samedi 30 mars 2024

G.O.D.S. #6 (Jonathan Hickman / Valerio Schiti)


Aiko Maki ne parvient pas à trouver le sommeil, hantée parce ce qu'elle a fait à sa protégée, Mia di Maria. Elle s'adresse à Nimue du Lac et le Lion des Loups pour qu'ils la mettent en relation avec le Tribunal Vivant, la seule entité à même de réparer le mal fait. S'il le veut bien...


C'est très intéressant de lire cet épisode la même semaine où sort le deuxième numéro de The Six Fingers, la série de Dan Watters et Sumit Kumar (qui n'en fait qu'une avec The One Hand de Ram V et Lawrence Campbell). Dans tous les cas, on a affaire à un récit construit en miroir, en réponse à l'autre. Il faut croire que c'est le zeitgest.


Mais est-ce si étonnant que Jonathan Hickman, ce scénariste passionné par les expériences narratives, s'essaie à ce jeu ? Pas vraiment. Cela prouve en tout cas la plasticité de son écriture, très différente ce qu'il produit par ailleurs avec Ultimate Spider-Man simultanément. Car G.O.D.S. #6 raconte une partie de ce qu'on a appris à la fin du #5 mais d'un autre point de vue.
 

Cela ne facilite pas franchement mon travail de critique car soit je décide de spoiler la fin de l'épisode précédent et donc de vous gâcher la surprise, soit je contourne ça en risquant d'être trop vague et d'échouer à vous faire comprendre à quel point ce que fait Hickman est subtil. Je vais quand même essayer d'être clair sans trop en dire.
 

Donc, à la fin de G.O.D.S. #5, Mia di Maria, la protégée d'Aiko Maki, apprend par Wyn qu'elle vient d'aider pour une mission que justement, en faisant cela, elle s'est privée d'un souhait. Aiko, au début de G.O.D.S. #6, ne trouve pas le sommeil et déambule dans on appartement lorsqu'elle découvre scotchée sur la porte de la chambre de Mia un mot indiquant qu'elle est sortie aider un ami (il s'agit donc du service qu'elle est allée rendre à Wyn dans le numéro précédent). Et la réaction d'Aiko traduit un profond remords.

Il est alors question pour Aiko de réparer une faute qu'elle a commise et qui coûtera à Mia. Bien qu'elle appartienne à l'Ordre-Naturel-des-Choses, une organisation puissante régissant l'équilibre des forces de l'univers, elle doit faire appel à un tiers pour corriger son erreur et s'adresse pour cela à des intermédiaires à même de lui ouvrir quelques portes.

Si on apprécie Hickman, on sait que ses scripts regorgent d'indices cryptés qu'on peut s'amuser à documenter pour avoir une lecture plus riche. Sinon, on peut aussi s'en passer, ce n'est pas dérangeant et quelques noms paraîtront alors au mieux exotiques. Mais quand, comme ici, Aiko explique son problème à une certaine Nimue du Lac, alors on peut découvrir qu'il s'agit de l'autre nom de la fée Viviane, autrement dit la Dame du Lac dans la légende arthurienne, ce qui explique, notamment son véritable aspect.

Par contre, j'avoue que mes recherches concernant le Lion des Loups m'ont conduit dans une impasse; Si vous en savez plus que moi à ce sujet, merci d'avance de m'éclairer en commentaire. Mais le Loup est un animal qui traverse en tout cas bien des mythes et mythologies, symbolisant l'ambivalence (angélisme/diabolisation, fascination/crainte, vie/mort, emblème/problème), qui convient à merveille à celui qu'on voit ici.

Le récit se déploie au fil de passages pour lesquels il faut toujours payer un prix élevé, qu'il s'agisse de monter dans un carrosse, traverser une rivière, passer des portes, obtenir une audience, etc. Et Aiko doit ruser pour ne pas consentir de sacrifices personnels trop élevés à chaque fois. Elle s'en tire d'ailleurs bien... Jusqu'à la fin où le Loup lui soutire quelque chose de terrible sans qu'elle ait plus vraiment le choix. 

Le pire, dans tout ça, c'est que la course d'Aiko pour épargner Mia connaît une issue cruelle et on ne peut s'empêcher d'éprouver de la compassion pour cette femme qui, jusque-là, sans être foncièrement antipathique, tenait quand même un rôle disons peu sympathique (elle a quitté Wyn en des termes violents, a enrôlé Mia de façon peu régulière...). Et Hickman tire une sorte de morale de tout cela, qui confirme (selon moi) que les huit épisodes de G.O.D.S. ne formeront qu'un premier volume pour cette série, parce que le dialogue final entre Aiko et Wyn et surtout les paroles prononcées par ce dernier suggèrent fortement une suite qui ne saurait être racontée dans les deux épisodes restant à paraître.

Visuellement, ce chapitre est une nouvelle démonstration de force de la part de Valerio Schiti. Le dessinateur italien a non seulement ce talent de servir un script touffu, regorgeant d'éléments inédits et pour lesquels il s'est investi en créant des designs fantastiques (dans tous les sens du mot), mais encore il met tout cela en scène avec une virtuosité impressionnante.

Comme l'épisode se découpe en plusieurs étapes à mesure que Aiko et le Loup approchent de celui qu'ils veulent rencontrer, ce sont autant de scènes à illustrer de manière immédiatement mémorable. Schiti doit faire de chaque moment une sorte d'épisode en soi dont le lecteur conservera une forte impression et le moment suivant doit en plus surpasser en puissance graphique le précédent de telle manière que l'audience devant le Tribunal Vivant soit le climax.

A part Bilquis Evely, je ne vois à l'heure actuelle aucun autre dessinateur qui ait cette facilité et cette inventivité pour orchestrer un épisode entier en faisant éprouver de telles sensations visuelles au lecteur, sans tomber dans l'exercice de style, en restant limpide dans la narration graphique. Hickman a peut-être trouvé en Schiti son meilleur interprète, celui qui est à la fois le plus abordable sans sacrifier une once de son imagination esthétique.

La seule mauvaise nouvelle dans tout ça, c'est : que lira-t-on d'aussi bon chez Marvel après le mois de Mai ? Souhaitons que la pause que s'octroient les auteurs de G.O.D.S. ne soit pas trop longue....

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire