Que s'est-il passé il y a cinq ans quand Johnny Moore dans son armure de Caliburn est rentré auprès de Kasia, maculé de sang ? La réponse est détenue par Adam, un de ses amis, qui, après un début de carrière prometteur comme footballeur à l'université, a vu sa carrière stoppée net par une blessure...
Peter Warren, le scénariste de The Tin Can Society, avait prévenu : cet épisode serait "wild". Il n'a pas menti. Le lecteur, à la dernière page, est une nouvelle fois complètement bouleversé par ce qu'il vient d'apprendre. L'intrigue multiplie les surprises et creuse plus profond ses protagonistes, leurs relations, leurs secrets.
Ne pas se reposer sur ses acquis, voilà bien le mérite de The Tin Can Society qui aurait pu développer sagement son postulat (l'assassinat d'un magnat de la tech qui était aussi un super-héros en armure) mais ne s'en est pas contenté, conscient que justement ce n'était qu'un début et que les personnages gravitant autour de son héros mort réservaient bien des rebondissements.
Jusqu'à présent, Warren entraîne à chaque épisode le lecteur dans l'exploration d'un des membres de cette société de la boîte de conserve pour les cerner, lui et Johnny Moore. Le procédé est habile même s'il est mécanique, mais c'est l'écriture, subtile, sensible, puissante, qui touche par son acuité, sa précision, son intensité.
Dans ce quatrième épisode, on revient en détail sur ce que la fin du précédent numéro révélait à sa toute dernière page, quand, une nuit, Johnny Moore/Caliburn rejoignit Kasia, son armure maculée de sang, avouant qu'il avait merdé. Je ne veux pas spoiler ce qui s'est passé, aussi m'excuserez-vous de rester vague, mais c'est pour votre bien, quand vous aurez l'occasion de lire à votre tour cette histoire, quand elle sera disponible en trade paperpack en vo ou dans un album en vf.
Ce qui m'a saisi ici, c'est que Warren avait présenté Johnny Moore comme un authentique type bien : inventeur de génie qui avait su compenser son handicap, devenir un super-héros, l'idole de beaucoup de gens... Mais le scénariste a visiblement ressenti la nécessité de nuancer un peu ce portrait flatteur en exposant la face sombre de Caliburn.
Cela ne signifie pas qu'il en fait un sale type, trop bon pour être honnête, mais surtout qu'il révèle une erreur tragique, une lâcheté passée, qui aura impacté, sans qu'il le sache, un de ses plus proches amis. Cet ami, c'est Adam : aujourd'hui, c'est un homme brisé, qui a dû renoncer à tout ce dont il rêvait plus jeune, quand il était promis à un grande carrière de footballeur, interrompue par une blessure.
Se remet-on jamais de voir son grand espoir partir en fumée ? Surtout quand on découvre ensuite que son meilleur ami refuse de faire de vous son partenaire, un héros ? Le drame de Adam, c'est qu'il a toujours, même quand il a tout perdu, nettoyé la merde de Johnny Moore, sans rien demander en retour, et que, surtout, Johnny a ignoré ce qu'il avait fait pour lui.
Une nouvelle fois, la fin de l'épisode remet tout en jeu quand la veuve de Johnny décide d'un mouvement qui aura des conséquences importantes et qu'on découvre qui a volé l'armure de Caliburn, et donc qui a tué Johnny... Quel grand huit !
Une nouvelle fois aussi, on est ébloui par les planches de Francesco Mobili qui est vraiment un immense dessinateur et qui a eu bien raison d'arrêter de jouer les utilités chez Marvel (même s'il continue de signer des couvertures pour l'éditeur - il a raison, c'est très bien payé, parfois mieux que les pages intérieures). Là, il est inspiré par un scénario en or et pour lequel il donne tout.
Complet dans tous les registres, il s'illustre particulièrement ici dans le domaine de l'expressivité. Adam est un personnage qui s'y prête, son visage exprimant une foule d'émotions refoulées qu'il ne peut plus contenir en avouant ce qu'il a fait à Val, Greg et Kasia. Mobili réussit aussi, de façon très fine, à montrer la déchéance de Adam, jeune homme plein de santé et désormais adulte en surpoids, le crâne dégarni, la mine déconfite.
Les couleurs de Chris Chuckry sont encore phénoménales et se marient impeccablement au trait de Mobili. Il y a une vraie harmonie entre le dessin et la colorisation, que je trouve exemplaire par rapport à beaucoup de comics où les coloristes en font parfois trop (notamment quand il s'agit carrément d'effacer les traces d'encrage).
The Tin Can Society est d'ores et déjà une des très grandes séries de l'année et de 2025, une oeuvre rare et mémorable, écrite et mise en images avec génie - et je pèse mes mots.
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