jeudi 28 mars 2024

MIDSOMMAR (Ari Aster, 2019)


Dani, jeune étudiante américaine, est profondément traumatisée après le suicide par asphyxie de sa soeur Terri qui a aussi tué ses parents de la même manière.  Ce drame affecte aussi le couple qu'elle forme avec Christian, jeune thésard en anthropologie qui projette de se rendre en Suède avec ses amis Mark et Josh à l'invitation de leur camarade Pelle. Ils doivent assister à une cérémonie qui ne se déroule qu'une fois tous les 90 ans dans une communauté reculée pour célébrer le solstice d'été.


Christain, qui avait l'intention de rompre avec elle, invite à contrecoeur Dani. A leur arrivée, ils sont accueillis avec d'autres étudiants à goûter à des champignons hallucinogènes et Dani revoit sa famille décédée. Elle ne revient à elle que le lendemain matin et avec le groupe de visiteurs elle gagne la communauté à laquelle appartient Pelle. D'entrée de jeu, l'ambiance étrange qui règne déroute les étrangers.


Ils assistent plus tard à un géronticide quand les deux plus anciens membres de la communauté se donnent la mort en sautant d'une falaise pour s'écraser du des rochers en contrebas. L'un d'eux survit mais est achevé à coups de maillet. Deux étudiants, Connie et Simon, épouvantés, veulent quitter immédiatement les lieux mais Liv explique qu'il s'agit d'un choix pour s'épargner une vieillesse dans la souffrance.


Christian décide d'écrire sa thèse sur les traditions de la communauté d'Harga même si c'est aussi celui sur lequel travaille depuis longtemps son ami Josh. pelle intercède en leur faveur auprès des anciens pour qu'ils puissent collaborer, à condition de ne mentionner le nom de personne ni de préciser l'endroit où ils se trouvent. Dani se sent mal et veut partir à son tour mais Pelle la convainc de rester en lui confiant que, lui aussi, a perdu ses parents dans des circonstances tragiques (un incendie) et que Harga l'a recueilli, aidé et protégé.
 

Mais la suite du séjour se déroule encore plus bizarrement, entre les disparitions subites et inexpliquées de visiteurs, des rites païens perturbants, qui vont notamment bouleverser profondément Christian et Dani...
 

Révélé par un premier opus, Heredity, qui fut un succès critique et commercial surprise, le réalisateur Ari Aster est véritablement devenu un phénomène avec Midsommar pour lequel il a bénéficié de plus de moyens et d'un casting porté par une actrice en vue, Florence Pugh, dans son premier grand rôle. 


Qualifier Midsommar de film d'horreur est pourtant une erreur et impose une nuance. Il s'agit davantage d'une histoire d'épouvante où le malaise domine. C'est à la fois sa force et sa limite, car il faut bien que je l'avoue, j'ai été déçu par le résultat. 

Il faut toujours se méfier de la réputation très flatteuse qu'ont certains longs métrages. Pour ma part, j'ai longtemps tourné autour de Midsommar sans franchir le pas. Je reconnais qu'il y avait une part de frousse dans mes hésitations : on me promettait de tels frissons que je redoutais de m'aventurer dans cette histoire. Par ailleurs, sa durée (2h. 25) me rendait méfiant (je ne considère pas que les films longs sont meilleurs que les autres ni même qu'il en faut plus, contrairement à ce que préconisent Scorsese, Nolan ou Villeneuve). Enfin, n'étant pas un adepte des films qui font peur, j'ai toujours ce mouvement de recul à leur égard.

Mais, à mon âge, il faut savoir affronter ses appréhensions au risque de passer pour un trouillard ou un idiot. Et donc je me suis lancé, motivé par la présence au générique de Florence Pugh, qui je trouve toujours intéressante, souvent phénoménale.

Le film démarre fort, sans ménager son audience, mais cette entrée en matière, avec un suicide collectif a au moins le mérite de la franchise et surtout justifie la détresse psychologique de l'héroïne. Toutefois, je ne peux pas m'empêcher de trouver le procédé un tantinet grossier, tout comme la scène inaugurale une fois l'action déplacée en Suède avec la dégustation de champignons hallucinogènes, qui ne m'a pas paru apporter grand-chose à la suite (retirer-là du montage, elle ne manquera pas).

