On a envie de dire : hélas ! car ses Avengers Forever sont loin d'avoir le brio de ceux de Stern et Busiek. En vérité, le résultat est très poussif avec des Avengers alternatifs qui ne semblent avoir été conçus que pour s'amuser à imaginer comment untel serait devenu untel s'il avait fait un autre choix, avait eu une autre existence, un autre passé, avait évolué dans un autre cadre.
Ici, on fait connaissance avec un Tony Stark qui n'est pas Iron Man mais... Ant-Man, sur une Terre parallèle post-apocalyptique. Pourquoi pas ? Mais surtout : pourquoi ? Aaron se montre absolument incapable de justifier autrement que par un simple swipe le fait que Stark soit devenu Ant-Man dans ce monde. Bref, c'est un gadget narratif qui montre tout de suite sa vacuité.
Et si on juge les Maîtres du Mal du multivers, c'est la même chose. Ils sont brièvement apparus à la fin du tome précédent et la plupart sont des amalgames de plusieurs vilains, comme Crâne Rouge mélangé avec Venom ou Killmonger avec le Destructeur ou le Bouffon Vert avec Ghost Rider. Les autres sont encore plus pitoyables comme le Berserker qui est un énième avatar de Wolverine.
Bref, le bilan n'est pas fameux de ce côté-là. Aaron sombre dans un gros délire lourdingue, comme il lui est déjà arrivé d'y succomber et perd de vue, dans ce défilé de vilains ou de héros alternatifs, à la fois les Avengers et Méphisto. D'ailleurs, ce dernier en recrutant les Maîtres du Mal semble incapable d'accomplir son plan seul alors que le scénariste montre par ailleurs qu'il dispose d'une armée de ses propres variants bien suffisante pour le mener à bien !
L'arc issu de la série Avengers est une suite d'épisodes franchement décevante et honteusement décompressée. Certes ça ne manque pas d'action et côté baston, on est copieusement servi, avec les héros bien malmenés. Mais tout ça n'aura jamais dû prendre quatre épisodes - la moitié aurait amplement suffi.
Le seul rebondissement à retenir de cet arc revient à Starbrand dont on saisit que, plus elle déploie de puissance, plus elle perd d'espérance de vie : la fillette qui a hérité de cette immense pouvoir cosmique devient ainsi une jeune femme et on devine que ça ne va pas s'arrêter là.
En définitive, ce qu'il y a de meilleur dans ce tome tient dans les épisodes 55 et 56 d'Avengers. D'abord, Jason Aaron doit laisser filer Black Panther, qui dans sa propre série est face à des problèmes incompatibles avec sa position de leader des Avengers. On aurait aimé que Aaron contextualise un peu plus tout ça pour ceux qui ne lisaient pas la série Black Panther en question, mais il n'a pas assez de pages pour ça.
Toutefois est-il que T'challa doit trouver non pas un remplaçant mais une recrue capable de pallier son absence en tant que stratège pour l'équipe. Et il fait le choix surprenant de s'adresser à Nightawk de l'Escadron Suprême d'Amérique, qui s'est dissous. Cela s'est produit à l'issue de l'event Heroes Reborn (2021) où Méphisto trafiquait la réalité en rendant amnésiques les Avengers et en faisant de l'Escadron la seule équipe super-héroïque existante. Seul Blade se souvenait de la vérité et finissait par mettre fin à cette machination (ce qui sera repris dans The Avengers de Jed MacKay).
A la suite de Heroes Reborn donc, Hyperion disparaît, totalement désorienté, Princess Power et Blur tuent Dr. Spectrum, et Nighthawk entame une carrière de justicier solitaire. Il accepte, d'abord avec réticence, l'offre de Black Panther et les Avengers entament leur mue en intégrant à leur composition Valkyrie (Jane Foster), Starbrand, mais aussi Namor (qui souhaite se racheter). Thor, Iron Man, Captain Marvel, Captain America, Echo/Phénix et Blade complètent le casting, avec un leadership tournant.
Puis l'épisode 56 prouve que, dans tout ce bordel, Aaron est encore capable de produire un numéro d'excellence. Jane Foster est confrontée à ses démons, en l'occurrence la tentation de redevenir la puissante Thor, comme elle le fut quand Thor Odinson fut indigne de soulever Mjolnir. Le résultat est vraiment très bon mais ne sera malheureusement pas plus exploité ensuite (et pourtant avoir fait de Jane Foster la déesse du tonnerre restera une des meilleures idées de Aaron, son personnage étant finalement plus subtil, intéressant que celui d'Odinson).
Le n° Avengers 1,000,000 BC revient, quant à lui, sur l'identité de la vraie mère biologique de Thor Odinson justement. Aaron, ayant sûrement senti que son idée d'en faire le fils d'Odin et de Phénix n'était pas ni des plus inspirées ni des plus populaires, effectue un rétropédalage assez énorme. On peut lui en savoir gré tout en déplorant qu'il ait eu tout simplement cette idée saugrenue au départ.
Visuellement, ce tome est une vraie auberge espagnole. Iban Coello signe les pages du FCBD sans briller mais avec application. Puis Juan Frigeri, un des "stormbreakers" de Marvel (entendez : un jeune artiste sur lequel mise l'éditeur), prend le relais sur les épisodes 51 à 54 : perso, je trouve cet artiste très surcoté, techniquement très moyen, mais Marvel lui file du boulot alors que d'autres, plus capables, doivent se contenter de bien moins.
Javier Garron revient pour les épisodes 55 et 56 et là, on mesure l'écart immense qui le sépare de confrères moyens comme Coello et Frigeri : il nous régale avec des planches généreuses, dynamiques, avec un niveau de détails ahurissant mais toujours d'une lisibilité parfaite. Il ne boxe tout bonnement pas dans la même catégorie.
Kev Walker s'occupe de l'épisode avec les Vengeurs préhistoriques : c'est un dessinateur qu'il m'a fallu du temps pour apprécier mais aujourd'hui j'aime son côté un peu rustre, brut, qui tranche beaucoup avec le reste, mais qui est parfait ici.
Avengers Forever a quand même droit à trois artistes en cinq numéros. Mais qui peut s'en étonner quand Aaron Kuder est désigné pour lancer la série ? Il réalise seul le premier épisode mais dès le deuxième (!) il doit déjà être aidé par Carlos Magno. La qualité est là, ce n'est pas le souci, mais tout de même, Kuder a un gros problème de ponctualité et je reste interloqué que Marvel continue de compter sur lui pour tenir un rythme mensuel.
Jim Towe se charge des épisodes 4 et 5 dans un style plus lisse, un peu trop sans doute pour assumer l'aspect épique que Aaron souhaitait donner à ce titre.
Si on résume vite fait, ce tome 9 n'est guère engageant pour la suite et fin du run. Toutefois, Aaron a souvent prouvé qu'il avait de la ressource et tout son run, quoique très inégal sur Avengers, atteste de son imagination fertile, de son ambition pour livrer une saga popcorn, un peu grotesque parfois mais jamais à court de souffle. A vérifier donc.
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