samedi 30 mars 2024

KILL ME AGAIN (John Dahl, 1989)


Un couple de crimnels, Vince et Fay, braquent deux mafieux à qui ils dérobent une mallette contenant 850 000 $. Après ça, ils se disputent car Fay veut aller s'amuser à Las Vegas tandis que Vince préfère se planquer quelque temps. Profitant d'une halte, elle l'assomme et s'en va avec le butin. Direction : Reno.


Là-bas, Jack Andrews, un détective privé, est tabassé par deux usuriers à qui il doit 10 000 $. Rongé par la mort de sa femme lors d'un accident de la route auquel il a survécu, il aimerait tout plaquer pour refaire sa vie dans le Maine. C'est alors que Fay vient frapper à sa porte pour lui raconter qu'elle veut passer pour morte afin d'échapper à son compagnon violent et elle est prête à payer le prix fort pour ça, ce qui arrange Jack qui lui fournit de faux papiers contre la moitié de la somme convenue.


Le soir venu, dans la chambre d'hôtel de Fay, Jack met en scène son assassinat avec du sang du même groupe que celui de sa cliente puis il la transporte dans le coffre de sa voiture. Il la dépose à un motel où il lui donne rendez-vous deux heures plus tard, le temps de noyer la caisse dans un lac voisin, et alors elle lui paiera l'autre moitié de la somme promise. Mais quand il revient, elle a disparu. A l'aéroport, il présente une photo d'elle et apprend qu'elle s'est envolée pour Vegas.


Furieux d'avoir été roulé, il prévoit de partir la trouver là-bas en partant le lendemain. Mais à l'aube, la police vient l'arrêter et l'accusant du meurtre de Fay. Au même moment dans un diner, Vince apprend l'affaire dans un journal et part pour Reno questionner à son tour Jack...


Dans le n° de ce mois-ci du magazine "Première", on peut lire un article sur la réédition en Blu-Ray de Red Rock West, le film suivant Kill Me Again. Et ce coup d'oeil dans le rétro a le mérite de rappeler au bon souvenir des amateurs de bons polars qui était John Dahl, ce cinéaste qui est aujourd'hui complètement oublié et qui, à bientôt 68 ans, s'apprête sans doute à raccrocher.


Mais d'abord resituons Kill Me Again. Nous sommes à la fin des années 80 et c'est un film à petit budget qui réunit à l'écran le couple formé par Val Kilmer, révélé comme Tom Cruise par le triomphe de Top Gun trois ans plus tôt, et son épouse, Joanne Whalley-Kilmer, alors en pleine ascension après le carton de Scandal (1988). Ajoutez-y Michael Madsen dans le rôle du méchant, bien avant qu'il n'explose dans Reservoir Dogs de Quentin Tarantino en 92.


Le film suivant de Dahl, Red Rock West (auquel je consacrerai bientôt une critique) sortira en 1993, soit donc un ans après Reservoir Dogs et un an avant Pulp Fiction. Ce que met en lumière l'article de "Première", c'est que le destin de Dahl s'est joué à ce moment précis. Il y avait de la place pour deux mais le public (et la critique) a choisi Tarantino, son irrévérence, ses scripts déstructurés, ses castings de stars : c'est avec lui qu'a continué l'histoire. John Dahl, lui, est resté sur le bas-côté, brillant une dernière fois avec Last Seduction. Après ça, il enchaînera les bides, réalisera pour la télé, tombera dans l'oubli le plus total.

Dahl, c'est l'anti-Tarantino. Un cinéaste classique, attaché à la tradition du film noir, avec des scripts linéaires, sans happy-end ou alors des dénouements amers, désenchantés. Pas de dialogues à rallonges, abondant en bons mots et en digressions, pas de personnages improbables pour le genre exploré mais des poncifs assumés. Le tout filmé avec sobriété, sans manières, sans fioritures, pour des durées bien cadrées.

Kill Me Again, à cet égard, s'affirmait quasiment comme un manifeste de sa part, une déclaration d'intention sans ambiguïtés, se démarquant déjà nettement des films de Ridley et Tony Scott par exemple (l'école des pubards tape-à-l'oeil), évoquant davantage le Lawrence Kasdan de La Fièvre au Corps ou Hot Spot de Dennis Hopper (autres sommets 80's du film noir).

L'intrigue est un concentré du polar, avec la femme fatale, le privé, le flingueur psychopathe, les usuriers, la mafia, une mallette pleine de billets, le tout passé au mixer pour des péripéties improbables mais rythmées, des retournements de situations à la fois attendus et efficaces. On ne s'ennuie jamais, on n'a pas le temps, en 95' c'est bouclé.

La réalisation met en valeur les paysages de l'Arizona et du Nevada, surtout dans la seconde partie, quand les personnages sont en cavale, hors des villes comme Reno et Las Vegas avec leurs lumières au néon, leurs casinos, leurs motels. Si Dahl avait tourné en noir et blanc avec des costumes vintage, l'illusion aurait été parfaite et on aurait cru avoir affaire à une production Warner des années 40-50.

On comprend ainsi mieux finalement pourquoi quand Tarantino a surgi puis explosé, le projet de Dahl était condamné. Tout ce qu'il racontait et la manière dont il le faisait paraissait d'un autre âge, démodé par la puissance insolente de son jeune rival. La question alors est : est-ce que ça a si bien vieilli ?  En fait, si on la pose pour Dahl, on doit aussi la poser pour Tarantino à la veille de sa retraite (puisqu'il a juré que son dixième film, à venir, serait aussi son dernier). Et en revoyant Kill Me Again, même si certaines choses sont un peu datées (comme la photographie), ça tient encore superbement bien la route tandis que les films de QT sont plus inégaux, le sublime côtoyant le très moyen (et souvent, ce qui se revoit le plus agréablement ne fait pas forcément partie de ses titres les plus fameux).

Le casting manque un peu d'épaisseur, c'est certain. Si Michael Madsen en fait des caisses dans un rôle qu'il ne quittera plus, et que Val Kilmer est un peu trop lisse pour jouer un privé minable mais opiniâtre, Joanne Whalley-Kilmer reste magnifique et il est déplorable qu'elle n'ait pas la carrière éclatante qu'elle méritait.

Une pépite à revoir pour réhabiliter un petit maître du Noir.

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