Le meurtre d'un des Challengers de l'inconnu dans sa chambre place la Question dans une situation embarrassante. Mais Blue Beetle lui fait visionner l'enregistrement de la vidéo-surveillance, indiquant que Batwoman s'est introduit dans la chambre avec un tigre thanagarien qui aurait attaqué le Challenger...
Le mois dernier, quand j'ai rédigé la critique du premier épisode de The Question : All along the Watchtower, j'étais très enthousiaste mais le peu de vues enregistrées par cet article m'a incité à en parler en premier cette semaine pour le n°2, en espérant donner plus de visibilité au titre. Parce qu'il le mérite.
Si Urban Comics n'avait pas totalement renoncé au kiosque, cette mini-série aurait fait un complément de programme idéal pour une revue axée sur la Justice League, avec deux ou trois autres séries régulières. J'espère au moins que, le moment venu de traduire Justice League Unlimited, l'éditeur français aura la bonne idée de proposer un premier tome avec les épisodes de The Question : All along the Watchtower au sommaire - ça ferait un bel album.
Bon, en attendant, pour ceux qui auraient raté la première critique, cette mini, écrite par le romancier Alex Segura, met donc en scène Renee Montoya/la Question, choisie par Batman, Superman et Wonder Woman pour être la chef de la sécurité de la Tour de Guet. Et dès son entrée en fonction, elle a été confrontée à l'intrusion d'un vilain qui faisait diversion pour qu'un des Challengers de l'inconnu soit assassiné.
Dès lors, tout le monde présent dans la Tour de Guet est devenu suspect, y compris la Question, puisque c'est dans sa chambre qu'on a trouvé la victime. Mais cette dernière n'a pas succombé au tir par balles qui l'a visée et a été admise dans l'aile médicale de la Tour. La Question aimerait aller la questionner mais déjà une autre affaire va la mobiliser : un tigre de Thanagar s'est échappé du zoo de la Tour...
... Et la vidéo-surveillance montre que c'est Batwoman qui l'a libéré puis conduit jusqu'à la chambre de la Question où l'animal s'est jeté sur le Challenger ! La Question mène l'enquête, interroge Nightshade (qui tient le bar de la Tour), tandis qu'à l'armurerie, l'Eradicator agresse Bulleteer...
Alex Segura développe donc son whodunnit et de manière très efficace. La succession d'événements dramatiques dans la Tour montre bien qu'elle est la cible d'actes malveillants de l'extérieur (et aussi de l'intérieur, comme on l'a appris à la fin de Justice League Unlimited #1 - est-ce que ces deux intrigues se rejoindront à un moment ?.). Ces failles sont exploitées et mettent tout le monde sur les dents.
Alors bien sûr, on peut s'étonner que le quartier général des plus grands héros de la Terre soit aussi exposé, que des mesures n'aient pas été prises dès sa conception pour le sécuriser davantage, avec les grands esprits qui l'ont élaboré et les moyens financiers et technologiques dont cet endroit a disposés. Mais c'est une invraisemblance avec laquelle il faut accepter de composer sinon il n'y a plus d'histoire.
Ce que Segura réussit parfaitement, c'est à caractériser la Question sans imiter son créateur, Greg Rucka (puisqu'il s'agit bien de l'itération de ce dernier ici, et non de Vic Sage, le personnage inventé par Ditko). Contrainte dès le premier épisode de travailler avec une équipe qu'elle n'a pas choisie, sans super-pouvoir, dans un endroit immense, dans l'espace, entourée de surhommes, elle doit quand même s'imposer.
Rucka aime les brunes avec un fort tempérament. Segura suit cette ligne sans s'en contenter. En fait, il souligne le passé de flic de Renee Montoya et le fait que son job ne la rend pas sympathique. La voix-off n'est pas redondante, alors que c'est devenu un gimmick dont abusent les scénaristes aujourd'hui, elle relève surtout les scrupules et en même temps la détermination de l'héroïne. La scène où elle interroge Nightshade (qui a un passé trouble, et qui est devenue la barmaid de la Tour) est à cet égard exemplaire.
Surtout, ce n'est pas parce qu'il a seulement six épisodes pour développer une intrigue que Segura renonce à toute ambition narrative : on voit bien qu'il creuse son récit pour que le lecteur ait conscience que la Tour de Guet est déjà discutable (avec des méchants envoyés dans la zone fantôme), des quartiers instables, des personnages limites, une ambiance chargée. Tout ceci parce qu'il ne quitte que très rarement la Question des yeux, qu'il la place au centre sans en faire quelqu'un qui sait tout - et surtout pas qui sait ménager la chèvre et le chou.
Cian Tormey livre des planches qui n'ont peut-être pas beaucoup de folie mais qui servent la narration avec soin. L'artiste soigne les décors pour qu'on les identifie immédiatement, compose des plans avec toujours le sens de l'espace, de la disposition des personnages, de la valeur des plans. Le lecteur n'est jamais largué mais toujours curieux d'aller ici ou là, de découvrir la Tour, ses coulisses.
Surtout, Tormey fait le choix de dessiner le masque de la Question sans chercher à suggérer les émotions. Ditko l'avait imaginé comme une surface lisse, qu'il était impossible de déchiffrer, pour que le lecteur ne sache justement jamais ce que pensait le personnage, qu'il soit à la fois impénétrable et comme un miroir ouvert à toutes les interprétations.
Du coup, le fait même que la Question soit une espèce de shérif de la Tour de Guet devient passionnant parce que les suspects, les collègues, les adversaires, ne peuvent jamais savoir, comme le lecteur, ce qui se passe sous le masque. C'est littéralement un personnage sans visage sur lequel on peut tout projeter et se tromper. Le dessiner vierge de tout prime sur tout le reste (et notamment sur son look qui évoque les longs manteaux des personnages de western de Sergio Leone).
The Question : All along the Watchtower est une petite série plein de bonnes idées, très accrocheuse, bien écrite et mise en images, à côté de laquelle il serait dommage de passer, parce qu'elle montre la Justice League Unlimited autrement.
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