jeudi 28 mars 2024

MASTERPIECE #4 (Brian Michael Bendis / Alex Maleev)


Emma et le Parangon ont réussi à semer la pagaille dans les rangs de leurs ennemis, Zero Preston et Katie Roots - cette dernière a d'ailleurs préféré provisoirement quitter le pays. Emma recrute un nouvel allié qui a un lien personnel avec Preston qui, de son côté, engage aussi un renfort ayant ses propres comptes à règler avec le Parangon...


Tout d'abord, vous pourrez trouver dès aujourd'hui, avant cette critique du quatrième épisode de la série, les entrées consacrées aux trois précédents numéros de Masterpiece. Je les avais écrites sur mon précédent blog et comptais d'abord simplement poster des liens en préambule du présent articles, puis je me suis dit : faisons les choses proprement et permettons au lecteur de tout avoir sous la main au même endroit.


Maintenant que ceci est dit, passons à ce quatrième chapitre. Brian Michael Bendis a opéré un point de bascule : confrontée à deux adversaires qui voulaient la manipuler pour éliminer l'autre, Emma et sa bande a compris qu'elle ne gagnerait rien dans cette affaire. Elle resterait à la merci de Zero Preston ou de Katie Roots au terme de la guerre qu'ils se livrent.


La jeune femme croit d'abord pouvoir dissuader Preston de cesser de l'ennuyer en recourant à du chantage contre ses hommes de main. Le Parangon préfère, lui, une méthode plus brutale et pour persuader Emma que c'est la seule tactique valable, il lui fait comprendre qu'il faut traiter le problème comme une affaire personnelle, frapper là où ça fait mal. Parce que Preston est un lâche qui ne comprend que la violence.


De son côté, soucieuse de ne pas être éclaboussée par la tournure que prennent les événements et sans doute en espérant que Preston va effectivement tomber, Katie Roots a quitté la partie. Mais tout indique que c'est seulement provisoire. Cela semble aussi suggérer que les sis épisodes prévus pour Masterpiece ne suffiront pas à tout raconter et que Brian Michael Bendis prépare un deuxième volume (où donc Emma et ses complices s'occuperont de Roots).

En attendant de savoir si ces spéculations sont fondées, ce nouvel épisode est au diapason des précédents. La fluidité de la narration en fait un page-turner très efficace, avec des personnages variés et caractérisés de façon à les rendre tous irrésistiblement cools. L'échange entre le Parangon et Emma sur la stratégie la plus appropriée est une preuve que Bendis n'a rien perdu de son talent de dialoguiste : on y perçoit la tension entre les deux personnages et la force de persuasion du plus ancien mais aussi, mais encore l'intelligence d'Emma qui admet les arguments du tueur.

Ce qui est aussi frappant, c'est la façon dont Bendis a fait de Masterpiece une réflexion sur sa propre carrière. Il est évident qu'entre les anciens et les nouveaux, résumés justement au Parangon (mais aussi Gleason) et Emma (mais aussi Lawrence et Skottie), le scénariste livre sa pensée sur sa génération et celle qui est en train de lui succéder dans les comics : Bendis a été sur le toit du monde puis a connu une aventure compliquée en changeant d'éditeur et aujourd'hui il se contente en quelque sorte de raconter des histoires, sans pression, avec détachement, mais sans doute en regardant, de loin, qui prétend s'imposer comme il le fit. 

Pour Alex Maleev, c'est un peu pareil : le dessinateur bulgare a été associé à quelques-unes des grandes réussites artistiques et commerciales de Bendis mais comme beaucoup de dessinateurs, il a paru dépassé quand son partenaire n'a plus été le maître du jeu. Il a alors cherché à travailler ailleurs, sans renouer avec le succès ni conserver son étonnante productivité. Puis il retrouve son scénariste fétiche à l'occasion de Masterpiece.

Maleev adopte une attitude similaire à Bendis : il n'a plus rien à prouver - ou plus envie. Il ne force pas son talent - il n'en a pas besoin. Ce qui l'anime, c'est évident, c'est de raconter de la manière la plus sobre, la plus claire, cette histoire, sans entrer en compétition avec quiconque. Et tout ça aboutit à des planches qui, peut-être, paraîtront moins bonnes, moins accomplies, moins sophistiquées que jadis pour ses fans et les lecteurs en général, mais qui ont une simplicité, une immédiateté, proche de l'épure. Et cette sobriété, c'est celle d'un grand qui s'est en quelque sorte délesté de tout le superflu.

Masterpiece est donc à la fois un divertissement cool et un comic-book étonnamment apaisé. Une oeuvre attachante par deux complices qui ont déjà gagné contre la banque.

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