samedi 16 mars 2024

BATMAN / DYLAN DOG #1 (Roberto Recchioni / Gigi Cavenago & Werther Dell'Edera)


Au début de sa carrière, le Joker a consulté le docteur Xarabas et les deux hommes ont gardé le contact. Aujourd'hui, ils se retrouvent à Londres pour un coup monté. Batman est aux trousses du Joker, Dylan Dog à celles du Dr. Xarabas. Mais entre les deux détectives, la collaboration s'annonce difficile. C'est leur affection commune pour Selina Kyle qui les motivera à dépasser leurs différences...
 

Enfin ! Enfin, nous pouvons lire ce crossover tant attendu, initié par les éditions Bonelli, le plus grand éditeur de fumetti en Italie. Et pour ce faire, DC a mis les petits plats dans les grands en sortant cette mini-série en trois épisodes de plus de 80 pages au format prestige.


Pourtant, tout a été produit par des auteurs transalpins : le scénario est l'oeuvre de Roberto Recchioni, le créateur des séries John Doe et Détective Dante. Réunir Dylan Dog, créé par Tiziano Sclavi, et Batman, créé par Bob Kane et Bill Finger, peut sembler improbable, mais Recchioni a su imaginer une intrigue sur mesure pour ces deux héros emblématiques.


Car ce qui réunit Dylan Dog, spécialiste de l'occulte, du paranormal, et Bruce Wayne, super-héros sans pouvoir et protecteur de Gotham, c'est bien évidemment leur talent de détective. Recchioni convoque donc deux némésis de Dog et Batman, le Dr. Xarabas, un savant fou obsédé par l'immortalité et entouré de zombies, et le Joker, le clown du crime, auxquels il donne un passé commun.


Pour Xarabas, consulté par le Joker récemment défiguré au début de sa carrière, en chaque monstre se trouve une merveille, d'ailleurs étymologiquement les deux termes ont la même origine. Le Joker renonce à une opération de reconstruction faciale et assume son visage ravagé en même temps que sa folie criminelle. C'est brillant et tout simple. Dès lors, quand les deux hommes se retrouvent des années plus tard, le lecteur sait qu'il va se passer des choses horribles.
 

Dylan Dog, la dernière fois qu'il a affronté Xarabas, l'a vu périr dans un incendie. Quant à Batman, il ignore où a pu passer le Joker depuis qu'il a quitté Gotham mais en interrogeant ses hommes de main, il tient une piste qui le mène à Londres... Où Dylan Dog est en vacances en compagnie de Selina Kyle (la présence de cette dernière ne semble qu'opportune, sans rapport avec le Joker qu'elle reconnaît dans la foule sans savoir ce qu'il fait dans la capitale britannique).
 

Le récit, bien que consistant avec sa pagination inhabituelle, file à toute allure, sans temps mort. Ce qui n'empêche pas Recchioni d'écrire des échanges savoureux entre les protagonistes, notamment Bruce Wayne et Dylan Dog qui, d'emblée, ne s'apprécient pas (et pas seulement parce que le deuxième est devenu l'amant de Selina Kyle). En vérité, tout oppose le méticuleux et richissime Bruce Wayne et Dylan Dog, désinvolte et fauché mais qui se paie le luxe de refuser un chèque du milliardaire américain.

L'équilibre entre le temps consacré aux méchants et aux héros est admirablement établi, si bien qu'on ne perd rien des manoeuvres des uns et des autres. Le tout est ponctué de plages d'action extrêmement intenses et dynamiques pour lesquels deux dessinateurs ne sont pas de trop. Et de ce côté-là aussi, Batman - Dylan Dog nous en met plein la vue.

Jugez plutôt : c'est rien moins que le génial Gigi Cavenago qui se charge d'illustrer cette histoire. Ce nom n'est malheureusement pas très connu ni en France ni aux Etats-Unis, mais il a pu profiter d'une exposition salutaire récemment en étant l'artiste du volume 3 de The Magic Order écrit par Mark Millar. Il réalise seul, dessin et colorisation, le long prologue de cette aventure avant d'être soutenu aux couleurs par Giovanna Niro (qui travaille elle aussi pour des comics du Millarworld).

Cavenago a une manière bien à lui de découper ses planches : quand l'action domine, il se concentre sur un nombre réduit de cases, souvent occupant toute la largeur de la bande, et cette latéralité lui permet de privilégier les mouvements des personnages aux décors. Quand il doit dessiner des passages plus calmes, il privilégie des cadres plus verticaux ou même des "gaufriers", avec une attention portée aux expressions des visages.

Sur ce point, il souligne l'impassibilité grave de Bruce Wayne / Batman contre la volubilité de Dylan Dog. Cela génère un effet humoristique qui oppose la fantaisie du héros italien face au sérieux du héros américain. Batman est plus que jamais un athlète avec un costume farfelu dans un décor différent de celui de Gotham tandis que Dylan Dog apparaît comme un civil lambda, en jean, chemise rouge, veste noire, capable pour désarçonner son adversaire de lui demander, avant d'être tué, de jouer un air de sa clarinette.

Recchioni doit aussi composer avec les seconds rôles. S'il ne paraît pas très intéressé par Alfred Pennyworth, en revanche il exploite à fond Groucho, l'assistant de Dylan Dog qui ressemble comme un jumeau à Groucho Marx jusque dans sa manière de commenter ce qui se passe avec un humour absurde irrésistible. Et puis il emploie Selina Kyle / Catwoman de manière habile même si plus convenue (mais on attendra de voir comment cela évoluera par la suite).

Je dois bien reconnaître cependant que j'ai eu du mal à déceler la contribution de Werther Dell'Edera (qui, malgré son prénom germanique, est bien italien lui aussi) : l'artiste de Something is killig the children a pourant un style identifiable mais j'ignore ce qu'il a fait ici tant Gigi Cavenago marque ce comic-book fumetto de son empreinte. Les crédits ne précisent hélas ! rien à ce sujet.

Quoiqu'il en soit, ce premier épisode (sur trois) est un régal absolu, brillamment écrit, génialement mis en images, comblant aussi bien le fan de Batman que celui de Dylan Dog.

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