lundi 18 mars 2024

X (Ti West, 2022)


Texas, Etats-Unis. 1979. Des policiers découvrent dans une ferme plusieurs cadavres tués violemment sans s'expliquer ce qui s'est passé...


24 heures plus tôt. Maaxine, jeune femme aspirant à devenir une star de cinéma, part avec son amant, Wayne, producteur, pour un tournage. Ils sont accompagnés par Bobbie-Kynne, danseuse burlesque ; Jackson, un vétéran des marines ; Lorraine, preneuse de son ; et le copain de celle-ci, RJ, réalisateur. Wayne a loué à un couple de vieillards, Howard et Pearl, la dépendance de leur ferme pour les prises de vue, mais sans leur dire qu'il allait filmer un porno.
 

Aussitôt installés, ils commencent à tourner les scènes d'amour entre Bobbie-Lynne et Jackson. Maxine en profite pour sortir prendre l'air et va se baigner dans le lac voisin en ignorant que s'y trouve un crocodile et que Howard l'observe. Quand elle rentre, il est temps de mettre en boîte une scène avec elle et Jackson dans la grange de la ferme où cette fois, c'est Pearl qui les épie. La vieille femme rejoint son mari et le supplie de lui faire l'amour mais il refuse, craignant que son coeur ne supporte pas cet effort.


Le soir venu, Lorraine est prise à parti par Maxine qui n'apprécie pas ses regards accusateurs. La preneuse de son reconnait qu'elle ne s'attendait pas participer à un porno mais l'expérience la fait réfléchir et elle est même prête désormais à passer devant la caméra, ce qui déplaît à RJ. Wayne prend son réalisateur à part pour le calmer en lui expliquant que de toute manière Lorraine ne changera pas d'avis. Il se résigne donc à tourner avant d'aller se coucher.
 

Mais RJ est perturbé par ce qu'il a vu et décide de planter l'équipe en partant de la ferme avec le van de Wayne. Mais ça ne va pas être possible et la nuit va tourner au cauchemar...


Avoir envie de voir un film peut vous tomber dessus par hasard, alors même que vous ignoriez jusqu'à l'existence du dudit film. C'est ce qui m'est arrivé avec X de Ti West. Je venais de lire un article sur le prochain film de Guillermo del Toro, une nouvelle adaptation de Frankenstein qui sortira l'an prochain, avec Oscar Isaac, Jacob Elordi et Mia Goth. Et comme c'est l'usage, pour identifier les interprètes, étaient mentionnés les titres de leurs derniers films : pour Mia Goth, que je ne connaissais pas (ou simplement de nom), ce mystérieux X.


Je pars en quête d'une copie et je la visionne. Et là je découvre un long métrage épatant, pourtant dans un genre dont je ne suis pas client puisqu'il s'agit d'un film d'horreur. Ti West, également auteur du scénario, situe son histoire à la fin des années 70 dans les Sud des Etats-Unis et il joue à fond sur les clichés de l'époque avec l'utilisation de plans en 4/3 sur une pellicule avec une définition grossière, des filtres, etc.


Le décor principal, une ferme isolée, est un autre cliché : les films d'horreur privilégient les endroits éloignés de tout qui deviennent des pièges parfaits pour les protagonistes. Un peu comme le Robert Rodriguez d'Une Nuit en Enfer ou le Tarantino de Boulevard de la Mort, X devient alors une sorte de concentré de tout ce qu'il y a de plus volontairement racoleur pour aguicher le spectateur puisque la troupe de personnages principaux va y tourner un film pornographique avec un budget aussi réduit que X lui-même visiblement.

Mais comme ses illustres prédécesseurs quand ils avaient voulu ressusciter les grindhouse movies, Ti West, une fois son audience accrochée, ne sombre pas dans la vulgarité et entraîne son affaire dans sa vraie direction : le film d'horreur. Et là, il se lâche complètement, au point que ça en devient atrocement drôle - enfin... Si vous appréciez l'humour très noir, une forme assumée de grand-guignol.

