Je ne dis pas que la fin de Moore est parfaite, ce n'est, à mes yeux, pas le meilleur dénouement d'une de ses mini-séries que je préfère et que je trouve le plus abouti parce que le plan d'Ozymandias, comme le suggère Manhattan avant de s'éclipser définitivement, n'est qu'une solution temporaire aux problèmes du monde.
Mais, replacé dans l'oeuvre de Moore et ses opus majeurs, cette fin ressemble à son auteur : Moore, qui a beaucoup souffert d'être assimilé après Watchmen à toute la mode des comics grim'n'gritty, et a ensuite conçu d'autres projets en réaction (dont Tom Strong serait sans doute l'apogée), était un enfant de l'après-guerre (il est né en 1953), nourri aux comics horrifiques d'EC Comics (comme en témoigne l'histoire parallèle de Tales of the Black Freighter, sur un pirate rescapé qui devient fou). Le monstre grotesque que téléporte Adrian Veidt en plein New York pour faire croire à une invasion extraterrestre et obliger les grandes puissances à faire cesser l'escalade nucléaire est un reliquat de ces lectures d'adolescent.
Tout ce qui précède est autrement plus extraordinaire et la fascination de voir l'intrigue se déployer reste intacte après tout ce temps. Je doute qu'elle cesse jamais de m'émerveiller et qu'elle puisse ne pas époustoufler les lecteurs futurs de Watchmen. La richesse des personnages, la complexité du récit, la fluidité de la narration, tout cela, Straczynski, l'a bien compris, est intouchable.
Cela dit, comme toute adaptation digne de ce nom, le scénariste a procédé à quelques coupes ici : elles concernent avant tout la relation des origines. Si celle de Rorschach n'en souffre pas, en revanche la manière dont Laurie découvre que le Comédien est son père biologique m'a paru un peu trop expéditive. JMS a sabré des passages entiers du trip martien avec Laurie et Manhattan où celui détaillait la géographie de la planète, ce qui n'a rien de choquant. Par contre, l'échange des deux personnages qui conduisait à la vérité sur le père de Laurie était plus subtil, plus long aussi, on saisissait en même temps que la jeune femme d'où elle venait et on ressentait son choc émotionnel, davantage qu'ici.
Mais ce n'est rien par rapport à la façon dont ont été rétrécies les origines d'Ozymandias, avec tout le délire de Veidt sur Alexandre le grand et son épiphanie. JMS n'en a pratiquement rien gardé et c'est dommage car là encore, c'était utile pour capter la mégalomanie de Veidt et comprendre pourquoi Manhattan à la toute fin lui affirmait que, non, son plan n'avait rien de génial sur le long terme, que "rien ne finit jamais".
Ces réserves mises à part (et je conviens que ce sont des pilules un peu grosses à avaler, mais bon, le film dure moins de 90' et sans doute a-t-il fallu trancher dans le vif pour que le timing soit respecté), l'ensemble reste quand même de très belle facture. Visuellement, l'animation est superbe, à la fois très proche du trait de Gibbons tout en ne cherchant pas à le singer. Montrer davantage les conséquences de la téléportation du monstre dans New York s'avère un choix payant pour mieux appréhender sa terrible efficacité.
Par ailleurs, Brandon Vietti n'a pas hésité à montrer les scènes d'amour entre Dan et Laurie, sans être racoleur, mais suffisamment explicite. La façon dont Laurie est dessinée la rend aussi plus désirable, sans être vulgaire (mais il faut bien dire que Gibbons ne sait pas dessiner les femmes sexy), et on comprend donc facilement l'attirance irrésistible qu'a Dan pour elle (et n'oublions pas que Moore s'était inspirée pour le Spectre Soyeux d'héroïnes pulpeuses comme Black Canary ou Phantom Lady).
Le casting vocal est impeccable : Matthew Rhys (Dan Dreiberg/le Hibou), Titus Welliver (Walter Kovacs/Rorschach), Katee Sackhoff (Laurie Juspeczick/le Spectre Soyeux II), Troy Baker (Adrian Veidt/Ozymandias), Michael Cerviris (Dr. Manhattan) et Rick Wasserman (Eddie Blake/le Comédien) donnent vie à ces héros uniques dans leur genre de manière fabuleuse.
Après ça, j'espère juste une chose : que le département animation de DC n'adapte jamais l'infâme Doomsday Clock, de Geoff Johns et Gary Frank, qui prétendait être la suite officielle du chef d'oeuvre de Moore et Gibbons et qui n'est qu'une sombre m.... Mais je fais confiance à James Gunn pour ne pas commettre cet impair.
Bonjour RDB,
RépondreSupprimerJe ne sais plus si tu avais parlé des autres adaptations de Watchmen. Pour moi, la mini-série Doomsday Clock est un beau ratage (en particulier boursouflé par de trop grandes références à l'univers DC classique). La mini-série Rorschach de Tom King est une suite qui donne une vie fictive à Steve Ditko qui m'a dérangé, mais le côté polar est très bon. La meilleure suite semble être la mini série télévisée Watchmen (avec Don Johnson) de Damon Lindelof, même si je trouve que cette version du Juge Masqué manque de muscles. Mais Watchmen n'a besoin ni de suite, ni de préquelle, sauf celles que le lecteur imagine.
Nicolas