vendredi 4 juillet 2025

JSA #9 (Jeff Lemire / Diego Olortegui)


Scandal Savage rattrape Dr. Mid-Nite qui tire sur un brancard de fortune le corps sans connaissance d'Obsidian... Lequel a l'esprit coincé dans un labyrinthe en compagnie de Jakeem Thunder... Dr. Fate tente de remobiliser Yolanda Montez... Et Alan Scott commet une bourde énorme...


Cet épisode, disons-le, tout net, rassemble le meilleur et le pire du run de Jeff Lemire. Il est très efficace et maladroit à la fois. Il témoigne de choix narratifs audacieux et confus en même temps. Il prépare le dernier tiers de ce premier arc narratif (en douze épisodes, je le rappelle) et veut quand même ne pas y aller trop vite.


Entendons-nous bien : JSA selon Jeff Lemire est de loin le meilleur team book de DC sur le marché actuellement. Il est certes moins immédiatement accrocheur que Justice League Unlimited, mais avec un concept similaire (une équipe pléthorique et multi-générationnelle) il fait mieux le boulot, avec une histoire à la fois trouble (il y a des traîtres dans l'équipe) et limpide (on sait qui sont les méchants).
 

Surtout Lemire fait en sorte de consacrer du temps à tous ses personnages, et dieu sait qu'ils sont nombreux et divers, en leur donnant de vrais adversaires et donc une intrigue classique, là où Mark Waid n'a pas encore réussi à animer sa ligue des justiciers de manière décente avec une opposition digne de son nouveau statut.


Grâce à cela, chaque épisode est à la fois dense et punchy, avec un maximum de rebondissements, un dénouement incertain, un casting fédérateur et des vilains emblématiques. Mais l'ensemble est aussi parfois trop touffu, avec des péripéties expédiées et le sort de certains personnages laisse un goût amer. On a le sentiment que Lemire veut à la fois durer mais sans tarder non plus.

C'est particulièrement flagrant dans ce numéro où Obsidian est au coeur du réacteur. On le voit en pas moins de trois versions : il y a un Obsidian dans le coma que tire sur un brancard Dr. Mid-Nite, il y Obsidian piégé dans un labyrinthe avec Jakeem Thunder, et il y a Obsidian au Browstone de la JSA... Si vous lisez la série en vo, vous savez qui est qui, mais il n'empêche...

... Il n'empêche que, justement, on n'avait plus de nouvelles des deux premières versions d'Obsidian depuis le n°5, il y a quatre mois ! Et ça donne l'impression que Lemire l'avait oublié. Ou du moins qu'en voulant animer un casting aussi fourni, il n'avait pas la place pour le loger depuis quatre épisodes. C'est quand même un peu problématique.

Sur le fond, je ne reproche pas à Lemire d'avoir voulu écrire JSA avec le maximum de ses membres (et encore il y en a qu'il n'a pas inclus - et pas des moindres : Power Girl, Stargirl, Mr. Terrific...). C'est un effort louable. Mais aussi périlleux dans la mesure où si on veut donner du temps d'écran à tout ce monde, il arrive forcément un moment où certains doivent disparaître pendant 1, 2, voire 3 épisodes !

Et pendant ce temps le lecteur, s'il se soucie d'un personnage dans cette situation, hors champ, ne peut que se demander où il est passé et pourquoi le scénariste ne le montre plus (alors qu'il l'a laissé dans une situation délicate).

Bon, maintenant qu'on a dit ça, on doit aussi dire que Lemire commence à faire converger ses lignes narratives et donc plusieurs personnages (ou même groupes de personnages) dans la même direction. A la fin de cet épisode, on voit Alan Scott et sa fille Jade (enfin !) comprendre qu'il y a un traître dans l'équipe et il se démasque, sûr d'avoir déjà partie gagnée.

Il était temps parce que le lecteur, lui, savait quasiment depuis le début qu'il y avait un traître et qui c'était. Que des héros aussi expérimentés aient mis aussi longtemps à s'en préoccuper et deviner qui était-ce, ça laisse un chouia songeur... Mais bon, donc, là, ça bouge vraiment, de manière dramatique et claire, donc les prochains épisodes vont être mouvementés.

Encore une fois, je ne veux pas paraître paradoxal en disant, d'un côté, JSA est le meilleur team book, et de l'autre, c'est quand même brouillon. Lemire est parti plein de bonnes intentions, qu'il a accompli un fameux boulot, mais aussi quelques impairs, qu'il s'est peut-être un peu trop laissé griser par tous ces personnages, leurs interactions. Un peu de mesure aurait été bienvenu, surtout pour un relaunch.

De toute manière, je l'ai déjà expliqué, manoeuvrer un tel nombre de personnages laisse peut d'options : soit vous embrassez le nombre en sacrifiant la caractérisation au profit de l'intrigue, soit vous vous sélectionner certains personnages et construisez des épisodes done-in-one/two/three maximum en exploitant des talents propres à certains héros selon les récits. 

Mais raconter une seule histoire avec quinze ou vingt héros à la fois, je ne vois pas comment c'est possible décemment (à moins de le faire dans un event, avec les raccourcis que ça comporte). Là, dans cet épisode, Lemire zappe d'un lieu à un autre, avec à chaque fois un fil rouge (Obsidian donc), ça permet d'aller vite, d'avancer, mais ça montre aussi les limites du dispositif. C'est compliqué.

Il y a de chouettes moments, c'est indéniables : Beth Chappell devient vraiment cool face à Scandal Savage, le retour d'Yz (le génie de Jakeem Thunder). Et puis il y a des passages moins performants (le dialogue entre Khalid et Yolanda, la bourde grotesque d'Alan). C'est inégal et sans doute inévitable à ce stade (puisque, désormais, la priorité, c'est de conclure).

Pour les dessins, Diego Olortegui fait son retour. En fait, si on est honnête, on a souvent l'impression qu'Olortegui fait son retour. C'est un bon artiste et chaque fois qu'il officie, il rend une copie impeccable. Mais JSA a un problème de riche : ses fill-in artists sont également excellents, parfois aussi bons qu'Olortegui, seulement eux n'ont qu'un épisode pour le prouver.

En même temps, à part Dan Mora, je ne vois pas qui pourrait dessiner un tel comic book mensuel sans être remplacé ponctuellement. Olortegui a déjà du mérite d'avoir dessiné 6 des 9 épisodes. Le truc, c'est qu'il n'en a jamais dessiné plus de trois de suites (les #1-2-3 sont les seuls qu'il a enchaînés). Lui aussi est en quelque sorte une victime collatérale du casting pléthorique voulu par Lemire.

En vérité, JSA est une très bonne série (à nouveau). Mais si on doit la critiquer, il faut le faire avec honnêteté. Lemire est franchement très bien là-dessus, il aime ces personnages, cette série, son histoire ne manque pas d'ampleur. Un peu plus de souffle par contre. Et de concision (dans le choix de ses héros, dans le nombre d'épisodes pour une seule histoire). 

*

P.S. : il semble hélas ! plus que probable que Urban Comics ne proposera pas une vf de JSA. L'éditeur français privilégie ouvertement, si on en croit son planning, les titres Absolute (plus accessibles pour un néophyte), réduisant l'univers classique à Superman, Batman (Detective Comics) et Justice League Unlimited. Nul doute, qu'en temps voulu, Batman (par Matt Fraction et Jorge Jimenez) complètera la programme, mais JSA, Titans, Green Lantern, Birds of Prey et tant d'autres semblent condamnés à être lus en vo pour ceux qu'ils intéressent. Prenez, donc, vos dispositions.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire