jeudi 14 mars 2024

THE SIX FINGERS #1 (Dan Watters / Sumit Kumar) - Avec The One Hand, 2 comics qui n'en font qu'un


The Six Fingers / The One Hand interconnected covers by Alvaro Martinez Bueno


Neo Novena. Johannes Vale tente de convaincre trois professeurs d'organiser des fouilles dans une mine au bout du monde, convaincu d'y trouver la preuve de l'existence d'une civilisation ignorée. Il se rend ensuite dans la centrale énergétique où il travaille et prend de gros risques pour déboucher le système de filtration. Mais où sont passés les pages de texte de son exposé ?


The Six Fingers est donc la seconde moitié du projet créé par Ram V, Dan Watters et Lawrence Campbell et dont chaque épisode sera publié pendant cinq mois par Image Comics. Evidemment, on ne peut pas lire The Six Fingers sans lire The One Hand, réalisé par Ram V et Lawrence Campbell : c'est tout le principe de ce projet, faire deux comics qui se répondent, se complètent.


Mais la contrainte est vite oubliée car le résultat est passionnant. Dans The One Hand, on suit Ari Nassar, un policier rattrapé par une vieille affaire alors qu'il partait à la retraite : le tueur à une main. Dans The Six Fingers, on s'intéresse à un étudiant, Johannes Vale, qui veut entreprendre des fouilles archéologiques à la recherche d'une civilisation oubliée mais qui, lors de son entretien avec ses professeurs, ne sait pas ce qu'il a fait de ses notes pour les convaincre.


Et on comprend l'essentiel avec The Six Fingers : le sujet des deux séries, c'est bien la mémoire. Ari Nassar est littéralement hanté par l'affaire du tueur à une main, Johannes Vale est obsédé par la perte de ses notes. Le policier traque un indice, un signe, un détail qui trahira le tueur. L'étudiant, en refaisant le chemin qu'il avait emprunté la veille de son exposé, va se souvenir de ce qu'il a fait et pourquoi il n'a pas pu retrouver ses notes.


Rarement un comic-book (deux comics !) ont ainsi travaillé la notion de mémoire, d'oubli, de réminiscence. Vous avez peut-être vous-même expérimenté cette sensation frustrante de ne pas vous souvenir d'un nom, d'un titre, de l'avoir comme on dit "sur le bout de la langue". Et plus vous cherchez à vous en rappeler, plus cela vous échappe. Et lorsque ça vous revient, c'est souvent au moment le plus inattendu, quand vous n'y pensez plus. Alors, ça surgit comme une évidence et vous vous demandez alors comment vous avez fait pour l'oublier. C'est cela qu'on ressent et partage avec les héros de The One Hand et The Six Fingers. Comme une décharge électrique.

Dan Watters n'a pas le renommée de Ram V mais il a autant de talent. Il a la charge de raconter la partie la plus ingrate de ce curieux diptyque en se penchant sur le cas de ce jeune homme qui a la sentiment quasi-pathologique de saborder sa propre vie, estimant être responsable de l'échec de son entretien, de la perte de ses notes, s'exposant à un danger insensé dans la centrale où il gagne sa vie parce qu'il en a marre que la situation s'y dégrade et que rien ne soit entrepris pour l'améliorer, qui précipite la rupture avec sa copine, et reconstitue son parcours tout en pressentant que quelque chose de terrible s'est produit la veille au soir.

Watters donne une épaisseur étonnante à ce jeune homme fébrile, qui ne comprend pas ce qui lui arrive et qui pourtant s'abandonne à une sorte d'extase morbide en admettant sa responsabilité, qui perd pied et se laisse glisser avec jubilation sans l'abîme. Bien entendu, tout tient maintenant à la manière dont Watters et Ram V, chacun de leur côté mais ensemble, vont réunir leurs héros et les confronter, mais le procédé est vraiment d'une efficacité redoutable.

Au dessin, le style de Sumit Kumar (qui a travaillé auparavant avec Ram V sur These Savage Shores et Justice League Dark) est complètement différent de celui de Lawrence Campbell. On pense parfois, notamment pour les visages, à Javi Fernandez (Green ArrowNightwingKing Spawn), mais avec moins de détails, de noirceur. La colorisation de Lee Loughridge (qui s'occupe aussi de celle de The One Hand) y est pour beaucoup, plus lumineuse, nuancée. Le découpage est nerveux, avec des effets bien dosés comme des inserts, des cases occupant toute la largeur de la bande, qui impactent le rythme même de la narration graphique.

Encore une fois le lettrage de Aditya Bidikar et le design de Tom Muller jouent un rôle prépondérant dans la réussite de ce projet bicéphale et fascinant, où on sent tous les participants très investis.    

C'est une expérience addictive et haletante, d'une cohésion sans faille. Un de ces projets audacieux qu'il ne faut surtout pas manquer.

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