mardi 3 décembre 2024

WATCHMEN : CHAPTER 2 (Brandon Vietti, 2024)


1985. Le Dr. Manhattan a quitté la Terre pour s'établir sur Mars, laissant les Etats-Unis démunis et l'Union Soviétique libre d'envahir l'Afghanistan. La troisième guerre mondiale est proche. Walter Kovacs, le vigilant connu sous le pseudonyme de Rorschach, a été piégé, arrêté et incarcéré dans une prison où il a envoyé nombre de malfrats prêts à se venger. Un psychiatre tente de l'analyser en vue de son procès et découvre ses atroces origines.


Dan Dreiberg, l'ex-Hibou, héberge Laurie Juspeczick, qu'il a connue jadis comme le Spectre Soyeux II, et que l'armée a renvoyé depuis le départ de Dr. Manhattan dont elle était la compagne. Dreiberg a réfléchi à la thèse de Rorschach sur un tueur de justiciers et après la tentative d'attentat contre Adrian Veidt, ancienne connu sous le nom d'Ozymandias, il se demande si son ancien acolyte n'avait pas raison. Il entame une liaison avec Laurie tout en cauchemardant sur l'apocalypse nucléaire.


Dan convainc Laurie d'aller sauver Rorschach dans la prison où il est détenu et où a débuté une émeute. Leur mission accomplie, Dr. Manhattan surgit dans le vaisseau du Hibou et emmène Laurie sur Mars pour qu'elle le convainque de sauver la Terre. Rorschach et le Hibou vont demander de l'aide à Veidt mais découvre que tous les événements récents concernant leur groupe de héros masqués, depuis l'assassinat du Comédien, sont liés à lui...


En Août dernier, Watchmen : Chapter 1 s'achevait sur l'arrestation de Rorschach, ce qui correspondait à la fin du sixième épisode de la mini-série écrite par Alan Moore et dessinée par Dave Gibbons. L'adaptation signée J. Michael Straczynski au scénario et Brandon Vietti à la réalisation se distinguait par sa fidélité absolue à l'oeuvre en comics et le soin apporté à l'animation.


Restait donc à découvrir si la suite et fin serait de la même qualité. Ne faisons pas durer le suspense : la réponse est affirmative. C'est encore une fois une totale réussite, menée de main de maître. Pour tous ceux qui ont lu la bande dessinée de 1986 (y en a-t-il encore qui ne l'ont pas fait ?), c'est évidemment sans surprise quant au contenu, mais l'histoire reste toujours aussi prenante, intense, originale.


Dans ce second acte, le récit voit les Gardiens se réunir au fur et à mesure que la machination ourdie par Ozymandias leur est révélés. On sait que Len Wein, qui fut le premier editor de Watchmen, n'aimait pas le dénouement imaginé par Moore qu'il jugeait trop proche d'un épisode d'une série télé fantastique anthologique, mais Straczynski n'est pas revenu dessus.


Moore se défendit d'ailleurs d'avoir copié qui que ce soit puisqu'il n'avait pas vu l'épisode que lui cita Wein et donc son final ne pouvait l'avoir influencé. C'est imparable. Dans le film que Zack Snyder  a tiré des comics, le cinéaste imaginait une autre issue qui est certainement sa meilleure contribution. 

Avant lui, quand Terry Gilliam fut attaché au projet d'un long métrage sur Watchmen, l'ex-Monty Python était allé encore plus loin en inventant une conclusion méta-textuelle où Dr. Manhattan sauvait ses anciens comparses en les téléportant dans notre monde où ils découvraient qu'ils étaient les héros d'un comic-book !  

Je ne dis pas que la fin de Moore est parfaite, ce n'est, à mes yeux, pas le meilleur dénouement d'une de ses mini-séries que je préfère et que je trouve le plus abouti parce que le plan d'Ozymandias, comme le suggère Manhattan avant de s'éclipser définitivement, n'est qu'une solution temporaire aux problèmes du monde.

Mais, replacé dans l'oeuvre de Moore et ses opus majeurs, cette fin ressemble à son auteur : Moore, qui a beaucoup souffert d'être assimilé après Watchmen à toute la mode des comics grim'n'gritty, et a ensuite conçu d'autres projets en réaction (dont Tom Strong serait sans doute l'apogée), était un enfant de l'après-guerre (il est né en 1953), nourri aux comics horrifiques d'EC Comics (comme en témoigne l'histoire parallèle de Tales of the Black Freighter, sur un pirate rescapé qui devient fou). Le monstre grotesque que téléporte Adrian Veidt en plein New York pour faire croire à une invasion extraterrestre et obliger les grandes puissances à faire cesser l'escalade nucléaire est un reliquat de ces lectures d'adolescent.

