AVENGERS : RASSEMBLEMENT
(Avengers Assemble Alpha #1 + Avengers #63-66
+ Avengers Forever #12-15 + Avengers Assemble Omega #1)
Alors qu'enfin les Avengers d'aujourd'hui et ceux de la préhistoire se rencontrent, non sans que les seconds prennent les premiers pour des adversaires, le Premier Avenger sort de sa tour à la fin de l'infini et croise la route de Méphisto. Le diable a rejoint ses Maîtres du Mal multiversels pour prendre la tour du Premier Avenger. Mais c'est sans compter sur l'arrivée de l'Omni-Rider...
Les deux équipes d'Avengers affrontent les Maîtres du Mal mulitversels. La première hôtesse de la force Phénix entend le tonnerre de la bataille et vole à la rescousse des champions qu'elle a jadis abandonnés. Méphisto lâche sa horde de variants à laquelle les Avengers du multivers font barrage pour protéger la tour du Premier Avenger...
Cependant, le Fatalis suprême entend profiter du chaos pour prendre le contrôle de la situation et doubler Méphisto dont il a compris le plan suicidaire. Les trois petites-filles de Thor arrivent à leur tour sur le champ de bataille et éliminent une bonne partie de la horde des variants de Méphisto. Le Premier Avenger peut revenir en piste...
Les origines du Premier Avenger révèlent sa véritable identité : il est un Loki et après la mort de son demi-frère Thor, il a exploré le multivers pour le comprendre. Une constante lui est apparue : dans toutes les dimensions, à travers l'espace-temps, les Avengers se sont dressés contre Loki. Il a donc cherché à empêcher l'émergence des héros avant de comprendre que leur présence pourrait éviter la disparition du multivers...
Les Maîtres du Mal multiversels vaincus, ne reste que Méphisto pour éliminer tous les Avengers. Il tue ses variants pour absorber leur puissance et être en mesure de terrasser les Avengers, et le Premier d'entre eux. Ka-Zar arrive avec Galactus puis Gorilla Man avec le Céleste Mort qui est devenu un Deathlock...
A l'écart, Robbie Reyes/l'Omni-Rider et Brandy/Starbrand observent le théâtre de cet affrontement titanesque alors que la tour du Premier Avenger tombe, et que le Fatalis Suprême trahit Méphisto. Robbie et Brandy rejoints par la première hôtesse de la force Phénix se mêlent au combat en espérant la victoire des héros...
Ce onzième tome marque la fin du run de Jason Aaron sur la série Avengers (et son spin-off Avengers Forever) après cinq années aux commandes. 66 épisodes d'Avengers, 15 d'Avengers Forever, deux de Avengers Assemble (sans compter l'event Heroes Reborn et ses six numéros). L'heure est au bilan autant qu'à la critique.
Sur le plan de la critique de ce dernier tome, on peut dire qu'on en a pour son argent : en vérité, il s'agit d'un gros crossover en onze parties, s'étalant sur six mois de publication. Je me souviens à cette occasion d'une interview de Stuart Immonen quand il avait signé les dessins du premier arc de New Avengers (vol. 2), écrit par Brian Michael Bendis, dans laquelle il disait que désormais chaque histoire devait être l'équivalent d'une saga, avec des enjeux démesurés.
Ceci posé, il y a une sorte de course à l'échalote de la part de Marvel (comme de DC) pour que les séries mensuelles sur des équipes de héros rivalisent de grandiloquence avec les events, à tel point qu'on peut se demander si les events ne sont pas davantage devenus des ponctuations éditoriales que des évènements stricto sensu.
Car, quand on lit les ultimes épisodes de Jason Aaron, la logique qui l'emporte est bien celle d'une saga coïncidant avec la fin de son run sur la série. En comparaison, les events qui ont eu lieu durant ce run, dont Heroes Reborn qu'il a lui-même écrit, font presque pâle figure. Il y a dans ces derniers épisodes plus de grand spectacle, de personnages, que dans un event classique.
On peut s'interroger sur le fait que Aaron lui-même, qui a pourtant écrit son lot d'events (Avengers vs. X-Men, Original Sin, War of Realms, Heroes Reborn), ait intégré qu'il fallait mieux développer un récit d'envergure dans une série régulière au lieu de l'écrire en parallèle. Et parce que les rangs des Avengers sont plus garnis qu'ils ne l'ont jamais été, cela suffit à alimenter une intrigue pareille, même si n'y apparaissent pas les X-Men ou les Fantastic Four.
