Le 11 Septembre 2001, Davey Colton assiste aux attentats du World Trade Center et il n'a qu'une idée : faire payer ceux qui ont commis cette atrocité... Captain America, lui, a été repêché par les Avengers depuis une semaine et il décide de réintégrer l'armée où le général Thaddeus Ross a une mission pour lui, en Latvérie...
Ce n'est pas aisé d'être excité par un comic-book publié par Marvel en ce moment, mais s'il y avait bien une série que j'attendais avec impatience, c'est ce relaunch de Captain America. Il fait suite au court run écrit par J. Michael Straczynski, qui n'a convaincu personne, et vient après le piteux Captain America : Brave New World au cinéma (tentative ratée pour imposer Sam Wilson dans le rôle-titre).
Même si Ed Brubaker et Steve Epting restent les derniers à s'être imposés sur ce titre avec un run long et ambitieux qui a plu au plus grand nombre, depuis c'est comme si Captain America passait de main en main sans retrouver sa superbe des années 2000. Ni Rick Remender, ni Ta-Nehisi Coates, ni Jackson Lanzing & Collin Kelly n'ont su s'imposer avec autant de force.
Dans cette configuration Marvel n'avait que deux options : soit refiler le bébé à un énième scribe pour continuer la série au mépris des fans, soit le confier à un auteur qui avait vraiment quelque chose à dire avec ce personnage et qui dispose d'un bon crédit auprès du public et de la critique. C'est heureusement cette dernière direction qui a été retenue.
Chip Zdarsky, en plus d'être un type très drôle, est un auteur malin : il a grimpé les échelons patiemment jusqu'à se voir confier le job qui allait faire de lui un scénariste demandé partout, avec son run sur Daredevil. DC lui a donné Batman et a même insisté sur la fin pour qu'il reste au-delà de ce qu'il avait prévu (pour laisser du temps à Jeph Loeb et Jim Lee).
Entre temps, il a signé une mini-série dystopique, Avengers Twilight, où il imaginait une sorte de Old Man Captain America, qui a été salué pour sa pertinence. C'est donc finalement assez naturel qu'il s'occupe à présent de la version canonique du héros étoilé. Et ce premier épisode donne le ton à un projet qui ne manque pas d'attrait ni d'audace.
La première page s'ouvre sur les attentats du 11-Septembre, le grand traumatisme terroriste du XXième siècle, dont est témoin un jeune homme qui se jure de faire payer les coupable et s'engage pour cela dans l'armée, malgré une santé fragile... Si ça vous rappelle quelque chose, c'est fait exprès, mais si ce garçon s'appelle Davey Colton et pas Steve Rogers.
Mais c'est aussi parce que, comme on l'a vu dans Daredevil, Zdarsky aime jouer avec la figure du double : Elektra y devenait Daredevil, la femme sans peur, et elle l'est restée depuis (sans que plus rien ne le justifie, autrement que la frilosité de Marvel à rendre son identité à la tueuse ninja). Imaginer ce Davey Colton en double de Steve Rogers, c'est du pur Zdarsky donc.
Mais le scénariste ne s'arrête pas en si bon chemin. Même si le temps des comics n'est pas le temps réel, ça fait quand même un bout de temps que Steve Rogers hante les comics de son éditeur et, pour le lecteur, il est quasiment là depuis le début de Marvel, comme Iron Man, les 4 Fantastiques ou Spider-Man.
Comment rafraîchir tout ça sans trahir le concept de l'homme hors du temps, du super soldat cryogénisé depuis la fin de la seconde guerre mondiale ? Zdarsky a l'idée de situer sa "décongélation" une semaine avant le 11-Septembre. C'est une retcon saisissante mais non dénuée d'à-propos parce que ça rapproche son retour de notre temporalité sans trahir le message initial.
Toutes proportions gardées, cela m'a fait penser aux New 52 de DC quand Geoff Johns établissait que les super-héros n'étaient apparus que depuis cinq ans. On a vu ensuite que cette période, trop courte, trop concentrée, se heurtait à un principe de réalité, effaçait tout un pan de l'histoire de DC - bref, c'était trop radical. Mais ça réactualisait des personnages, des concepts.
