dimanche 22 décembre 2024

THE NEW GODS #1 (of 12) (Ram V / Evan Cagle & Jorge Fornés)


Metron révèle à Izaya, le Haut-Père de Néo-Génésis, être porteur d'une prophétie selon laquelle la mort de Darkseid va être contrebalancée par l'émergence d'un nouveau dieu sur Terre. Soucieux, Izaya missionne Orion, son fils adoptif, de tuer l'enfant. Mais Orion prévient Scott Free de cela et lui demande de trouver l'enfant avant lui et de le cacher...


Il y a environ une semaine ou deux, alors que la preview de ce premier épisode de The New Gods circulait déjà, en consultant les commentaires sur un réseau social, je suis tombé sur les propos d'un fan de comics disant qu'il n'était plus hypé par les nouveautés en provenance de Marvel alors que celles proposées par DC l'excitaient désormais bien davantage depuis un certain temps. Et il citait pour appuyer sa déclaration The New Gods.


Ce qui m'a troublé alors, c'est que je me retrouvai dans ce commentaire, et je crois que nous sommes nombreux dans cette disposition d'esprit actuellement. Je ne dirai pas que Marvel a abandonné toute ambition, mais il suffit de jeter un regard aux news de l'éditeur pour se rendre compte que, rien que ce mois-ci, rien ne sort du lot. A la rigueur, il y a le relaunch (encore un...) d'Amazing Spider-Man en Avril 2025, mais c'est parce que Pepe Larraz en sera un de dessinateurs (avec l'inamovible John Romita Jr.).


Mais à part ça ? Rien. J'ai souvent eu l'occasion de dire tout le bien que je pensais de l'offre éditorial de DC, qui, par exemple, a su offrir aux auteurs un espace pour des oeuvres plus audacieuses comme le Black Label, et on va assister au retour de Vertigo après celui des Elseworlds. Du côté de la production régulière, plusieurs séries, avant et après le nouveau statu quo (DC All-In), possédaient des atouts créatifs accrocheurs.


Pendant ce temps, ces derniers mois, Marvel a relancé la franchise X-Men pour un résultat qui ne m'a personnellement pas comblé (en tout cas sur les titres les plus attendus), Avengers a perdu énormément de son cachet, Fantastic Four est dans la moyenne, et les events se multiplient comme des champignons. Est-ce là vraiment toute l'ambition du leader du marché et de son editor-in-chief, C.B. Cebuski, dont on a cru qu'il allait remettre l'artistique au centre du village (quelle bonne blague...).

The New Gods illustre parfaitement l'ambition de DC en revanche. Ram V sort d'un run sur Detective Comics, après avoir écrit Catwoman. L'éditeur lui a demandé ce qu'il souhaiterait faire à présent, car depuis quelques années, le scénariste accumule les récompenses avec ses récits en creator-owned et il faut donc le cajoler pour le garder.

Contre toute attente, alors qu'il aurait pu demander à peu prés n'importe quoi en étant sûr de l'avoir, Ram V a jeté son dévolu sur The New Gods parce que, comme il l'a dit, il voulait jouer avec ce à quoi plus personne ne s'intéressait. Bien entendu, des New Gods de Jack Kirby, le personnage de Darkseid continue d'alimenter la chronique (encore récemment avec le n° spécial DC All-In et la création de l'univers Absolute), mais ce n'est que le partie émergée d'un iceberg géant.

Il faut le rappeler, Kirby a travaillé à deux époques différentes chez DC, d'abord dans les années 50 lorsque les super-héros étaient au plus bas, puis à la fin des années 60 jusqu'au milieu des années 70, après avoir claqué la porte de chez Marvel suite à sa brouille avec Stan Lee. Avant de revenir dans "la maison des idées", il aura lancé plusieurs idées qui lui survivront chez DC, bien qu'elles n'aient pas connu le succès commercial.

