samedi 28 juin 2025

L'EVALUATION (Fleur Fortuné, 2024)


Le futur. Une catastrophe climatique a poussé le gouvernement à contrôler strictement les naissances pour ne pas épuiser les ressources naturelles. Pour s'en assurer, les couples qui désireraient devenir parents doivent subir une évaluation : une représentante des autorités s'installe pendant une semaine et fait subir une batterie de tests non conventionnels destinée à déterminer si vous êtes aptes ou non à avoir une progéniture, exclusivement développée via un utérus artificiel.


Mia est une biologiste et Aaryan, son époux, conçoit des animaux virtuels depuis qu'il est interdit d'en avoir de vrais. Ils habitent une maison isolée de tout avec une serre attenante pour les expériences de Mia. C'est ainsi qu'ils reçoivent leur évaluatrice, Virginia. Elle se présente sous un jour sympathique mais explique les conditions strictes de son travail. Au terme de son séjour, elle rendra une décision définitive.


Le lendemain de son arrivée, l'évaluation commence. Virginia adopte un comportement enfantin, capricieux, qui met à rude épreuve les nerfs des deux candidats. Au fur et à mesure du processus, ses méthodes deviennent de plus en plus intrusives et manipulatrices, culminant lors d'un dîner en présence de la famille et d'amis du couple où se révèlent des secrets embarrassants...


The Assessment (en vo) est le le premier film de Fleur Fortuné, une réalisatrice de clips vidéos, choisie pour mettre en scène le script de Dave Thomas & Neil Garfath-Cox (couple à la ville) et John Donnelly. Tourné avec un petit budget en Allemagne et projeté dans divers festivals, il bénéficie d'un casting remarquable.
 

La scène d'ouverture montre une fillette nageant dans la mer lorsqu'elle entend sa mère lui crier de rentrer. Elle fait demi-tour, plonge, et quand elle remonte à la surface, c'est elle mais adulte, et plus personne ne l'appelle. Il y a un sentiment de liberté et d'angoisse dans cette scène qui anticipe tout le reste du film.


Dans leur maison, où une intelligence artificielle règle leur confort et les informe des conditions météo, Mia et Aaryan sont comme dans un cocon. Ils vivent certes à l'écart de la civilisation mais c'est aussi en rapport avec leur profession : elle est biologiste et effectue des recherches dans une serre attenante à la maison, il créé des animaux virtuels pour remplacer les vrais qu'on n'a plus le droit de posséder.

Ne vous attendez pas à une représentation détaillée d'un futur post-apocalyptique. Le peu de moyens du film a forcé ses auteurs à évoquer, suggérer plutôt qu'à montrer. Il y a dans le script une part de théâtralité assumée et le sujet de l'histoire s'en porte fort bien puisque le registre est très intimiste, c'est quasiment un huis clos avec trois personnages.

Cette austérité a pour but de capter l'attention du spectateur : rien ne doit le distraire. C'est aussi ce qui se produit avec le couple formé par Mia et Aaryan, concentrés dans leur boulot, mais aussi dans leur évaluation pour savoir s'ils sont dignes d'avoir un enfant. Et de concentration, ils vont en avoir besoin avec celle qui est chargée de les juger.

Très vite, le personnage de Virginia convoque le malaise. Elle est crispante, et même détestable. En jouant à l'enfant (alors que c'est une adulte), à la gamine insupportable, toujours en train de mesurer la résistance de ses potentiels parents, on a envie de la gifler. On pourrait se demander comment Mia et Aaryan ne cèdent pas à cette envie si l'enjeu n'était pas aussi important pour eux.

Tout est bon pour les provoquer : construire un cabane avec tellement de pièces à assembler qu'ils y passent une nuit et il reste encore un élément mais plus aucun endroit où le placer, s'assurer que la soeur de Mia va bien alors qu'elle vient d'être hospitalisée au risque d'être disqualifiés, ou même achever une fellation en se sachant épiés. C'est totalement délirant.

Et c'est bien parce qu'il ose tout pendant une heure et demie que le film convainc, dérange, perturbe, réjouit, irrite si bien. L'issue ne fait pourtant aucun doute, surtout après le climax que représente le dîner en famille et avec les voisins, sommet de gêne qui dure, dure, jusqu'à l'insoutenable. On est dans le même état d'éreintement que le couple de héros.

Hélas ! les scénaristes n'ont pas su s'arrêter à temps, c'est-à-dire avec la fin de l'évaluation. La dernière demi-heure est interminable, parce qu'elle est inutile. Il y a encore un bel échange entre Mia, qui est obsédée par le résultat de l'évaluation et veut en comprendre la raison, et Virginia, mais c'est surtout parce que les deux actrices sont sensationnelles.

Fleur Fortuné, pour son premier long métrage, fait preuve d'une maîtrise assez épatante. Le minimalisme imposé par la production, son sens du cadre, la photo superbe, le soin qu'elle met à créer cette ambiance délétère, sont fascinantes pour une débutante. Elle dirige aussi fermement ses acteurs. Mais elle n'a visiblement pas eu le final cut et ne peut pas sauver cette dernière demi-heure pénible.

Elizabeth Olsen est absolument remarquable de patience et de sensibilité dans le rôle de cette femme abandonnée par sa mère et qui s'interroge sur la rationalité de l'entreprise. Himesh Patel a une fébrilité poignante qui en fait un homme piégé entre deux femmes sans espoir d'en sortir indemne. Enfin, Alicia Vikander est exceptionnelle : elle ne rend jamais son personnage plus sympathique et on retrouve là une performance équivalente à celle qu'elle produisit dans Ex_Machina d'Alex Garland (chef d'oeuvre).

C'est vraiment dommage que cette Evaluation dure trop longtemps, sans quoi il aurait mérité les félicitations du jury. Mais pendant 95', on assiste quand même à quelque chose d'assez sidérant, par son économie et son intensité.

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