mardi 19 mars 2024

PEARL (Ti West, 2022)


Texas, Etats-Unis. 1918. Durant l'épidémie de grippe espagnole, Pearl vit avec ses parents, immigrés allemands, dans une ferme à l'écart de tout. Le mari de la jeune femme, Howard, est parti combattre en Europe aux côtés des forces alliées. sa mère, Ruth, autoritaire, insiste pour qu'elle l'aide en s'occupant de son père, paralysé depuis qu'il eu un A.V.C.. Mais Pearl rêve d'une vie plus excitante.


Ainsi, chaque fois qu'elle va à la ville la plus proche pour acheter de la morphine pour son père, elle en profite pour se changer les idées au cinéma et rêve qu'un jour ce sera elle qu'on verra sur l'écran. Elle fait ainsi la connaissance du séduisant projectionniste de l'endroit qui se prend d'affection pour elle et lui offre un photogramme découpé dans la pellicule.


Mais alors qu'elle rentre chez elle à bicyclette, le photogramme s'envole de la poche de sa salopette. Pearl se met à chercher le morceau e celluloïd dans un champ de maïs, sans succès. Elle aboutit au centre du champ dominé par un épouvantail qu'elle décroche et se met à danser avec lui puis à l'embrasser langoureusement en imaginant qu'il s'agit du projectionniste. En se frottant l'entrejambe contre l'épouvantail, elle atteint l'orgasme. 


Mitsy, la belle-soeur de Pearl, lui rend visite à la ferme et lui parle d'une audition qui aura lieu en ville pour une troupe ambulante de danseuses et elles conviennent de s'y présenter ensemble. Mais Ruth devine les plans de sa fille et la réprimande durement. La nuit venue, Pearl retourne en ville et se donne au projectionniste après qu'il lui a montré un film érotique et encouragé à suivre ses rêves comme lui qu'il désire visiter l'Europe à la fin de la guerre.


Aussi, lorsqu'une nouvelle dispute éclate entre Ruth et sa fille, cette dernière voit sa vie changer dramatiquement...


Hier, je vous ai parlé de X et qu'il s'agissait du premier volet d'une trilogie qui se conclura en Juillet prochain avec la sortie en salles de MaXXXine. Pearl n'est cependant pas la suite de X mais sa préquelle puisque l'action se déroule en 1918, soit 61 ans avant les événements survenus dans X. Ce qui explique le sous-titre en vo du film : An X-traordinary Origin Story.


On retrouve donc dans le premier rôle Ruth, la vieille dame qui accueillait, avec son mari Howard, l'équipe de tournage présentée dans X. Ti West a écrit le scénario avec son actrice et muse Mia Goth et mis le film en boîte en un mois, alors que la pandémie de Covid se répandait dans le monde entier - ce qui est transposé dans l'intrigue par l'évocation de l'épidémie de grippe espagnole qui obligeait à se masquer le visage pour ne pas être contaminé.
 

Vite filmé, pour un budget dérisoire, avec seulement cinq acteurs principaux, Pearl n'est jamais limité par ces nombreuses contraintes. Au contraire, le cinéaste tire parti du contexte pour livrer un long métrage qui va droit au but tout en entretenant une ambiance électrique et horrifique très efficace. Car vous l'aurez deviné, Pearl n'a pas toute sa tête...

Cette jeune fille vit dans un environnement particulièrement pesant, entre un père invalide et une mère castratrice, dans un coin isolé. Sa seule distraction, c'est le cinéma et le rêve qu'elle nourrit d'en faire un jour. Ainsi la voit-on se produire dans la grange de la ferme devant la vache, le mouton et le jars... Qu'elle finit par tuer d'un coup de fourche avant de le donner en repas au crocodile dans le lac voisin !

Bon, elle a donc un pet au casque, la petite, mais rien ne va vous préparer à la suite. D'autant que le récit esquisse une romance entre elle et le projectionniste, même si ce dernier n'a pas l'air très net non plus. Drôle d'idée en effet de montrer un film érotique à une gamine des champs puis de lui dire de but en blanc qu'il la verrait bien dans une production de ce genre...

Tout le petit génie du film réside dans l'attente : à quand Pearl va-t-elle griller un fusible ? En vérité, le drame éclatera de la manière la plus inattendue possible, sans même qu'elle en soit responsable, en tout cas directement. Mais ensuite c'est la glissade dans la folie la plus terrifiante et Ti West parvient magistralement à surprendre le spectateur en en faisant son complice. Un malaise prégnant s'installe et gagne tous ceux qui environnent Pearl.

Lorsqu'on regarde Pearl après X, la perspective est évidemment sinistre. Mais quand, comme moi, on l'a vu avant X, tout change puisque les références faîtes au passé de Pearl dans X prennent une tout autre tournure : il flotte alors un air de malédiction sur cette ferme, quelque chose d'inéluctable, de délicieusement dérangeant. Quoiqu'il en soit, l'entreprise de cette trilogie est fascinante et donne vraiment très envie de découvrir comment Ti West va aborder l'ultime volet avec MaXXXine, dont l'action se déroulera en 1985 (soit six ans après les faits survenus dans X).

Encore une fois, Mia Goth est extraordinaire : elle fait de Pearl une figure à la fois tragique, pour laquelle on éprouve de la compassion, et en même monstrueuse, qui suscite l'angoisse. Le dernier plan du film est déjà inoubliable quand elle est longuement saisie en plan-séquence, affichant un sourire crispé très perturbant. Le contexte est alors primordial, mais je ne vous le révèlerai pas.

A ses côtés, on reconnaîtra l'excellent David Corenswet dans le rôle du projectionniste et on savourera sadiquement le sort réservé au futur Superman de James Gunn...

Une série B diablement mordante et la confirmation du talent unique de Mia Goth, définitivement l'actrice la plus atypique du cinéma américain actuel.

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