vendredi 29 mars 2024

ULTIMATE SPIDER-MAN #3 (Jonathan Hickman / Marco Checchetto)


Une visite de Peter dans les locaux du nouveau journal que veulent fonder J. Jonah Jameson et Ben Parker lui indiquent que les deux amis veulent publier une enquête sur le Bouffon Vert qui s'en prend aux possessions de Wilson Fisk. Spider-Man planque pour trouver ce Bouffon Vert mais un autre personnage masqué va s'inviter dans la partie...


Si on pouvait, légitimement, faire le reproche à Jonathan Hickman de prendre son temps sur les deux premiers épisodes d'Ultimate Spider-Man, sans que cela ne soit pourtant désagréable ni inconvenant (après tout, il fallait bien réintroduire le personnage dans ce nouvel univers avec des différences importantes), cette fois, on sent bien que le scénariste accélère.


Passée la scène d'ouverture où Peter Parker modifie son costume sur les conseils de sa fille May, la suite est plus mouvementée. Et Spider-Man se met en tête de trouver et savoir ce que fabrique ce mystérieux Bouffon Vert qui s'en prend à tout ce que possède Wilson Fisk. Encore une fois, Hickman trouve un angle inattendu pour aborder ces éléments et aboutit à un cliffhanger imprévisible.


Il y a définitivement quelque chose de changé dans l'écriture du scénariste, qu'on a souvent considéré avant tout comme un bâtisseur de mondes fictionnels, peu attaché (voire peu doué) pour la caractérisation (utilisant les personnages de manière fonctionnelle pour coller aux objectifs d'une intrigue). Et en s'attachant à Spider-Man, il traite d'un personnage iconique où il ne peut se dispenser d'un vrai travail sur sa personnalité.


Le fait le plus notable jusque-là, c'est que dans cette version d'Ultimate Spider-Man, Peter Parker était marié et père de famille, et que son oncle Ben était encore vivant (mais pas sa tante May). Hickman a donc inversé la situation existant dans l'univers classique du tisseur (où, par la volonté des editors, on interdit à Peter d'être en couple, a fortiori d'avoir des enfants, et de ramener l'oncle Ben d'entre les morts ou de faire mourir la tante May).

L'autre tabou qu'a fait sauter Hickman concerne l'identité secrète de Spider-Man. Très vite, dès le précédent épisode, sa fille a découvert son secret ici, et encore un autre personnage va apprendre qui se cache sous le masque du héros dans ce numéro. Il est encore trop tôt pour savoir où veut en venir Hickman avec ce procédé et s'il compte l'étendre (par exemple avec Mary-Jane Watson) mais exposer ainsi la double identité de Spider-Man a évidemment un objectif (certainement fragiliser le héros en premier lieu).

Enfin, Hickman s'amuse avec les propriétés originelles du personnage : par exemple, il a rapatrié le Caïd, Wilson Fisk, dans le cercle des ennemis de Spider-Man, comme c'était le cas quand Stan Lee l'écrivait. C'est un rappel utile car Frank Miller a tellement contribué à faire de Fisk la némésis de Daredevil qu'on a pu oublié à quel point Spider-Man et le Caïd étaient d'abord face à face.

Le récit construit alors des triangles (et on sait à quel point Hickman apprécie de dessiner des relations géométriques entre ses personnages) : Peter-MJ-leurs enfants, Peter-Ben-Jonah, Spider-Man-le Bouffon Vert-Fisk, et cette fois Spider-Man-le Bouffon Vert-Le Tireur. Car c'est le petit événement de cet épisode, Bullseye entre dans la partie, engagé pour éliminer le Bouffon Vert. Et Hickman d'insister sur l'amateurisme de son Spider-Man qui déduit certes que Bullseye est en mission pour Fisk mais ne se doute pas du tout que ses vrais patrons sont des gens bien plus puissants (il s'agit des alliés du Créateur, les vrais maîtres du monde Ultimate tel que repensé par Hickman).

Ainsi, le scénariste renoue aussi avec la naïveté originelle du héros et fait de son histoire un récit initiatique, celle d'un justicier qui apprend petit à petit à appréhender le monde qui l'entoure en découvrant que des forces obscures et puissantes sont à l'oeuvre. Cela remet en perspective le projet même de la série, d'autant plus intensément que ce Peter-ci n'est pas un gamin mais un homme, un adulte, qui apprécie cela avec moins d'insouciance donc.

Marco Checchetto est très en forme : le combat qui oppose le Bouffon et le Tireur d'abord avant que Spider-Man ne s'en mêle est formidablement chorégraphié. Le dessinateur varie les angles et rend les assauts en plein ciel très spectaculaires. Quand le Tisseur intervient et que l'action prend une nouvelle dimension, Checchetto continue de trouver des solutions graphiques pour adapter les coups, leurs impacts. Bullseye est redoutable et tient tête à ses deux adversaires : l'artiste a légèrement modifié le design du tueur pour le rendre plus réaliste (comme il l'a fait dans le précédent épisode avec le Shocker) et c'est très réussi.

Mais autant annoncer tout de suite que le mois prochain Checchetto ne sera pas là, remplacé par David Messina (qui n'est pas mauvais mais dont le style n'a rien à voir). Plus qu'un essoufflement précoce du dessinateur, je mets ça sur le dos de Will Moss, l'editor de la série, qui n'a à l'évidence pas anticipé suffisamment pour accorder le temps à Checchetto s'enchaîner les épisodes (surtout avec le premier qui avait une pagination plus importante). C'est vraiment désolant car pour la majorité des lecteurs, cela sera la faute de l'artiste alors qu'en vérité on a là l'exemple d'une mauvaise gestion de son calendrier par le responsable éditorial du titre. Heureusement Checchetto sera de retour en Mai pour le n°5, mais il faut que Marvel réfléchisse tout de suite à un second artiste régulier pour le suppléer.

Cette réserve mise à part, Ultimate Spider-Man continue sur sa très bonne lancée, réussissant à me réconcilier avec ce héros dont les aventures dans l'univers classique m'ont depuis longtemps découragé.

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