Il se trouve qu'en même temps que ce n°1 de Captain America, sort Immortal Thor #25, qui clôt sa série, dans laquelle Al Ewing tue le dieu du tonnerre pour mieux le ressusciter, amnésique, et dans une continuité réécrite (tout le monde a oublié Thor) qui sera développée dans un nouveau titre : The Mortal Thor. La coïncidence est trop énorme pour en être une...
... Et je me demande donc si Marvel ne tente pas une expérience pour revitaliser certains de leurs héros (même si Iron Man, le troisième membre de la Trinité Marvel, n'a pas encore subi ce traitement). En tout cas, si je me doute que ça fera tiquer certains, j'aime pour ma part beaucoup ce coup de poker, en particulier pour Captain America.
Zdarsky invité quelques guests dans cet épisode : Iron Man justement, les 4 Fantastiques, le général Thaddeus Ross, de nouveaux Howling Commandos, et un méchant qu'on ne voit pas mais dont le nom claque tout de suite - le Dr. Fatalis. Car ce sera la première mission de Captain America : récupérer des américains retenus en Latvérie.
Toutefois, Zdarsky a prévenu : sa série n'est pas coincée dans le passé. Ce que racontera ce premier arc, situé en 2011, est une sorte de prélude avant un deuxième qui se passera de nos jours et qui en examinera les conséquences. L'essentiel étant que ce soit cohérent et ça l'est : Steve Rogers redécouvre le monde, mi extasié, mi éberlué, comme quand il voit le bâtiment de l'ONU, parle avec Reed Richards (dont le père admirait Cap)...
Et puis, avec ce premier chapitre bien garni (une trentaine de pages), il ne fait pas qu'exposer son intrigue et son héros : il donne de l'action au lecteur. Et Valerio Schiti l'illustre. L'italien n'a plus participé à une série mensuelle depuis SWORD, dont il avait dû partir vite (pour dessiner Judgment Day), alors que c'est un dessinateur à la régularité précieuse.
La dernière fois qu'on a pu profiter de son talent sur plusieurs mois, c'était pour G.O.D.S. de Jonathan Hickman, après quoi il a participé à quelques épisodes des Avengers de Jed MacKay. J'espère vivement qu'il restera longtemps sur Captain America parce qu'on voit qu'il tient déjà bien le personnage et que son association avec Zdarsky promet énormément.
Schiti est sans doute le meilleur storyteller graphique chez Marvel actuellement : il a l'expérience, il a touché à pas mal de séries et de genres, son style a évolué vers quelque chose de plus nerveux. On sent clairement qu'il a atteint un pic et qu'il s'éclate. Sans doute est-ce aussi pour cela qu'il a choisi de ne pas signer les couvertures (laissées à Ben Harvey) : pour mieux se concentrer sur ses planches.
Et quelles planches ! Tout est fluide, sous contrôle, parfaitement exécuté, solide. Quel plaisir de lire une BD aussi bien dessinée tout bêtement. Schiti a autant d'énergie dans son trait que Dan Mora, mais son découpage est bien meilleur, ses compositions sont un bon au-dessus. C'est, certainement, avec Chris Samnee, celui qui sait le mieux faire parler son dessin, qui sait le mieux raconter une histoire en images.
Il varie ses effets, les dimensions de ses cases, les angles de vue, la valeur des plans, le flux de lecture. C'est si efficace, si bien fait, qu'on s'en rend à peine compte, pris dans le feu de l'action, dans l'enchaînement des scènes. Les personnages sont expressifs, identifiables, leurs morphologies correspondent à ce qu'on attend. Il y a du grand spectacle et des moments calmes, tous idéalement produits.
Ce n'est pas seulement agréable pour ce que c'est, mais aussi pour ce que ça va être. Si le public répond présent (et je ne vois pas comment ce ne serait pas le cas), si Marvel ne fait pas de conneries (en déplaçant à nouveau Schiti sur un event), alors ce nouveau volume de Captain America s'imposera facilement comme le retour le plus réussi de l'année.
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