L'autre réflexion qui s'impose, c'est que l'aboutissement de ce genre de saga revient à une gigantesque bataille qu'il faut savoir faire vivre pendant plusieurs mois sans que le lecteur puisse souffler, quitte à en faire trop. Mais trop, est-ce jamais assez dans les comics de super-héros ? En tout cas, avec ce qu'a imaginé Aaron, on a atteint une sorte de point de rupture, un pic qu'il sera difficile d'égaler, un peu comme au cinéma avec Avengers : Endgame.
La baston entre Avengers actuels et préhistoriques, puis contre les Maîtres du Mal multiversels, puis contre Méphisto est grotesque à plus d'un titre tellement on est dans la surenchère permanente : Aaron convoque des héros et des méchants de toutes les époques, de tous les coins de l'univers, on a même Galactus et un Céleste devenu un Deathlock !
Mais si on se prend au jeu, alors c'est formidablement jouissif. Et pour cela, le scénariste a pu compter sur cinq dessinateurs motivés. Bryan Hitch ouvre le bal et bien qu'il soit délicat de remettre en cause ses efforts et sa compétence, on sent quand même que le britannique ne s'est pas franchement investi à 100% dans ses planches. Il redesigne incompréhensiblement des personnages, recycle des plans de ses Ultimates, l'encrage est souvent bâclé. Tout ça sent le travail de commande terminal d'un artiste lassé de ces fantaisies. Dommage.
Javier Garron se charge des trois épisodes d'Avengers et encore une fois, c'est complètement bluffant. Le jeune espagnol donne une leçon de storytelling avec des découpages toniques, des compositions détaillées à l'extrême et pourtant toujours lisibles. Il permet de ressentir la puissance, l'énergie du désespoir des personnages, il est à fond, tout le temps et son enthousiasme est irrésistible.
Aaron Kuder s'occupe des épisodes d'Avengers Forever, à l'exception du #14 dessiné par Jim Towe. Kuder s'est vraiment sorti les doigts si vous me permettez cette expression, après une prestation jusque-là très moyenne. Il ose des doubles pages éblouissantes, elles aussi très généreuses en détail, avec un découpage soigné. Towe, évidemment, a beaucoup de mal à s'imposer entre lui et Garron mais fait ce qu'il peut et c'est déjà honorable.
Pour Avengers Assemble Omega, Ivan Fiorelli a droit à quelques pages dont il s'acquitte avec une belle santé. Kuder, Towe et Garron se relaient et donnent tout ce qu'ils ont : étonnamment, alors qu'ils devaient quand même être bien rincés, ils ne montrent aucun signe de fatigue et s'assurent que ce final soit mémorable. Niveau graphique, donc, on est vraiment gâté.
Jason Aaron a eu des hauts et des bas sur Avengers. Néanmoins, il a eu un plan et s'y est tenu et, tout compte fait, l'ensemble s'avère très cohérent. Certes, il y a des idées assez discutables, comme ces Avengers préhistoriques, la romance entre Odin et le Phénix, le fait que le Phénix serait l'autre mère de Thor. On pense aussi à sa piteuse exploitation de l'Escadron Suprême ou de la Garde Hivernale, voire des Maîtres du Mal multiversels.
Mais, à côté de ça, l'auteur a donné une vraie dimension héroïque à Robbie Reyes, pourtant un Ghost Rider mal-aimé en comparaison avec Johnny Blaze ou Danny Ketch. Il a perpétué le Starbrand que Hickman avait remis au premier plan. Avec des Avengers qu'on lui a sûrement imposé, il a animé des arcs efficaces avant de pouvoir conduire ses héros favoris dans une dernière ligne droite inégale mais épique (en retirant Black Panther, en ajoutant Namor ou Nighthawk, en incluant Valkyrie ou Echo).
Sa grande idée, plus que de faire de Méphisto l'antagoniste de la série, aura été, comme Al Ewing, de mettre Loki au centre de la partie. Il justifie pleinement qu'il soit le Premier Avenger, de façon claire et nette. Tout comme Roger Stern et Kurt Busiek avait donné à Kang un rôle pivotal dans Avengers Forever, Aaron a su imposer Loki comme, non plus un méchant récurrent, mais un élément coagulant les parties de son projet.
Dernier mérite de Aaron, il a su tirer avantage des dessinateurs à sa disposition, même s'il a vraiment fallu attendre l'arrivée, tardive, de Javier Garron, pour qu'il s'appuie sur un artiste capable de soutenir ses scripts exigeants visuellement. Mais Marvel lui a donné à la fois des talents confirmés et des jeunes pousses, quand, actuellement, Jed MacKay doit se satisfaire de dessinateurs moins brillants.
Ce run est décrié, je le savais en le lisant, mais quand il est bon, il est très bon (et quand il ne l'est pas, il ne l'est pas du tout). Il faut donc y aller en sachant cela, mais comparé à ce que Avengers propose aujourd'hui, il est juste de dire qu'il est recommandable.
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