lundi 23 juin 2025

COMPANION (Drew Hancock, 2025)


Iris, une jeune femme, se souvient de la première fois qu'elle croisé le regard de Josh avec lequel elle vit désormais. Un week-end, ils sont invités dans la luxueuse maison de Sergey, isolée près d'un lac, où les attendent déjà Kat, la maîtresse de leur hôte, et le couple formé par Eli et Patrick. Kat se montre distante avec Iris tandis que Eli et Patrick profitent de l'endroit et que Sergey est visiblement attiré par Iris.


Le lendemain, Iris va se détendre près du lac où se trouve déjà Sergey. Il tente de la violer en suggérant que Josh est d'accord. Mais elle se défend et le poignarde à mort avec un couteau qui se trouvait dans la poche de son short. Couverte de sang et paniquée, elle rentre à la maison et tente de justifier son meurtre devant Josh et ses amis. Josh lui ordonne de s'endormir et elle s'effondre parterre...


Car, en vérité, Iris est un robot de compagnie que Josh loue à la société Empathex et dont il a modifié la programmation pour se débarrasser de Sergey. En effet, Josh et Kat sont amants et Kat révèle que Sergey garde un magot dans la maison. Josh réveille Iris, qu'il a ligoté à un fauteuil et lui révèle sa vraie nature, comptant expliquer à la police qu'elle a supprimé Sergey à cause d'un dysfonctionnement. Mais Iris ne va pas se laisser faire...


Si vous avez déjà vu le film puis la série Westworld ou lu le roman Une Machine comme moi de Ian McEwan, vous allez adorer Companion, qui en est, en quelque sorte un dérivé, modeste mais malin, drôle et sanglant à la fois. C'est typiquement une production de série B mais terriblement efficace, tourné pour moins de 10M $ et qui était déjà remboursé au terme de son premier week-end d'exploitation.


Drew Hancock, scénariste et réalisateur, opère sur deux niveaux de lecture, également réussis. Le premier exploite le registre de la comédie noire dans lequel une machine échappe au contrôle de son maître et se rebelle de manière si retorse qu'elle enseigne à son propriétaire (et ses complices) qu'il ne faut jamais se croire au-dessus du lot.


Cette partie du film est franchement jubilatoire : Josh est vite dépassé alors que son plan était réglé comme du papier à musique, bien conçu, et que le deal passé avec les témoins était avantageux pour tous (il se partage un pactole de 12M $ à trois). Hancock emballe son affaire en une centaine de minutes, on n'a pas le temps de s'ennuyer.


Puis, en y réfléchissant un petit peu, Companion réfléchit plus subtilement à la marchandisation des corps, aux notions de propriété, de mérite et d'amour. Josh n'est pas riche mais vit au-dessus de ses moyens et, faute de pouvoir s'acheter un robot de compagnie, loue Iris. On lui explique comment la paramétrer selon ses désirs, depuis le premier contact visuel jusqu'au degré d'intelligence qu'il souhaite lui donner (un minable 40%).

Evidemment, une fois ces réglages faits, la première chose que Josh fera avec Iris, c'est de la baiser sans retenue. Il lui programmera une rencontre romantique en diable, puis se laissera un temps porter par cette vie conjugale illusoire mais qui le contente à défaut de le combler. Iris ne peut pas lui désobéir ni lui faire du mal, c'est garantie sans risque.

Puis Josh, sans qu'on le voit, tombe amoureux de Kat mais celle-ci est déjà la maîtresse d'un riche mafieux russe. Pour accomplir le crime parfait, l'androïde est une arme idéale. Josh oublie le moindre sentiment qu'il a pu éprouver pour Iris et à nouveau la programme pour faire le sale boulot, exaucer son fantasme en libérant son agressivité.

Tous les personnages en dehors d'Iris (et d'un autre mais je ne vous dirai pas lequel pour ne pas spoiler un élément important de la suite) sont portraiturés comme des gens avides, médiocres, qui pensent que tout leur est dû, qui pense mériter plus qu'ils n'ont. Se servir d'un robot aimant n'est pas plus un dilemme pour eux que d'utiliser un tire-bouchon électrique pour se servir un vin grand cru (oui, j'attire à dessein votre attention sur cet ustensile qui aura un rôle décisif).

Et alors on se rend compte que ce n'est pas tant le grain de sel que va être le robot qui importe que le fait qu'en programmant des sentiments, en les détournant, on ne donne certes pas une conscience à une machine mais on s'expose à ce qu'ils soient mal interprétés par la machine et se retournent contre vous. Une leçon simple à méditer, comme quand on peut se blesser avec un appareil a priori anodin mais dont on a voulu forcer l'usage.

En fin de compte Iris devient le personnage le plus attachant de l'histoire. Quand on pense son heure venue, à plusieurs reprises, on se surprend à espérer que le scénario va lui laisser une chance non seulement de s'en sortir mais aussi de faire payer la note à celui qui l'a manipulé. Et de ce point de vue, c'est aussi sensible que dans Westworld ou Une Machine comme moi.

La réalisation de Hancock exploite au mieux le décor quasi-unique du film, qui donne au récit un côté huis clos oppressant, comme un piège qui se referme sur tous les uns après les autres. Passée la scène de viol (dont on ne voit que le tout début), et l'image d'Iris couverte de sang, Companion évite aussi le gore et le sordide faciles, la cruauté est ici plus psychologique, la violence très brève mais percutante.

Le casting est impeccable. Si le couple gay apparaît comme une sorte de sacrifice woke typique de l'époque, en revanche Rupert Friend est affreux à souhait en hôte abusif. Megan Suri (remarquée dans la série Nos Premières fois) est épatante en complice vénale. Et Jack Quaid est particulièrement infect en pauvre type qui se pense injustement considéré par le monde entier.

Toutefois si Companion a un mérite, c'est celui de mettre en avant l'extraordinaire Sophie Thatcher. Celle qui brille déjà dans la série Yellowjackets incarne avec une subtilité sensationnelle Iris, capable en un sourire ou un regard de passer de la douceur amoureuse à la menace glaçante ou de la panique totale à la réaction résolue. En plus, celle qui sourit rarement sur les photos que j'avais vues d'elle est si jolie quand elle le fait...

Voilà donc un petit film en surface qui en cache un autre, passionnant et surprenant, en profondeur. Une réussite exemplaire, avec une actrice à suivre.

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