Résultat : X a cartonné. Produit par A24 (le studio derrière lequel on trouve des objets aussi captivants que Pauvres Créatures de Yorgos Lanthimos, Midsommar de Ari Aster, Moonlight de Barry Jenkins, Everything Everywhere All At Once de Daniel Kwan et Daniel Scheneirt - des productions indés mais qui ont su cartonner au box office et gagner des prix prestigieux), c'est une pure série B mais avec ce supplément d'âme qui fait qu'on voit tout de suite la différence entre la reproduction d'un film d'exploitation et un commentaire sur ce type de films.

La grande force de X, c'est qu'il s'apprécie sur deux niveaux : le premier, c'est de donner tout ce dont le fan lambda de film d'horreur a envie, c'est-à-dire de jolies filles qui n'ont pas froid aux yeux, une ambiance malsaine qui tourne au cauchemar sanglant, un crescendo narratif maîtrisé, et une concision rythmique imparable. Le second, c'est de réfléchir à ce que tout ça signifie : ici, la dimension méta est assurée par une émission de télévangéliste mettant en garde les téléspectateurs sur l'influence diabolique du cinéma qui pervertit la jeunesse et la détourne du droit chemin, un discours moraliste et puritain qui est aussi flippant que les abominations dont seront victimes les membres de l'équipe du film dans le film. Et qui révèlera son lien avec l'un d'entre eux à la toute fin.

Donc, en gros, on peut à la fois se rincer l'oeil (mais sans complaisance) et sursauter de peur, tout en ayant un récit plus profond qu'il n'en a l'air. Mais le plus fort, c'est que Ti West a très vite rebondi sur son propre film en ayant l'idée de le développer en une trilogie : dans la foulée, il mettra en boîte Pearl, qui est en fait une préquelle à X, et au mois de Juillet prochain sortira MaXXXine, qui se passe en 1985.

Le fil rouge de cette trilogie est l'actrice et muse de West : Mia Goth. En quelques années elle est devenue la scream queen la plus marquante du cinéma US, non pas en se commettant dans des slashers movies génériques (les suites de Scream par exemple), mais en s'investissant dans des projets plus casse-gueule (et qui se sont d'ailleurs parfois ramassés) comme le remake de Suspiria (par Luca Guadagnino) et donc bientôt devant la caméra prestigieuse de Guillermo del Toro.

Mia Goth est une sorte de film à elle-seule : fille d'un acteur américain et d'une actrice brésilienne, elle a alternativement vécu avec l'un ou l'autre de ses parents. Son physique a quelque chose d'extraordinaire : elle n'a pas de sourcils (j'ignore si c'est naturel ou si elle se les ait rasés) et est tour à tour brune ou blonde. Mais cela lui donne un visage et un charme très particulier. A 30 ans, elle en paraît dix de moins sans effort, ce qui ajoute au trouble qu'elle engendre. Sa manière de jouer est aussi unique : elle semble ne pas composer et pourtant elle joue indéniablement des contre-emplois, n'hésitant pas à persister dans la voie du film de genre sans craindre d'y être enfermée. On pense à Anya Taylor-Joy avec laquelle elle a partagé l'affiche (Emma) et qui a aussi cette étrangeté fascinante.

Chaque fois qu'elle est à l'image, on ne voit qu'elle, elle attire le regard par cette beauté atypique et cette interprétation bizarre. Seule Brittany Snow, dans le rôle de Bobbie-Lynne, réussit à ne pas être totalement éclipsée, mais c'est parce que son personnage est tellement haut en couleur. Jenna Ortega (qui est devenue célèbre grâce à la série Mercredi sur Netflix) ne démérite pas non plus, mais sa partition est plus ingrate. Quant à leurs partenaires masculins, ils sont franchement traités comme des mâles grotesques et de ce point de vue, là aussi, X s'affiche comme un curieux film féministe.

Je ne dirai bien sûr rien ici de ce qui attend les héros et des responsables du calvaire qu'ils vont traverser. Mais la scène finale donne furieusement envie de découvrir MaXXXine. Et avant cela Pearl, que j'ai vu dans la foulée de X et qui est également une réussite, dont je vous parlerai bientôt.

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