dimanche 22 décembre 2024

THE POWER FANTASY #5 (Kieron Gillen / Caspar Wijngaard)

 

Qui est Jacky Magus ? Il fait partie des anges et démons alignés avec la famille nucléaire. Mais avant cela, il était un anarchiste britannique qui avait fondé la pyramide, un culte bâtie sur l'information, détruit lors du Summer of Love de 1989. Aujourd'hui, Jacky Magus s'est réinventé en homme d'influence au sommet du pouvoir des Etats-Unis, qui vient justement de perdre son président par la faute d'Etienne Lux...


Ce cinquième épisode clôt le premier arc narratif de The Power Fantasy. Kieron Gillen nous présente les origines de Jacky Magus, un des personnages les plus mystérieux de son groupe de surhumains jusque-là, e visage toujours caché par une masque métallique, maître de la pyramide où ses semblables se réunissent en cas de crise.


Kieron Gillen a divisé ses surhumains en deux catégories : la famille nucléaire, avec le télépathe Etienne lux, le gourou télékinésiste Ray Harris, et l'artiste Masumi Morishita ; puis ceux qu'il appelle les anges et démons, avec Santa Valentina, Eliza Hellbound et donc Jacky Magus. Pour résumer, le premier groupe tient ses pouvoirs de la science, le deuxième de l'occulte.


Jacky Magus est donc un être paranormal. Sauf que... Non. Il apparaît qu'il a certainement appris les arts occultes, mais que c'est surtout quelqu'un dont le vrai pouvoir repose sur l'information, leur obtention et leur manipulation. Santa Valentina est une force paranormale, certainement la plus puissante des six ; Eliza Hellbound a des pouvoirs mystiques encore nébuleux, mais Jacky Magus a tout d'un imposteur.
 

Gillen est scénariste fasciné par la pop culture et la manière dont elle infuse les idées, comment elle créé des produits et comment ces produits se recyclent indéfiniment. Dans sa série The Wicked + The Divine, il s'inspirait des pop stars pour en faire l'équivalent moderne des dieux. Dans The Power Fantasy, il nuance le concept : comment six humains sont devenus des dieux.

Il semble bien que Jacky Magus n'ait pas de pouvoir particulier sinon, donc, celui d'être quelqu'un de malin, plus malin qu'intelligent, manipulateur, opportuniste, meneur de troupes et en même temps leader isolé. Il a été un anarchiste anglais qui a compris que le chaos ne menait nulle part mais qui a aussi intégré qu'être un "trou du cul" (arshole en vo) était une manière d'avoir du pouvoir, d'être un conquérant désinhibé.

Gillen montre donc comment cet individu cynique et excentrique a fondé une sorte de culte bizarre sur le schéma d'une pyramide au sommet de laquelle il se trouvait en tant que trou du cul suprême et a convaincu quelques personnes de le suivre non pour semer le désordre mais pour l'anticiper et l'utiliser à son avantage. Une sorte donc de super influenceur.

Encore une fois, l'histoire marque un temps d'arrêt sur le Summer of Love de 1989 qui, dans cette série, est la date d'un drame épouvantable, une charge armée contre des jeunes qui festoyaient et qui a tourné au massacre. L'impact a dévasté le culte de Magus qui, d'abord affligé, a ensuite rapidement compris qu'il était en partie responsable pour ne pas avoir pris la mesure de la situation et qui a ensuite changé de stratégie : ne plus être hors du système, comme un anar, mais à l'intérieur, pour peser dessus.

La fin de l'épisode le voit pénétrer le plus haut sommet de l'Etat américain et il est impossible de ne pas penser à Elon Musk avec Donald Trump aujourd'hui. Sans aller jusqu'à considérer l'oeuvre comme prophétique, parce que l'alliance Musk-Trump date déjà d'un certain temps, il est évident que cela a dû inspirer Gillen pour Jacky Magus (même si ce dernier n'est pas un entrepreneur richissime comme Musk mais doit disposer d'entrées dans le grand monde d'une autre manière).

