dimanche 1 décembre 2024

THE TIN CAN SOCIETY #3 (of 9) (Peter Warren / Francesco Mobili)


Cinq ans auparavant. Keisa et Johnny deviennent amants mais gardent leur liaison secrète auprès de leurs amis. Elle photographie Caliburn en action puis attend le retour de Johnny le soir après ses patrouilles... Aujourd'hui, après avoir surpris Adam et Val dans un des entrepôts de la compagnie de Johnny, une dispute éclate, chacun s'accusant de la mort de leur ami...


The Tin Can Society continue d'impressionner. On en est au tiers de l'histoire mais on sent que Peter Warren en a gardé sous le pied et va continuer à creuser aussi bien le mystère entourant l'assassinat de Johnny Moore/Caliburn que les relations au sein de son groupe d'amis d'enfance. Lequel n'a plus de groupe que le nom...


La narration va et vient entre des événements situés cinq ans dans le passé et le présent. Autrefois, Kasia et Johnny sont devenus amants mais sans que Val, Adam ou Greg ne soient au courant. Johnny a aussi permis à Kasia de bien gagner sa vie en ayant l'exclusivité des photos de Caliburn en action. Une sorte de routine s'est installée dans leur couple où la jeune femme attendait son amant quand il était en patrouille.


La fin de l'épisode, que je ne vais pas spoiler (même si je pense que ce sera inévitable au prochain numéro, soyez prévenus), révèle que Johnny a commis une lourde faute, qui explique peut-être qu'on l'ait tué. Mais surtout le scénario insiste sur le caractère passionné de la relation entre Johnny et Kasia qui a su accompagner son amant handicapé, craignant de ne pouvoir la satisfaire.


Sur ce dernier point, les comics indépendants peuvent aller plus loin que ceux publiés par Marvel et DC dans la mesure il est implicite qu'ils s'adressent le plus souvent à un public adulte et donc que leur contenu peut être plus direct.

Ce qui signifie ici que la représentation du handicap et de la vie sexuelle de Johnny Moore est montrée sans fard, sans fausse pudeur. Les muscles atrophiés de ses jambes sont dessinés sans chercher à les camoufler et les étreintes torrides entre lui et Kasia sont aussi plus que suggérées (comme en témoignent les pages qui illustrent cette critique).

Il ne s'agit pas ici de choquer, de provoquer facilement (comme on peut parfois en avoir l'impression avec certains auteurs). Francesco Mobili cadre ça élégamment mais sans se cacher derrière son petit doigt et il faut aussi saluer le héros un peu négligé de cette histoire en la personne du coloriste Chris Chuckry qui fait vraiment un boulot admirable, avec une palette très nuancée, qui respecte le trait de Mobili et créé des ambiances magnifiques.

Puis il y a ce qui passe au présent : tout l'action se tient à l'intérieur d'un entrepôt où, à la fin du précédent numéro, Kasia et Val ont surpris Greg et Adam en train de bricoler une des armures de Johnny. Un malentendu comme on l'apprend après une première foire d'empoigne avec Val qui se moquent de leur projet de traquer l'assassin et de venger Johnny.

Peter Warren dialogue des échanges très tendus où on comprend surtout que les amis d'enfance ne se portent plus dans leurs coeurs. La position de Val, devenu le sidekick de Caliburn, a attisé des jalousies jamais digérées. Et Val est un sale con, qui ne s'excuse pas de son attitude arrogante, méprisante : il a été le second de Johnny sur le terrain non pas parce qu'il était un génie comme lui mais parce qu'il était le meilleur pour ce job.

Mais cette façon de voir les choses en fait aussi un suspect aux yeux des autres : n'en a-t-il pas eu assez d'être dans l'ombre de Caliburn au point d'éliminer Johnny pour le remplacer dans ce rôle ? En fait, le scénariste interroge non pas la notion d'héroïsme ou de compétence, mais celle d'opportunité. Kasia a été là pour Johnny comme Val a été là pour Caliburn, excluant de facto Adam et Greg, qui en ont conçu une légitime frustration.

Cette réflexion, on pourrait la questionner pour des super-héros de DC ou Marvel qui ont rempli le rôle du partenaire, mais c'est rarement le cas, comme s'il était naturel, indiscutable que Bucky Barnes ou Sam Wilson soient à côté de Steve Rogers et non Captain America ou que Dick Grayson ne soit jamais Batman. Pourtant, on sait que quand le sidekick remplace, temporairement, le héros dans son costume, ça fonctionne parfois mieux, commercialement et narrativement. Mais l'aspect provisoire de ce remplacement empêche de creuser ce que cela suppose de frustration, de jalousie.

Ici, parce que l'histoire ne se déroule pas avec le poids d'une continuité que rien ne peut défaire durablement, on peut se demander réellement ce qu'un génie héroïque comme Johnny Moore a pu susciter comme sentiments chez ses amis. Kasia était amoureuse de lui, mais Val, Greg et Adam, que leur restait-il ?

Encore une fois, sur cette séquence, Mobili, avec Chuckry, est extraordinaire. L'intensité qui traverse ces pages est palpable, l'expressivité des personnages, la justesse des compositions et de la valeur de chaque plan permet d'apprécier complètement l'expérience d'une engueulade alimentée par des émotions refoulées qui, soudain, explosent.

The Tin Can Society est vraiment une série exceptionnelle qui élève le niveau et devrait, dans le meilleur des mondes, inspirer d'autres auteurs à aller plus loin.

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