Tout ce qui précède est autrement plus extraordinaire et la fascination de voir l'intrigue se déployer reste intacte après tout ce temps. Je doute qu'elle cesse jamais de m'émerveiller et qu'elle puisse ne pas époustoufler les lecteurs futurs de Watchmen. La richesse des personnages, la complexité du récit, la fluidité de la narration, tout cela, Straczynski, l'a bien compris, est intouchable.

Cela dit, comme toute adaptation digne de ce nom, le scénariste a procédé à quelques coupes ici : elles concernent avant tout la relation des origines. Si celle de Rorschach n'en souffre pas, en revanche la manière dont Laurie découvre que le Comédien est son père biologique m'a paru un peu trop expéditive. JMS a sabré des passages entiers du trip martien avec Laurie et Manhattan où celui détaillait la géographie de la planète, ce qui n'a rien de choquant. Par contre, l'échange des deux personnages qui conduisait à la vérité sur le père de Laurie était plus subtil, plus long aussi, on saisissait en même temps que la jeune femme d'où elle venait et on ressentait son choc émotionnel, davantage qu'ici.

Mais ce n'est rien par rapport à la façon dont ont été rétrécies les origines d'Ozymandias, avec tout le délire de Veidt sur Alexandre le grand et son épiphanie. JMS n'en a pratiquement rien gardé et c'est dommage car là encore, c'était utile pour capter la mégalomanie de Veidt et comprendre pourquoi Manhattan à la toute fin lui affirmait que, non, son plan n'avait rien de génial sur le long terme, que "rien ne finit jamais".

Ces réserves mises à part (et je conviens que ce sont des pilules un peu grosses à avaler, mais bon, le film dure moins de 90' et sans doute a-t-il fallu trancher dans le vif pour que le timing soit respecté), l'ensemble reste quand même de très belle facture. Visuellement, l'animation est superbe, à la fois très proche du trait de Gibbons tout en ne cherchant pas à le singer. Montrer davantage les conséquences de la téléportation du monstre dans New York s'avère un choix payant pour mieux appréhender sa terrible efficacité.

Par ailleurs, Brandon Vietti n'a pas hésité à montrer les scènes d'amour entre Dan et Laurie, sans être racoleur, mais suffisamment explicite. La façon dont Laurie est dessinée la rend aussi plus désirable, sans être vulgaire (mais il faut bien dire que Gibbons ne sait pas dessiner les femmes sexy), et on comprend donc facilement l'attirance irrésistible qu'a Dan pour elle (et n'oublions pas que Moore s'était inspirée pour le Spectre Soyeux d'héroïnes pulpeuses comme Black Canary ou Phantom Lady). 

Le casting vocal est impeccable : Matthew Rhys (Dan Dreiberg/le Hibou), Titus Welliver (Walter Kovacs/Rorschach), Katee Sackhoff (Laurie Juspeczick/le Spectre Soyeux II), Troy Baker (Adrian Veidt/Ozymandias), Michael Cerviris (Dr. Manhattan) et Rick Wasserman (Eddie Blake/le Comédien) donnent vie à ces héros uniques dans leur genre de manière fabuleuse.

Après ça, j'espère juste une chose : que le département animation de DC n'adapte jamais l'infâme Doomsday Clock, de Geoff Johns et Gary Frank, qui prétendait être la suite officielle du chef d'oeuvre de Moore et Gibbons et qui n'est qu'une sombre m.... Mais je fais confiance à James Gunn pour ne pas commettre cet impair.

1 commentaire:

  1. Bonjour RDB,
    Je ne sais plus si tu avais parlé des autres adaptations de Watchmen. Pour moi, la mini-série Doomsday Clock est un beau ratage (en particulier boursouflé par de trop grandes références à l'univers DC classique). La mini-série Rorschach de Tom King est une suite qui donne une vie fictive à Steve Ditko qui m'a dérangé, mais le côté polar est très bon. La meilleure suite semble être la mini série télévisée Watchmen (avec Don Johnson) de Damon Lindelof, même si je trouve que cette version du Juge Masqué manque de muscles. Mais Watchmen n'a besoin ni de suite, ni de préquelle, sauf celles que le lecteur imagine.
    Nicolas

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