Qui du Martien vert ou de son ennemi le Martin blanc réussira à dominer les esprits de Middleton ? Tandis que l'agent John Jones se bat pour ne pas mourir des mains de malfrats possédés, sa femme Bridget et son fils Tyler affrontent Bob, un autre des sujets de l'entité adversaire...
En Janvier 1979 paraissait Uncanny X-Men #117, écrit par Chris Claremont et dessiné par John Byrne : il s'agissait d'un épisode centré sur le professeur Charles Xavier, qui pensait une bonne partie des élèves de son institut pour jeunes mutants morts et qui songeait alors à suivre sa compagne, l'impératrice Shi'ar Lilandra, dans l'espace pour oublier cette tragédie.
Cependant, il se remémorait un épisode de son passé, quand il était encore valide et déambulait dans les rues du Caire où une jeune voleuse allait lui dérober son portefeuille (sans imaginer que plus tard elle deviendrait une de ses élèves). La suivant télépathiquement, il entrait dans un bar où, très vite, il allait faire la rencontre du commanditaire de la petite voleuse, un autre télépathe comme lui, Amahl Farouk.
S'ensuivait ce que le titre de l'épisode nommait : une guerre psi entre les deux mutants... Cet épisode, issu de l'âge d'or des X-Men, tous les fans de la série le connaissent comme un des classiques du run de Claremont et Byrne. Et si l'évoque aujourd'hui pour cette critique d'Absolute Martian Manhunter #6, c'est parce qu'il me semble que Deniz Camp en donne sa version.
La série, depuis son démarrage, revisite de manière très audacieuse et inventive l'histoire du Limier Martien, non pas en en faisant un habitant de Mars téléporté malencontreusement sur Terre et obligé de se fondre dans le décor grâce à ses pouvoirs de métamorphe et en devenant un policier sous le nom de John Jones, mais en détournant ces éléments.
Ici John Jones est un agent du FBI qui, à la suite d'un attentat auquel il a survécu, se met à halluciner avant de comprendre qu'il est entré en contact avec une entité extra-terrestre qu'il nomme le Martien. Au début leur relation est chaotique, Jones pensant qu'il devient fou. Puis, à la manière d'un buddy movie, ils deviennent complices, partenaires et enquêtent ensemble sur diverses affaires.
Le cadre de leurs investigations est la ville de Middleton, en proie à des événements de plus en plus bizarres; En outre, le comportement de plus en plus curieux de Jones interroge et inquiète sa femme, Bridget, qui finit par le mettre à la porte car il est de plus en plus absent (même quand il est à la maison avec elle et leur fils Tyler).
Tout cela culmine avec une panne d'électricité et de gaz qui plonge Middleton dans les ténèbres et plusieurs de ses habitants dans une folie meurtrière irrationnelle. Sauf pour le Martien qui détecte là l'oeuvre d'un de ses semblables maléfique, le Martien blanc. Le mois dernier, suite à un accident, le Martien vert et Jones étaient séparés alors que le bazar le plus dramatique s'emparait de Middleton.
On reprend exactement là où on était avec cet épisode 6 qui est le dernier du premier acte de la série. Il devait même être, à l'origine, le dernier tout court car DC avait seulement accordé six numéros à Camp pour raconter son histoire. Mais cette production zinzin a beaucoup plu aux lecteurs et l'éditeur a décidé de prolonger l'aventure avec six autres chapitres.
Avant de découvrir l'acte 2 de Absolute Martian Manhunter, il faudra être patient car Deniz Camp et DC ont refusé d'en confier le dessin à un autre artiste que Javier Rodriguez qui ne pouvait pas enchaîner douze épisodes d'affilée. Le titre va donc faire une pause et revenir en Décembre prochain afin de permettre à Rodriguez d'avancer dans son travail. On ne peut que se féliciter de ce choix.
Car Rodriguez a fait de la série un spectacle visuel incomparable, transcendant les scripts déjà barjo de Camp, et c'eût été une catastrophe de le voir remplacer par un autre dessinateur incapable de rivaliser avec son imagination visuelle. Encore une fois, cet épisode en témoigne, Absolute Martian Manhunter est la meilleure mini-série disponible (avec Batman and Robin : Year One quand même).
Il est extrêmement difficile de critiquer sans spoiler cet épisode, mais surtout sans en donner une interprétation par trop réductrice. Ce qu'accomplit Camp est hors normes : c'est aussi déviant que peut l'être une BD indé tout en gratifiant le lecteur d'un divertissement coloré et haletant comme un comic book très efficace.
Camp manie des concepts, des idées si étranges que les mots ne peuvent qu'en donner une version rabougrie. Il faut le lire, et pas seulement parce que le scénariste et le dessinateur trouvent des moyens de jouer avec le média même de la bande dessinée, mais parce qu'il me paraît impossible de traduire réellement le degré de dinguerie et de plaisir qu'on ressent en lisant cette série.
Pourtant cette impuissance démontre la puissance du projet. Arriver à ce que le critique ne puisse ni trop en dire ni à dire de manière claire ne provient pas d'une BD trop compliquée à saisir, à apprécier. Cela est le fruit d'une BD qui renouvelle puissamment ce que la BD propose en tant que média. Absolute Martian Manhunter est la preuve que rien n'est fini, rien n'est joué : il reste des choses à inventer. Et Deniz Camp et Javier Rodriguez le prouvent mois après mois depuis six mois.
Décembre va être long à attendre, mais les retrouvailles avec cette série seront un régal à la mesure de cette attente, n'en doutons pas.
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