Parmi celles-ci, la plus importante aura été le corpus des New Gods, quatre séries entremêlées (New Gods, Mister Miracle, Forever People, Superman's Pal Jimmy Olsen) qu'il a écrites et dessinées simultanément (!), même si le projet initial de proposer à d'autres de développer ces concepts (lui n'en aurait conservé qu'un). Une relecture de ce qu'il avait fait sur Thor et qui synthétisait sa passion pour les mythologies.

Par la suite, Kirby parti, DC a longtemps semblé ne pas savoir quoi faire des New Gods, hormis Darkseid donc, devenu un méchant récurrent et charismatique. L'éditeur les aura tués, ressuscités, oubliés, recyclés... Tom King et la réalisatrice Ava DuVernay voulaient même en tirer un long métrage. Et donc Ram V ambitionne de leur redonner vie - mieux même : de leur donner une place centrale dans le DCU.

Mais il convient de préciser une chose, essentielle : Ram V ne veut pas prolonger ce que Kirby a établi, il arrive avec ses propres idées, sa propre formule, sa propre compréhension du titre. Il veut à la fois s'inscrire dans ce patrimoine et l'actualiser, pour que les fans de DC saisissent l'importance que devraient avoir ces personnages, leur univers.

Pour cela, il s'appuie sur un pitch étonnamment simple : Darkseid est mort (ou du moins c'est ce que tout le monde croit - mais déjà la série Challengers of the Unknown, relancée elle aussi cette semaine, d'après un concept de Kirby, se charge d'enquêter sur cette hypothèse) et une prophétie reçue par Metron dit qu'un nouveau dieu va émerger, sur Terre. Pour le bien commun ? Ou pour remplacer un mal par un autre ?

Izaya, le Haut-Père de Néo-Génésis, la ville-monde rivale de l'Apokolips de Darkseid, choisit de ne pas prendre de risque : il ordonne la mort de l'enfant et lâche à ses trousses son champion, Orion, son fils adoptif (et fils biologique de Darkseid). Lequel demande à Scott Free/Mister Miracle de trouver l'enfant avant lui et de le cacher pour le protéger...

La situation est donc basique et c'est la grande force du projet de Ram V qui a compris que toute mythologie se fonde sur un postulat simple avec des ramifications complexes (les scrupules d'Orion, l'ambiguïté de la prophétie, le fait que Scott Free soit père et déjà bien occupé à élever avec sa femme, Barda, son propre enfant...). Difficile de ne pas être embarqué dans cette saga dont les acteurs sont tous bien cernés, les enjeux dramatiques, l'envergure cosmique...

Quand on lit cette histoire à travers les dessins d'Evan Cagle, on est encore plus époustouflé. L'artiste qui vient de réaliser la mini série Dawrunner (déjà dispo en vf chez Hi Comics, en vo chez Dark Horse), et qui avait jusque-là été discret dans les comics DC, éblouit par le souffle et la sensibilité mêlés de ses pages.

Les planches qui illustrent cet article vous en donneront un bon aperçu, ce mix de puissance, d'énergie et de justesse est d'une beauté terrassante, qui colle si bien à The New Gods. Il a redesigné quelques personnages, embrassé la démesure de Kirby, tout en lui apportant ce je-ne-sais-quoi qui fait la différence, cette modernité (ce mot-valise bien pratique) qui distingue une série des autres.

Déjà beaucoup de lecteurs ne tarissent pas d'éloges à son sujet, évoquant des graphismes d'un autre monde. Il est certain que Cagle va entrer dans une autre dimension avec cette série. Série qui accueillera à chaque épisode un invité pour quatre pages, un peu en marge du récit principal : ce mois-ci, c'est Jorge Fornés qui signe le prologue du chapitre et si c'est peu, c'est superbe (bon sang, pourquoi DC ne lui confie pas une série régulière ?!).

Bien sûr, il y en aura pour dire que ce n'est pas aussi bien, aussi fort que Kirby, que c'est même un sacrilège d'oser passer après le king, ou que ce début paraît timide au regard des attentes qu'on peut nourrir pour des personnages pareils. Mais, pour ma part, ces doutes sont balayés. On tient là, j'en suis sûr, une nouvelle pépite de la part de DC. Marvel ? Qu'ils fassent aussi bien !

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