billy a mal agi. Crystal paie Byron pour recruter des mercenaires qui feront le sale boulot, mais ils ratent leur coup. Cependant, Julian veut présenter à sa mère Mai, une call-girl qu'il fréquente et veut passer pour sa fiancée. Crystal les humilie pendant que Chang torture Byron pour connaître qui en a après lui, sans succès. Crystal prend peur et Julian décide de défier Chang...
Beaucoup de cinéastes, après avoir connu un grand succès, sont tentés par l'envie de tester le public qui les a plébiscités et réalisent leur opus suivant avec l'envie d'être plus radical, au risque de tout perdre. Et on sent bien que, malgré son côté crâneur, c'est ce qui a motivé Nicolas Winding Refn après le carton de Drive.
Lors d'un entretien avec William Friedkin, dont il était un admirateur, NWR (comme certains le surnomment) prétendait toujours aussi fièrement que Only God Forgives n'avait certes pas connu le même accueil positif que Drive mais que c'était un chef d'oeuvre. Friedkin s'étouffa de rire, demandant à ce qu'on appelle un docteur pour examiner son collègue.
Malgré tout le bien que je pense de Winding Refn, je ne peux qu'abonder dans le sens de Friedkin et ricaner devant sa prétention. Mais en même temps, il y a chez tous les cinéastes qui ne se mouchent pas du coude comme NWR un côté trop poseur pour ne pas être aussi farceur. Certainement qu'il croit à la qualité de son film, mais il sait aussi que ce genre de déclarations ne sera pas prise au sérieux.
Only God Forgives peut donc se lire, de manière plus détachée, comme une sorte de vaste blague, l'effort d'un zozo pour jouer à l'auteur, mais surtout comme sa tentative de défaire ce qui l'a couronné. En ce sens, c'est l'anti Drive. Wing Refn pousse tous les curseurs au maximum, à un point grotesque, comme pour se débarrasser de ses adorateurs et combler ses détracteurs.
L'intrigue tient sur un post-it et accumule les clichés les plus ridicules : Julian perd son frère, veut le venger, mais épargne son tueur en comprenant le mal qu'a fait Billy à une adolescente. Jusque-là, tout va bien car Julian réagit intelligemment : effectivement, son frangin a commis une atrocité et il ne mérite pas d'être vengé.
C'est ensuite que le récit bascule avec l'arrivée de la mère : il est sous-entendu, sans aucune subtilité, que c'est une matriarche incestueuse, elle parle vulgairement, méchamment, mais ne veut pas se salir les mains. Elle envoie les autres à l'abattoir jusqu'à être acculée. C'est une garce abominable et une poufiasse de première, pas plus défendable que son rejeton assassin.
Julian, pendant ce temps, se renferme de plus en plus : déjà qu'il n'était pas bavard ni très actif... Toute cette affaire le dépasse, lui déplait, il voudrait être ailleurs mais ne le peut pas. Et finalement, quand il sort de sa réserve, il veut clairement se suicider, en finir, sachant son adversaire invincible, prêt à le soulager de son fardeau.
L'unique personnage qui semble doté d'un peu de vie et de dignité est Mai, cette call-girl que fréquente Julian, et qui quitte la scène sans se retourner, après avoir assister au tabassage de son amant, moment où elle comprend qu'il a voulu être châtié - châtré même. Julian n'est pas émasculé, mais ostensiblement impuissant, et sa virilité passe par ses mains fermés qu'il observe comme deux masses maudites.
Winding Refn filme tout ça dans un Bangkok fantasmé, sordide, avec des lumières criardes. Les personnages traversent fréquemment des ruelles ou des couloirs comme des passerelles, et cela évoque David Lynch et ses labyrinthes mentaux (comme dans Lost Highway, Twin Peaks : Fire Walk with Me, Mulholland Drive).
Mais malgré son hyper stylisation, Only God Forgives ressemble à une parodie du cinéma de son auteur. Le rythme est lent, le temps dilaté au possible, les dialogues réduits au maximum (Julian n'a que 17 lignes de dialogue). C'est un film éreintant, malgré sa brièveté (90'), et qui est malaisant, inconfortable, chichiteux.
Si vous aviez trouvé, à raison, Drive cool, son héros charismatique et fonceur, son histoire romantique et violente, Only God Forgives va vous caresser à rebrousse-poil : ici, le héros en prend plein la gueule, littéralement, les péripéties sont minimalistes, le romantisme absent, le méchant implacable, l'issue éprouvante.
Ryan Gosling semble en avoir pris conscience et a accepté le défi périlleux de jouer la caricature du chauffeur de Drive : quasi-mutique, passif, il erre dans cette histoire comme un spectre et, dans un geste très Eastwoodien, démolit à la masse son image. Kristin Scott-Thomas est hilarante en mama fardée comme une maquerelle, plus forte en gueule que vraiment terrifiante.
La révélation de ce drôle de trip est Vithaya Pansringarm qui semble taillé d'un seul bloc, monolithe terrifiant, qui traverse le film comme l'ange de la mort, cruel et brutal, rendant la justice comme la pire des ordures, sans une once d'émotion. Je crois bien qu'il a encore moins de dialogue que Gosling, c'est tout dire.
Only God Forgives est la manière la plus tranchante qu'ait trouvé Wnding Refn pour en somme repartir de zéro. Mais il renouera avec sa superbe à l'occasion de The Neon Demon et surtout de sa série, hallucinante, Too Old to Die Young. J'aurai aimé voir sa série Le Club des Cinq, mais je pense qu'il sera plus aisé de découvrir son prochain long, Her Private Hell, dont la sortie est prévue l'an prochain.







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