Là où le charme maléfique commence à agir vraiment, c'est quand on découvre le décor principal de l'histoire, cette espèce de village avec ses habitants vêtus de blanc, évoluant dans une sorte de béatitude qui produit l'exact effet inverse chez celui qui les découvre : on sait instinctivement que ce n'est pas le paradis sur Terre présenté. Il plane sur ce site quelque chose d'inquiétant, de perturbant, de malaisant. Quelque chose qui ressemble à une secte avec des gens trop heureux pour être honnêtes.

C'est effectivement le cas et on ne tarde pas à en avoir la confirmation avec cette scène atroce de l'attestupa. Les justifications fournies pour ce rite ne fonctionnent pas du tout et les réactions, d'un côté de Connie et Simon, et de l'autre de Dani (l'effroi et la stupeur), résume bien l'ambition d'Ari Aster. La violence est montrée de façon crue mais sans insistance, ce que veut le cinéaste c'est bien créer un malaise durable après un choc brutal. Comparativement, la suite du film est moins directe (même s'il subsiste des images, des instants complètement dingues).

S'il ne fait aucun doute que Dani est bien au coeur de l'intrigue et que Midsommar nous la montre affronter puis embrasser puis repousser puis intégrer tout ce qu'elle traverse, la narration s'enrichit aussi du parcours de Christian, aussi déroutant et affolant. Bien entendu, je ne veux pas trop en dire mais Ari Aster joue habilement sur ces deux tableaux.

Le problème qui se pose et qui a engendré ma déception dans l'ensemble, c'est que le cinéaste a tendance à ne pas tenir son récit et se délester facilement d'éléments dont visiblement il ne sait plus quoi faire. Des personnages comme Mark (interprété par Will Poulter) ou Josh (campé par William Jackson Harper) sont vite dégagés (surtout le premier, caractérisé avec un manque de nuances assez lourdingue). Aster n'arrive pas à les faire exister ni à exploiter la part de conflit qu'ils incarnent et décide donc de se concentrer sur Dani et Christian.

Pelle (joué par Vilhem Blomgren) est aussi trop peu défini et quand son rôle est révélé, cela apparaît comme une ficelle tardivement dévoilée et bien opportuniste pour expliquer comment Dani et Christian ont échoué là. Dommage. La description de la communauté ne sort jamais non plus vraiment des clichés de la secte, depuis l'esthétique adoptée pour les représenter jusqu'à leur comportement : finalement, là aussi, les appréhensions des étrangers à ce clan ne sont jamais démenties, le film se plante dans les grandes largeurs pour semer le doute, on sait que tout ça n'est qu'un gros piège bien malsain et rien ne le contredira.

En conséquence, Midsommar manque cruellement de cette ambiguïté qu'il veut distiller. Tout ce qu'on voit n'est que confirmation de ce qu'on soupçonne. Et le final a quelque chose de plus grotesque que de paroxystique, une ultime abomination bizarre de plus dans un gros bouquet (les fleurs sont omniprésentes mais leur part symbolique - la beauté au milieu de ces horreurs - est maigrement mis en avant). Beaucoup de potentiel gâché, d'occasions manquées. Trop en vérité pour prétendre voir un grand film d'épouvante, le sommet promis.

Reste Florence Pugh, dont l'abandon est impressionnant. Comme Mia Goth, elle a cette capacité à tout lâcher, sans retenue aucune, et c'est très fort. Mais ce qui est étrange, c'est que, jusqu'à présent, ce formidable talent est souvent mal valorisé, soit dans des films en deçà d'elle (Don't worry darling), soit dans des rôles trop brefs (Oppenheimer). Saura-t-elle, comme Emma Stone avec Yorgos Lanthimos, rencontrer un metteur en scène à même de lui donner un matériau à sa mesure, dans un film accompli ?

Midsommar se retient donc plus par ces moments où on est éberlué que par la peur qu'il veut provoquer. Ce qui s'appelle s'arrêter au milieu du pont.

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