mardi 26 mars 2024

FOE (Garth Davis, 2023)


2065. L'eau douce et les terres habitables sont devenues rares, les villes sont surpeuplées, les zones agricoles abandonnées. Pourtant, Junior et Hen, un jeune couple, continue à vivre dans le Midwest, dans des conditions climatiques difficiles. Mais cela pèse sur leur vie conjugale : ils font désormais chambre à part, Junior refusant de quitter leur ferme car c'est là que reposent ses ancêtres.


Un soir, un homme, Terrance, représentant de la compagnie Outermore, leur rend visite et annonce à Junior qu'il a été sélectionné par tirage au sort pour participer à une mission spatiale qui, à terme, permettra d'évacuer la population terrestre vers le Lune et Mars. Il refuse d'abord avant de comprendre qu'il n'a pas le choix. Après le départ de Terrance, Junior demande à Hen si elle a arrangé cette visite. Choquée, elle monte se coucher.


Le départ pour la station spatiale aura lieu dans deux ans. Entre temps, prenant conscience qu'ils vont être séparés, Junior et Hen se rapprochent et partagent à nouveau le même lit. Il lui jure n'avoir jamais douté de leur couple malgré les tensions. Au bout de douze mois, Terrance revient et s'installe avec eux pour faire subir à Junior des tests physique et psychologique : le départ a été avancé et aura lieu dans deux semaines.


Des événements étranges vont se dérouler, impactant à nouveau Junior et Hen. Terrance tente de  modérer la situation mais sa présence même électrise les relations entre eux. Et si Hen cachait quelque chose ?
 

Production indépendante au budget modeste, cet étrange film réunit deux des jeunes acteurs les plus prometteurs du moment, Si Paul Mescal a été révélé récemment grâce à la formidable mini-série Normal People et enchaîne depuis les tournages (il sera notamment la vedette de la suite de Gladiator, toujours sous la direction de Ridley Scott), Saorise Ronan est déjà dans le paysage cinématographique depuis un moment.
 

Pourtant, elle n'a que deux ans de plus que son partenaire et partage avec lui la nationalité irlandaise. C'est sans doute ce qui a motivé Garth Davis à les réunir pour qu'ils forment le couple de Foe (aussi titré Le Remplaçant). L'alchimie entre eux deux est immédiate et créé un trouble qui participe à celui de cette intrigue.
 

De quoi est-il question ? Foe met longtemps à se dévoiler. Sans doute un peu trop (le film dure quand même 1h. 50) car l'histoire ne tient pas à grand-chose. Imaginez : vous vivez à l'écart de tout avec votre femme, sur une Terre ravagé par le dérèglement climatique dans une quarantaine d'années. Un soir, un homme vient vous annoncer que vous partez en mission dans l'espace pour préparer l'évacuation de la population vers la Lune et Mars. Vous n'avez pas le choix ni des compétences particulières mais vous serez un pionnier célébré comme un héros.

Le premier acte de Foe montre comment, confronté à cette échéance, le couple réagit. Alors qu'ils traversaient depuis longtemps, au point de faire chambre à part, Hen et Junior prennent conscience qu'ils ne vont plus se revoir avant longtemps et se rapprochent à nouveau, savourant le présent comme jamais. Le film possède alors une sorte de langueur planante et montre une romance qui renaît, des sentiments qu'on croyait perdus remonter à la surface, mais aussi, de manière plus crue, l'envie, le besoin de profiter de l'autre sexuellement.

Garth David et Ian Reid, qui a adapté avec le réalisateur son roman éponyme, zappent des éléments qu'il aurait été pourtant intéressant de creuser. Par exemple : pourquoi Hen et Junior n'ont pas d'enfant ? C'est un peu dommage dans la mesure où cela aurait pu être exploité de manière poignante face au sacrifice que le couple s'apprête à faire. A mon humble avis, soit Foe prend un peu trop son temps et aurait gagné à être raccourci.

Le deuxième acte place les protagonistes face à l'imminence de la séparation. Terrance annonce que le départ de Junior a été avancé, le temps est compté. Là, en revanche, le manque de moyens de cette production se fait cruellement sentir : Junior va partir dans l'espace pour des mois, des années peut-être, et on n'assiste pas à une préparation crédible. La plupart du temps lui et Terrance s'enferment dans la chambre d'amis pour des interrogatoires, des testes psychologiques, mais rien de physique. 

Il faut dire que Hen ne restera pas seule : la compagnie Outermore a prévu de mettre à sa disposition un clone de Junior, une réplique parfaite. Quelque chose de dérangeant s'installe alors mais n'est finalement que survolé. Pourtant, dans le dernier tiers du film, tout sera sinon exploité, du moins mis en lumière à la faveur d'un twist imprévisible, remettant complètement en perspective ce qui s'est déjà déroulé et la toute dernière scène renverse encore une fois la perception de cette histoire.

Garth Davis a filmé dans l'outback australien (un décor déjà vu dans The Royal Hotel, dont j'ai parlé ici récemment) et montre ce paysage inhospitalier, sauvage, qui n'a pas besoin d'être maquillé par des effets spéciaux pour ressembler à la Terre à la fin des temps. La lumière chaude et les étendues désertiques à perte de vue sont fascinantes et ajoutent à la fois à la sensualité des scènes les plus intimistes, avec les peaux dorées, la sueur, et la dimension inquiétante de l'avenir ici dépeint.

Paul Mescal joue Junior avec d'ailleurs une sorte de fièvre continue, d'intranquillité, de fébrilité, très intense. Son interprétation profite de son physique un peu rustre, à la fois brute et subtile. Face à lui, Saoirse Ronan est toujours aussi magnétique : c'est une des plus belles actrices qui soient, avec ce visage d'une pureté incomparable, une finesse dans la composition de son personnage bluffante. Elle a littéralement grandi devant nous, sous l'oeil des caméras depuis son apparition dans Reviens-moi à l'âge de 11 ans (elle en a 30 désormais), ce n'est donc plus cette gamine mais une femme et pourtant elle a conservé, comme par magie, tout ce qui la distinguait.   

Pour eux, mais aussi pour les éléments les plus saillants et perturbants de ce film, Foe mérite le détour, quand bien même, par manque de moyens et de rythme, il aurait pu être bien meilleur.

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