samedi 7 décembre 2024

THE MAGIC ORDER 5 #3 (of 6) (Mark Millar / Matteo Buffagni)


Cordelia Moonstone sait que ses jours sont comptés et que plusieurs sorciers cherchent à l'atteindre. L'un d'eux est Samuel Mutt, chef de la Confrérie de la Cloche, une organisation pourtant disparue. Mais, effectivement, il ne tarde pas à l'attaquer et Clyde Bailey doit intervenir pour sauver Cordelia. Qui sait pourtant qu'une autre tueuse, encore plus redoutable, est à ses trousses...


Nous voilà arrivés au milieu du dernier volume que comptera la série The Magic Order, et si ça n'était pas encore assez clair, Mark Millar le souligne via son héroïne, Cordelia Moonstone, qui déclare n'avoir plus que trois jours à vivre. L'épisode dure d'ailleurs une journée et on peut donc s'attendre à ce que les trois prochains respectent cette temporalité.


Le pari avec un procédé narratif tel que celui-ci, c'est de maintenir l'intérêt du lecteur, qui sait que l'issue doit être fatale au personnage principal. Dans ces conditions, la question qui se pose est la suivante : comment générer encore du suspense en sachant ce qui attend Cordelia Moonstone ? Sauf si Millar décide in fine de ne pas la tuer, mais alors il nous aurait menés en bateau...
  

Et peut-être est-ce là l'effet le plus retors, le plus vicieux de ce volume ultime de The Magic Order :le suspense ne résiderait pas tant dans la mort de Cordelia Moonstone que dans la probabilité que Millar ne la tue pas. Autrement dit le scénariste renverse son propre dispositif et nous ne savons plus à quel saint nous vouer. 


Ce qui est certain en revanche, c'est que Millar lâche les chiens. Des sorciers sont affairés à en finir avec Cordelia. Et celle-ci, en fin de compte, l'accepte avec une certaine philosophie parce qu'elle sait pourquoi elle est arrivée là : à la fin du volume 1, elle a usé d'un sort pour sauver sa famille et ses amis qui la condamne, elle, à payer de sa vie cette invocation.

Alors, certes, on assiste dans cet épisode au lot de scènes spectaculaires et particulièrement inventives de la part de Millar, qui n'a jamais été si imaginatif qu'ici, pour créer des manifestations occultes surprenantes. De Samuel Mutt qui transforme en créatures hybrides mi-homme, mi-chien (!) ceux qu'ils possèdent pour exécuter sa sale besogne, au bûcher auquel se voit attachée Cordelia ou à la baguette magique de Clyde Bailey qui est en fait un serpent, c'est très inspiré.

Mais, au-delà de ça, Millar sait se montrer plus sobre et troublant qu'à l'ordinaire en mettant en scène un personnage face à sa propre mort inéluctable. Cordelia Moonstone a toujours été un personnage à part dans le Millarworld, qui a su évoluer au fil des volumes de la série pour atteindre une forme de maturité, qu'on pensait ne jamais voir chez le scénariste. Il ne s'agit pas ici de prétendre qu'il s'est assagi, mais disons qu'il se fait moins provocateur.

Il est aussi indéniable que Millar tient à finir cette saga en beauté, là où son autre opus majeur, Jupiter's Legacy, aura connu une issue laborieuse, plombée par l'absence de Frank Quitely au dessin, des retards dommageables, des changements d'artistes. Pour The Magic Order, à part Dike Ruan en dessous des autres, on a toujours eu droit à du très haut niveau.

Et le travail de Matteo Buffagni prouve une fois de plus quel immense artiste il est, tenant plus que la comparaison avec Coipel, Immonen, et Cavenago. La force de Buffagni est proche de celle d'Immonen, ce qui n'est pas rien : c'est un narrateur qui a à coeur d'éprouver le script, de relever le challenge visuel qu'il propose.

Contrairement à Coipel et Ruan, il est constant dans l'effort. Et par rapport à Cavenago, il est aussi plus sobre. Mais il compense ce léger déficit de flamboyance par des designs et des compositions accrocheurs, un découpage dynamique, avec des angles de vue toujours impeccablement traités. Buffagni a ce côté solide et en même temps puissant qui lui permet de créer des plans mémorables mais techniquement irréprochables, mis en valeur par les couleurs de Giovanna Niro.

Tout ça contribue à faire de The Magic Order et ce cinquième volume une grande réussite, sans doute la plus accomplie de son scénariste en indépendant.

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