samedi 16 mars 2024

DON'T WORRY DARLING (Olivia Wilde, 2022)


Etats-Unis. Années 50. Alice et Jack Chambers forment un des heureux couples installés à Victory Town, une cité idyllique fondé par Jack en Californie et proche de la mystérieuse compagnie pour laquelle tous les hommes du coin travaillent. Quand ils sont absents, leurs épouses s'occupent du foyer et des enfants (pour celles qui en ont), mais aucune ne questionne son époux sur ses activités.


Seule l'une d'elles est tenue à l'écart des autres : depuis qu'elle a entraîné son fils dans le désert environnant où il a trouvé la mort alors qu'elle prétend qu'il lui a été enlevée pour la punir de sa curiosité, Margaret a développé une paranoïa grandissante et refuse de suivre le traitement médicamenteux prescrit par le docteur Collins. 


Un matin qu'elle se promène dans le trolleybus, Alice aperçoit un avion se crasher dans les collines. Elle descend du véhicule pour chercher les survivants mais en gravissant un chemin en spirale, elle aboutit au quartier général de la compagnie. Lorsqu'elle touche les baies vitrées réfléchissantes, elle perd connaissance après avoir eu des flashs de ce qui ressemble à sa vie avant de s'installer ici.


A partir de là, Alice commence elle aussi à douter de tout et de tout le monde et son comportement attire l'attention de sa meilleure amie, Bunny, puis de Shelley, sa professeur de danse et épouse de Frank, et enfin de Jack qui craint que cela ne lui coûte une promotion. Il décide alors de la livrer au Dr. Collins pour qu'il la traite comme Margaret...


La figure du double, de la duplicité, du miroir est omniprésente dans Don't Worry Darling, drôle de film malade 'comme aurait dit Truffaut) mais pas pour autant raté ni désagréable à regarder. Simplement n'atteignant jamais le sommet qu'il vise à l'image du script de Kate Silberman.


Après un premier effort moyen (Booksmart, 2019), Olivia Wilde, actrice remarquée dans la série Dr. House (souvenez-vous, elle y jouait n° 13 à partir de la saison 4) affiche une belle maturité derrière la caméra avec cette production très élégante et ambitieuse, au design impeccable et au scénario tortueux. Mais voyez-vous, si tout est double dans l'histoire que raconte Don't Worry Darling, ça le fut visiblement aussi en coulisses.


Sans aller jusqu'à dire que ce qui s'est passé durant le tournage est plus croustillant que sur l'écran, ce long métrage fait partie de ceux qui conserveront l'étiquette de film à problème. Durant sa promotion, l'équipe fit front, à l'exception notable de son actrice principale, Florence Pugh.


Si elle participa aux conférences de presse, elle restait muette la plupart du temps et refusa toute interview en solo. Pourquoi ? La rumeur circula que le tournage fut orageux à la suite d'une dispute entre la comédienne et sa partenaire de jeu et réalisatrice qui aurait eu une liaison avec Harry Styles et s'absenta du set, laissant tout le monde en plan plusieurs jours durant.

Pugh, bien plus tard, raconta qu'elle remplaça alors Wilde derrière la caméra avec l'aide du directeur de la photo Matthew Libatique. Impossible de vérifier ses dires, d'autant que les producteurs démentirent toute tension entre les deux femmes et tout incident durant les prises de vue. Les autres acteurs et techniciens ne firent également aucun commentaire désobligeant contre Wilde qui, par contre, surnomma Pugh "Miss Flo" pour appuyer sur le caractère supposément capricieux de sa vedette - déclenchant par la même une tempête sur les réseaux sociaux où les supporters de Pugh menèrent une campagne de dénigrement agressive contre Wilde.

Ah, ces bonnes femmes... (Je plaisante !)

Maintenant imaginez une seconde que Kate Silberman ait été présente sur le plateau et ait réécrit le dernier tiers de son script, celui où survient un twist supposé troubler le spectateur aussi fortement qu'en a l'habitude M. Night Shyamalan (auquel on ne peut s'empêcher de penser, notamment Le Village, son chef d'oeuvre méconnu). Imaginez que la scénariste ait alors osé écrire une fin à la Truman Show, révélant ce qui s'est vraiment joué entre Wilde et Pugh et montrant ainsi que les deux premiers tiers de l'histoire ait été une fiction avant de virer au documentaire...

Là, pour le coup, on aurait eu un film évidemment très différent, quasiment lynchien, vertigineux. peut-être pas un chef d'oeuvre mais assurément un geste artistique complètement fou. Mais à la place, on a droit à un thriller qui évoque aussi Les Femmes de Stepford (Bryan Forbes, 1975), à a mise en scène et à la reconstitution très élégante, qui vous mène par le bout du nez pendant 1h. 30 (sur les 2h. que compte le résultat final) avant de dévoiler son secret.

Tant qu'on ne sait pas où vous ne emmenait cette histoire, c'est très bien et même excellent. L'ambiance rétro, le malaise progressif, le décor, tout participe à faire de Don't Worry Darling un de ces films qui cache son vrai visage et révélera le revers de sa médaille, plus trouble, plus cru, plus dérangeant. Quand on arrive à cette bascule, on est encore accroché puis Kate Silberman nous sert une explication qui gâche quand même pas mal tout le bien qu'on pensait de l'entreprise.

C'est dommage, mais pas complètement foireux non plus. Notamment grâce au casting, impeccable - sauf Harry Styles aurait pu être remplacé par n'importe quel jeune premier actuel sans qu'on voit la différence, il n'est ni bon ni mauvais, mais juste transparent. On s'en rend compte quand Chris Pine lui donne la réplique ou s'empare d'une scène en campant Frank, une espèce de pseudo-visionnaire chez qui il n'est pas difficile de détecter que tout ne tourne pas rond. Olivia Wilde et Gemma Chan sont également parfaites en épouses soumises jusqu'à l'aveuglement. Et Kiki Layne est émouvante en femme mise au ban de cette micro-société trop belle pour être vraie.

Florence Pugh aura beau penser et dire du mal de cette affaire, elle a quand même eu un rôle en or. Petit bout de femme affolante de sensualité, son jeu d'une finesse confondante sert à merveille cette Alice au pays des merveilles 2.0. Elle n'a eu en tout cas aucun mal à rebondir après ça.

Ne t'inquiète pas chérie résonne finalement avec une ironie mordante, presque capable de surmonter sa conception mouvementée.

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