Fin des années 1970. Jean est mariée à Eddie, un malfrat. Le couple ne pouvant avoir d'enfant, Eddie, un jour, débarque avec un nouveau-né sous le bras et le donne à Jean. Peu de temps après, une nuit, un complice d'Eddie réveille Jean et lui donne un sac rempli d'argent puis l'adresse d'un homme de main. Elle rencontre Cal qui doit la conduire loin de la ville.
Personne ne sait où est Eddie mais il est activement recherché. Cal installe Jean dans un pavillon de banlieue. Elle ne doit pas se faire d'ami mais il lui donne un numéro de téléphone à appeler en cas d'urgence. Jean enfreint les règles en se liant avec Evelyn, une veuve, qui habite près de chez elle. Une nuit que le bébé ne s'endort pas, elle le sort mais quand elle revient, elle voit sa porte d'entrée forcée.
Jean se réfugie chez Evelyn, bâillonnée et ligotée par deux hommes armés qui veulent savoir où se cache Eddie. Cal surgit et tue les deux gangsters puis Evelyn. Il conduit ensuite Jean dans un chalet où il a grandi, isolé de tout, puis repart. Quelques jours plus tard, Jean y est rejointe par Art, le père de Cal ; la femme de ce dernier, Teri ; et leur fils, Paul. Mais Jean en assez d'être cloîtrée, et avec Teri, elle part à la recherche de Cal...
Ce film, produit et disponible sur Amazon Prime Video, a été tourné en 2020, c'est-à-dire à l'époque où Rachel Brosnahan, qui tient le rôle principal, était encore le vedette de la série The Marvelous Ms. Maisel, qui l'a consacrée. Elle est d'ailleurs créditée ici comme co-productrice. Evidemment, tout ça paraît maintenant loin alors que se rapproche la sortie en salles de Superman, de James Gunn, dans lequel elle joue Lois Lane et qui va certainement la faire changer de dimension.
Si vous n'avez jamais vu Ms. Maisel, alors rattrapez vite ça et vous aurez la preuve que Brosnahan est une actrice rien moins qu'extraordinaire. Elle le prouve aussi dans I'm your woman, qui a le mérite d'aborder un sujet connu sous un angle inédit : celui du destin d'une femme de criminel quand elle doit prendre la tangente pour ne pas être rattrapée par les ennemis de son mari.
En effet, on voit souvent des films où le bandit est en cavale et doit multiplier les efforts pour ne pas être retrouvé avant, finalement, de faire face et de régler ses comptes, l'arme au poing. Mais quid des épouses, des petites amies, souvent livrées à elles-mêmes, et qu'on ne revoit plus, quand elle ne sont pas rapidement liquidées ?
Le scénario écrit par Hart et Jordan Horowitz explore cette facette de l'histoire en prenant (un peu trop) son temps : le film fait 120' et on peut raisonnablement estimer qu'avec 1/4 d'heure, voire 1/2 heure de moins, il aurait été bien meilleur. En même temps, sa durée rend compte de cette espèce de temps suspendu pour les gens qui doivent se cacher, attendre, repartir, se cacher à nouveau, etc.
Le film de Julia Hart s'ouvre par une scène muette où on voit Jean assise dans son jardin à l'arrière de sa maison, en train de fumer une cigarette, les yeux cachés par des lunettes fumées. Cette femme-là passe le temps en attendant le retour de son homme. C'est l'archétype de la desperate housewife, belle, apprêtée mais qui s'ennuie, une Emma Bovary américaine de la middle-class des 70's.
Puis son époux rentre avec un bébé sous le bras et le lui confie. Elle est stérile et la voilà mère d'un nourrisson sorti d'on ne sait où. Elle se montre peu maternelle, le gosse pleure toutes les nuits. Et bientôt les voilà tous deux sur la route, en train de fuir, confiés à un homme de main taciturne mais qui obéit aux ordres.
Seule, livrée à elle-même, Jean s'attache à l'enfant, même si elle est épuisée par l'angoisse de ne pas savoir de quoi demain sera fait et par la charge d'élever un bébé. La suite sera une longue course d'obstacles, mais à combustion lente. Lorsque Jean se ressaisira, elle le fera sans mesurer dans quoi elle s'engage, mais parce qu'elle est à bout, excédée qu'on lui dise quoi faire, de patienter en attendant que la mort ne la rattrape.
Dans sa dernière partie, le film peut évoquer Gloria de John Cassavettes avec Gina Rowlands et le garçon qu'elle protège. Mais Julia Hart ne cherche pas à se mesurer à ce chef d'oeuvre. Elle reste au plus près de Jean, dont elle ne fait pas une justicière mais une survivante que les épreuves révèlent à elle-même, qu'il refuse de regarder en arrière parce qu'elle doit aller de l'avant.
Rachel Brosnahan porte le film avec une sensibilité qui ne sombre jamais dans la sensiblerie. Son jeu est sobre, et certaines scènes casse-gueule (comme quand elle chantonne You make me feel like a natural woman de Carole King) deviennent des moments d'émotion fragiles mais poignants par la délicatesse qu'elle leur donne.
Face à elle Arinzé Kene est magnétique : ombrageux mais indéfectible, il en impose par sa présence, l'économie de ses mots. Grâce au personnage plus tardif qu'incarne Marsha Stephanie Blake, on évite de tomber dans le piège de la romance facile entre le protecteur et sa protégée. Entourée par ces deux acteurs noirs, Brosnahan devient littéralement cette petite bourgeoise douée pour rien qui prend conscience de ses privilèges de femme blanche, embrassant la même précarité que ses compagnons.
I'm Your Woman n'est pas parfait - il est trop long surtout. Mais il a le mérite de creuser un récit atypique, et de dessiner un portrait de femme intense, porté par une comédienne absolument sidérante.







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