Berlin, Novembre 1988, quelques jours avant la chute du mur. Lorraine Broughton est envoyée en mission dans la capitale allemande suite à l'assassinat par un agent du KGB, Bakhtin, de son collègue et amant James Gascoigne, qui portait sur lui une montre contenant une liste de tous le agents infiltrés à l'Est. Une fois sur place, elle est prise en charge par une équipe qui s'avère être composée d'agents de la Stasi dont elle se débarrasse avant d'être rejointe par Daniel Percival, son contact officiel du MI6.
Percival soupçonne un agent double russe, nom de code Satchel, d'avoir trahi Gascoigne tandis que Bakhtin va vouloir revendre la montre avec la liste au plus offrant. Laissant Percival enquêter sur Bakhtin, Lorraine se lance sur la piste de Satchel en commençant par fouiller le domicile de Gascoigne où elle découvre que lui et Percival étaient amis. Des agents du KGB surgissent et elle fuit. Percival, lui, négocie en secret avec Bremovych, un russe, pour lui vendre, une fois qu'il l'aura, une partie de la liste.
Lorraine se rend dans un restaurant où elle est abordée par Bremovych mais une jeune française les interrompt et le russe se retire en étant sûr qu'ils se reverront. La française se nomme Delphine Lassalle et prévient Lorraine de se méfier de Percival qu'elle soupçonne d'être Satchel puisqu'elle le suit depuis un an, date de son arrivée (à elle) à Berlin. Lorsqu'elle retrouve Percival, Lorraine fait la connaissance de Spyglass, qui a listé et mémorisé les agents infiltrés en échange de son passage à l'Ouest, promis apr Percival...
En 2017, Charlize Theron, auréolée du succès de Mad Max : Fury Road, se réinvente en héroïne de film d'action. Elle jette son dévolu sur l'adaptation du comic-book The Coldest City de Sam Hart et Anthony Johnston et participe comme co-productrice en attirant David Leitch, co-réalisateur de John Wick. Elle suit un entraînement physique intensif encore une fois pour le rôle principal.
Pour cela elle est coachée par la même équipe que celle de Keanu Reeves et la rumeur dit qu'entre les deux stars s'est alors installée une sorte de compétition pour savoir lequel irait le plus loin pour se passer d'une doublure à l'écran dans les scènes de cascade. Au final, l'actrice se cassera deux dents durant le tournage (une de ses nombreuses blessures endurées dans sa filmographie).
Si je mentionne ces éléments, ce n'est pas pour le simple plaisir mais parce qu'il indique à quel point le choix et l'investissement de Theron étaient celle qu'il fallait pour Atomic Blonde. Son personnage d'espionne est défini par son physique et son survivalisme. Les hommes qui l'envoient en mission se présentent comme ses "supérieurs" et c'est évidemment à prendre au propre comme au figuré...
... Même si pour Lorraine Broughton, aucun homme ne saurait être son "supérieur". Pendant que ses chefs sont planqués dans leur bureau ou derrière une vitre sans tain durant l'interrogatoire qu'elle subit lors de son débriefing et qui ponctue tout le film, elle va au charbon, prend des coups, est trahie, est séduite, mais rend aussi les coups, se méfie en permanence de tout et de tous, et charme aussi.
Esthétiquement, David Leitch, parce que l'intrigue se déroule à la fin des années 80, inscrit son film dans ce qu'on faisait à cette époque : lumières au néon, teintes tantôt chaudes tantôt froides, musique citant des classiques (99 Luftballoon de Nena, New Order, David Bowie - qui fut pressenti pour un rôle...).
Parfois ces efforts de stylisation jouent un peu contre le film et son histoire en le surchargeant inutilement. Mais parfois aussi ils contribuent à créer une ambiance intense, qui rend l'action et ses conséquences plus troubles, à l'image du flashback très bref révélant la nature de la relation entre Lorraine et Gascoigne, comme un rêve.
Cela en dit plus long qu'il n'y paraît sur ce milieu des espions à un moment clé de la grande Histoire, quand le mur de Berlin allait chuter. Ces agents de la CIA, du MI6, du KGB, de la Stasi n'évoluent-ils pas constamment dans un rêve (ou un cauchemar), sans repères moraux, avec pour seul véritable objectif d'en sortir vivants, eux et leur "colis" (ici Spyglass, auteur d'une liste d'infiltrés à l'Est).
Lorraine Broughton détone dans ce rêve/cauchemar avec son allure de mannequin, ses cheveux platine, son élégance, et sa dureté. Lorsqu'elle baisse sa garde, dans les bras de Delphine Lassalle, celle-ci le remarque aussitôt et le lui dit. Lorraine la remercie : c'est la dernière fois qu'elle se laissera aller car s'il devait y en avoir une autre, ce serait son arrêt de mort.
Face à Lorraine, Percival apparaît comme trop extraverti pour être honnête. Il a tout du traître, du vendu. Et l'interprétation qu'en donne James McAvoy, déchaîné, achève de tuer tout suspense. C'est sans doute l'erreur du film que donner trop vite ce personnage. Et ensuite, en voulant quand même semer le doute dans l'esprit du spectateur, de faire croire que peut-être il s'agit d'une énième fausse piste.
Idem pour la fin où Kurt Johnstad, le scénariste, multiplie les twists pour que l'on doute de celui à qui Lorraine rend vraiment des comptes, rallongeant artificiellement le film. Heureusement, ces errements ne gâchent pas le plaisir global de ce divertissement léché, très efficace, qui culmine dans un plan-séquence de 7 minutes tout à fait jubilatoire où Theron dégomme sur quatre étages un commando du KGB.
David Leitch, ancien cascadeur (il fut la doublure de Brad Pitt), connaît son affaire et sait comment l'emballer. Sa caméra est agile et précise, il sait quand ne pas couper une scène d'action grisante, mais aussi saisir une expression. Surtout, il fait du corps de Theron une matière à histoire à part entière, dès le premier plan, où elle sort d'une baignoire remplie de glaçons, révélant son corps tuméfié.
Atomic Blonde peut (tout) se permettre, grâce à sa vedette, d'explorer ce qui serait inconcevable avec un acteur masculin : Theron se montre nue, forte et fragile à la fois, belle à tomber et couverte d'ecchymoses et de sang, sa Lorraine assumant sa bisexualité (chose impensable avec un homme dans un rôle identique et ce genre d'histoire).
Les scènes que partage Theron avec Sofia Boutella (alors à l'aube d'une carrière américaine) ne sont jamais racoleuses : Delphine Lassalle est tout l'inverse de Lorraine Broughton, inexpérimentée, naïve, sentimentale. Mais sa fraîcheur lui permet de nous laisser voir la seule faille chez cette espionne plus aguerrie.
Charlize Theron est impériale et parfaitement crédible (c'est tout sauf un hasard si, la même année, elle rejoignit la franchise Fast and Furious), terriblement cool, totalement bad ass, chic et choc. Ses échanges avec McAvoy, mais aussi John Goodman, Toby Jones ou Eddie Marzan ne font que confirmer sa stature de grande comédienne et d'héroïne digne de Ethan Hunt, Jason Bourne et James Bond.
Pourtant, alors que des rumeurs circulent encore fréquemment à ce sujet, Atomic Blonde n'a jamais eu de suite. C'est assez incompréhensible. Mais en attendant que, peut-être un jour cela se réalise, il est toujours temps de revoir cette aventure berlinoise énergique.
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