Auprès du Phantom Stranger, Mitch Shelley se souvient de ses origines à l'aube des temps lorsqu'il acquit ses pouvoirs en même temps que Vandal Savage, un autre immortel. Il recroisera sa route en 1984 alors qu'il était en couple avec Rhea, qui travaillait avec Ray Palmer sur la compréhension de l'univers...
La gageure d'écrire sur un héros qui ne peut pas mourir, ou plutôt qui renaît sans cesse, c'est finalement de donner un sens à ses aventures. L'erreur avec un personnage comme Mitch Shelley, c'est donc d'en faire un super-héros parce qu'on sait que, quel que soit l'adversaire qu'il affrontera, il lui survivra, même s'il est vaincu.
Ram V l'a parfaitement compris et c'est pourquoi il n'a pas inscrit cette mini-série dans le registre super-héroïque mais bien dans celui de la fable, du conte philosophique. A tel point d'ailleurs que c'est certainement le projet pour DC qui ressemble le plus à ceux qu'il écrit en creator-owned. Et c'est tout à l'honneur de DC d'accueillir ce genre d'histoire et d'avoir créé le Black Label pour ça.
Bon, tout ça surtout pour vous dire que si je n'ai pas été emballé par le premier arc de The Amazing Spider-Man ni le début d'Imperial et que j'étais soulagé que The Moon is following us se termine, lire ce troisième épisode de Resurrection Man : Quantum Karma m'a redonné espoir. Voilà enfin un comic-book de qualité supérieure, une oeuvre personnelle et puissante.
Ce qui ne signifie pas que je snobe le divertissement plus facile, plus commun, mais enfin, ça fait vraiment du bien de lire quelque chose qui a de la substance, qui ne se résume pas à un simple travail de commande et dans lequel l'équipe créative s'est investie pleinement pour embarquer le lecteur vers une destination inattendue et surtout imprévisible.
Dans ce numéro, on découvre les origines de Mitch Shelley qui a donc vécu à l'âge des premiers hommes lorsqu'il toucha une météorite qui lui donna ses pouvoirs. Mais il ne fut pas le seul à ce moment-là et Ram V lie l'histoire de son héros à celle d'un grand vilain, très connu dans le DCU, autrement plus réputé que Resurrection Man : Vandal Savage.
Je ne connais pas suffisamment les origines initiales, imaginées par Dan Abnett et Butch Guice, pour savoir si elles déjà associées à celles de Vandal Savage, mais le talent de Ram V, c'est de rendre la chose logique. Mitch Shelley et Vandal Savage sont comme les deux facettes d'une même pièce, deux immortels aux destins contraires.
Le premier geste de Savage après avoir touché le météore est de tuer Shelley en qui il perçoit immédiatement un rival, peut-être un danger. Bien entendu, c'est la première fois que Shelley va ressusciter et il veut d'abord ses venger, mais en observant Savage endormi, il y renonce et ce choix déterminera tout ce qui suit pour ces deux immortels.
Savage deviendra un conquérant sanguinaire tandis que Shelley errera dans l'existence en cherchant sa place, sa raison d'être, en se plaçant du côté du Bien par pure inclination. Shelley ne sait pas qui il est, pourquoi il est tel quel, quel est son utilité et c'est ainsi que Ram V l'a introduit dans cette mini-série : il doute même avoir eu un quelconque impact sur le monde et vit son don comme un fardeau, dont il est las.
Savage, lui, a avancé et a taillé sa route avec brutalité, sans scrupules, sans gêne, sans doutes. Lors de ses retrouvailles avec Shelley en 1984, Savage ricane en voyant Shelley toujours aussi perdu et incapable de le se résoudre à l'éliminer. D'autant moins qu'à cette époque, Shelley vit en couple avec Rhea, la fille du soldat avec qui il a servi durant la seconde guerre mondiale.
Rhea travaille avec Ray Palmer (le super-héros Atom) qui a demandé à Shelley de la protéger. La jeune femme étudie l'univers et cherche le sens sans y parvenir à travers le façonnage d'une sorte de cube quantique. Elle finit par comprendre que pour saisir l'infiniment grand, il faut s'y investir intimement. Comme l'a fait, sans qu'elle le sache, Shelley.
Shelley aura une réaction inattendue quand il saura que Rhea approche de la vérité. Peut-être parce qu'elle percera son secret à lui - à sa place aussi... Le récit emprunte des chemins détournés et exige du lecteur que tout ne lui soit pas expliqué littéralement, directement. Mais si vous acceptez ce parti-pris, c'est envoûtant et conforme aux thèmes de prédilection de Ram V (que ce soit dans ses oeuvres indés comme Laila Starr ou mainstream comme The New Gods).
Je ne peux l'assurer mais j'ai quand même l'impression que c'est la dernière planche que Butch Guice a dessiné pour ce revival et évidemment on ne peut que regarder cette image avec une certaine émotion. Le reste est le fruit des efforts du toujours surprenant Anand RK dont le style ne laissera personne de marbre.
Là encore, ça va sûrement en laisser sur le bas-côté. Je peux le comprendre, c'est très spécial. Mais il est aussi évident qu'avec un dessinateur plus traditionnel, au trait plus classique, les émotions que provoque cette histoire ne seraient pas aussi intenses. Parfois, c'est d'une beauté à couper le souffle, parfois, c'est terrifiant, parfois c'est poignant, parfois totalement étrange.
Mike Spicer accomplit à ce titre un boulot remarquable, qui réussit à ne pas dénaturer le dessin si spécial de Anand RK tout en veillant à ne pas en rajouter. Encore une fois, je préfère prévenir, ça ne plaira pas à tout le monde, mais si vous aimez ce qui sort des sentiers battus, alors surveillez la traduction qu'en fera sûrement Urban Comics (qui a permis à Ram V d'être un nom connu par chez nous).
Resurrection Man : Quantum Karma restera, c'est acquis, comme une des lectures les plus singulières et les plus marquantes de 2025. Et on n'est qu'à la moitié de l'aventure...
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