Si j'ai une réserve, elle ne concerne pas l'épisode en tant que tel, mais la structure de ce premier arc. Je ne comprends pas pourquoi Gillen le termine avant d'avoir présenté tous les six surhumains. Il ne reste que Eliza Hellbound, qu'on voit très proche de Magus dans cet épisode puis ensuite transformée en une créature visiblement puissante mais aussi à l'aspect très particulier (l'aspect le moins humain des six). 

Il m'aurait paru plus logique et opportun de boucler le premier cycle de la série ainsi. Mais visiblement, comme il l'explique dans la postface de ce numéro, Gillen a beaucoup révisé son plan puisqu'initialement il prévoyait un premier arc en douze puis huit numéros (et il explique pourquoi, de façon très intéressante, pourquoi il a raccourci tout en préparant la suite). En attendant de voir où cela va nous mener, The Power Fantasy va faire un break d'un mois et reviendra en Février (en Janvier sortira le trade paperback des cinq premiers épisodes).

Caspar Wijngaard utilise pour cet épisode uniquement en flashbacks de nombreuses pages en noir et blanc réhaussé de niveaux de gris. C'est un procédé étonnamment classique de sa part puisque cette astuce visuelle sert fréquemment pour raconter des événements passés. Cela concerne cependant uniquement des scènes avec Magus en son centre. Car, à l'intérieur de ces flashbacks, on a droit aussi à des planches en couleurs mais qui se déroulent aussi dans le passé, un passé plus récent et focalisé sur des moments clés (comme le Summer of Love'89).

Wijngaard a ce style particulier qui lui permet de camper des personnages avec une économie de traits épatante, de zapper les décors pour les remplacer par des camaïeux de gris ou de couleurs afin de souligner davantage les ambiances que les environnements. Cette singularité graphique permet de ne pas le soupçonner de se débarrasser de ce qu'il pourrait ne pas aimer dessiner parce que le rendu est intense et intelligent à la fois.

Le lettrage de Rian Hughes est aussi particulièrement important parce qu'il permet d'indiquer au lecteur des évolutions dans le langage, le volume sonore de quelques dialogues, et d'accompagner des images comme celle (voir ci-dessus) d'un graphique représentant la pyramide de Magus et sa hiérarchie. Ici, le lettreur devient un graphiste à part entière, participant à l'identité visuelle de la série, comme un designer (ce qui rappelle énormément ce que fit Tom Mueller avec Hickman sur toute la franchise X).

Comme je le dis plus haut, la série s'interrompt pour un mois et en Janvier paraîtra le premier recueil de The Power Fantasy en vo chez Image Comics. Je dois dire que je ne partais conquis sur ce titre étant donné mon rapport compliqué avec les histoires de Kieron Gillen et j'ai été agréablement surpris. Toutefois, je ne pense pas poursuivre, en tout cas sous la forme actuelle, mensuelle.

En effet, The Power Fantasy sort l'avant-dernière semaine de chaque mois, qui se trouve être une semaine embouteillée pour moi. Non seulement, ça commence à faire une addition salée en single issues, mais surtout j'ai l'impression de passer mes journées à critiquer des comics sans souffler. Vous allez me dire, et vous aurez raison, que je n'ai qu'à en acheter moins.

Mais je n'ai pas trouvé quoi sacrifier, même si je pense qu'il est inévitable que j'arrête quelques titres, quitte à les poursuivre en tpb, mais ça ne résout qu'une partie du problème, surtout quand ce sont des séries sans fin prévue. Je vais donc prioriser les séries limitées mensuellement et quelques ongoing, mais pour d'autres titres je verrai si je les reprends en recueil. 

C'est aussi bien pour vous qui me faîtes le plaisir de lire mes critiques car en en postant autant, je ne suis pas certain que ce soit très digeste et que tout vous intéresse. Entre cette considération et parfois une certaine fatigue qui s'installe de mon côté, la prudence et la modération prévalent. Pour The Power Fantasy, je suis au moins satisfait d'arrêter la série sous cette forme avec un arc complet.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire