dimanche 31 août 2025

CRIMINAL, TOME 1 : LÂCHE ! (Ed Brubaker / Sean Phillips)



Leo Patterson est connu dans le milieu comme le meilleur organisateur de braquages. Mais il est considéré comme un trouillard. Son dernier casse s'est mal déroulé avec la mort de son ami Terry Watson. Depuis il a raccroché, se contentant de piquer le portefeuille des passants. Mais quand la veuve de Terr, Greta, le lui demande, il se sent obligé d'accepter un nouveau coup.

Greta a en effet entendu parler d'une affaire par Seymour proposée à Leo : il s'agit de l'attaque d'un fourgon contenant des diamants d'une valeur de 5 M $ qui sont aussi de pièces à conviction contre des trafiquants. Leo recrute son ami Donnie la tremblote qui joue les épileptiques dans des rames de métro pour dépouiller les passagers. Puis il explique son plan à Seymour et à Jeff, le flic ripou qui les a tuyautés.


Leo se méfie - à juste titre. Jeff et Seymour le doublent, Greta est blessée par balles durant le casse. Mais elle part avec lui en emportant la valise remplie de diamants... Mais qui contient en vérité 16 kg d'héroïne pure...


Octobre 2006 : Ed Brubaker est scénariste pour Marvel qui a, à cette époque, un label, Icon, pour publier des comics en creator-owned par leurs auteurs maison. Le scénariste renoue à cette occasion avec Sean Phillips, qui avait été l'encreur de Scene of the Crime (dessiné par Michael Lark et publié par Image Comics), et lance Criminal.


Il s'agit d'un projet à long terme, longuement mûri par l'auteur, qui veut renouer avec le genre policier qu'il adore et dont chaque arc narratif mettra en scène des personnages différents mais évoluant dans un même cadre, à différentes époques. En pratique, cela signifie que le héros d'une histoire pourra ensuite n'être qu'un second rôle ou un figurant dans la suivante et vice-versa.

Coward (en vo) est la première de ces histoires criminelles. Elle met en scène Leo Patterson, fils du légendaire gangster Tommy Patterson, arrêté, condamné et incarcéré pour le meurtre d'un autre malfrat, Teeg Lawless. Leo a appris au contact de son père et de son partenaire, Ivan, dont il a aujourd'hui la garde car il est atteint de la maladie d'Alzheimer, comment être un bon pickpocket.

Mais le garçon a développé depuis son plus jeune âge un génie véritable pour organiser des braquages, préparant minutieusement chaque coup. Mais avec une aversion radicale pour les armes. Et la volonté de ne pas finir derrière les barreaux d'une prison comme son père. Il se dit prudent. On le traite de trouillard. De lâche.

Son dernier casse s'est mal passé, son ami Jerry est mort, abattu par la police. Seymour s'adresse à lui pour une affaire facile : un vol de diamants. C'est un inspecteur de police ripou, Jeff, qui propose le coup. Autant de raisons de refuser. Jusqu'à ce que Greta, la veuve de Jerry, s'en mêle et ne convainque Leo d'accepter, au moins pour la dédommager.

Le récit de Brubaker est un modèle du genre : découpé en deux parties et cinq épisodes, on assiste d'abord aux préparatifs et à l'exécution du braquage, puis à la cavale et à la revanche de Leo et Greta quand, immanquablement, ils se font doubler. L'astuce, ici, c'est que les fugitifs sont partis avec le butin. Leur problème : ce ne sont pas des diamants mais de l'héroïne promise à un caïd.

Tout d'abord, on lit quelque chose de finalement très classique, pour ne pas dire convenu. Mais ce qui fait la différence, c'est la personnalité de ce héros atypique, Leo Patterson, génie de l'organisation, mais considéré comme un pleutre. Il a toutefois raison d'être méfiant et le lecteur n'a pas de mépris pour lui parce qu'il sait qu'il a raison. 

Puis tout s'emballe : au fur et à mesure qu'on découvre qui est derrière tout ce mic-mac, le danger devient palpitant et le sort de Leo et Greta précaire. Le lecteur éprouve alors une réelle empathie pour ce couple, d'autant plus qu'il traîne avec eux un vieillard sénile et toxico et que la mère et la fille de Greta seront bientôt menacées à leur tour.

La série noire impose que cela se finisse mal et Brubaker ne fait preuve d'aucun sentimentalisme, ce qui rend à la fois son histoire poignante et cruelle, mais aussi crédible. Le simple postulat de base - un dernier coup avant de raccrocher - est la promesse que ça va mal se passer, qu'il y aura des morts, du sang et des larmes. C'est donc convenu, mais ça n'en reste pas moins efficace.

Surtout, grâce à Sean Phillips, les personnages prennent vie et ont de la chair. Leurs looks sont parfaitement conçus, leur environnement admirablement rendu, et l'action est toujours d'une impeccable lisibilité. Phillips n'est pas un artiste démonstratif, il est tout entier au service de l'intrigue et des ambiances.

Pas d'excentricité visuelle donc, mais quelque chose de brut, d'autant qu'à cette époque encore l'artiste a un trait encore très anguleux, et les couleurs de Val Staples appuient les contrastes. C'est l'autre principe du genre : toujours être simple, direct, expressif, expressionniste même. Si le dessinateur semble prendre ses marques, on sent l'énorme potentiel et l'investissement total dans chaque case, chaque page.

Ce premier tome est aujourd'hui disponible dans une Intégrale (en trois tomes), en vf, chez Delcourt (voir ci-dessous). 


Et servira de base pour une adaptation filmé pour Prime Vidéo (dont la date de programmation n'a pas encore été arrêtée), mais supervisée par les auteurs et doté d'un casting de première classe (Charlie Hunnam, Adria Arjona, Richard Jenkins, Garrett Hedlund, Emilia Clarke, Luke Evans, Logan Browning...). Si ça, ça ne vous donne pas envie de découvrir Criminal...

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