samedi 5 juillet 2025

BALLERINA (Len Wiseman, 2025)


Encore enfant, Eve Maccaro assiste à la mort de son père, un tueur, des mains de mercenaires dirigés par le Chancelier. Orpheline, elle est d'abord recueillie par Winston Scott, propriétaire de l'hôtel Continental, refuge des plus grands assassins, qui la confie ensuite à la Directrice, chef de l'organisation Ruska Roma.


Dans l'école de la Ruska Roma, Eve devient à la fois une ballerine et une tueuse à gages/garde du corps sous le pseudonyme de Kikimora. Sa formation achevée, elle est envoyée sur le terrain et sa première mission consiste à protéger une riche héritière que les triades veulent kidnapper pour toucher une rançon. Malgré une opposition âpre, Eve sort victorieuse. Deux mois plus tard, elle remplit un autre contrat encore plus dur, cette fois en éliminant plusieurs membres d'un gang.


Mais alors qu'elle quitte les lieux, elle est surprise par un tueur qui porte la même marque que les mercenaires du Chancelier. Elle décide alors de retrouver ce dernier, contre les ordres de la Directrice qui a conclu un pacte de non-agression avec la cible d'Eve. Pour le localiser, elle s'adresse à Winston Scott qui la dirige vers une succursale du Continental à Prague où réside Daniel Pine, un sbire du Chancelier. Sauf que cet homme tente de fuir son chef...


Initialement, le script de Ballerina écrit par Shay Hatten n'était pas lié à la saga John Wick, mais c'est le studio Lionsgate qui lui a demandé d'en faire un spin-off. L'intrigue se situe alors entre les chapitres 3 (Parabellum - 2019) et 4 (2023), même si on s'aperçoit que ça ne colle pas vraiment tellement ces deux opus sont organiquement liés et n'offrent pas d'espace pour introduire le personnage d'Eve Maccaro.
 

Il n'empêche, c'est à cause de ces décisions que Ballerina ne fonctionne pas aussi bien qu'on aurait aimé. D'abord, tout simplement, parce qu'en l'associant à John Wick, il devient une sorte de produit dérivé, ce qui trahit un manque de confiance de la part de la production dans l'histoire de Hatten. Ensuite parce que, pour bien souligner cette association, on y voit quand même beaucoup John Wick lui-même...


... Et là, c'est plus gênant encore, ça trahit le peu de crédit que la production a accordé à l'héroïne. J'ignore s'il y aura d'autres déclinaisons de l'univers John Wick (je n'ai pas vu la série The Continental, qui a été annulée au bout d'une saison), mais si, à chaque fois, Baba Yaga y apparaît, tout projet sera cannibalisé par sa présence (et celle de son interprète bien sûr).


L'autre gros souci du film, c'est de savoir qui en est réellement le réalisateur. Len Wiseman est crédité comme tel mais celui qui a été révélé par la saga Underworld (avec Kate Beckinsale, sa compagne alors) est ici méconnaissable. Chad Stahelski, le metteur en scène des John Wick, ici producteur exécutif, semble avoir fait plus que vérifier que le budget soit respecté.

C'est d'autant plus flagrant que Ballerina est découpé en deux actes : le premier montre l'enfance traumatique puis l'enrôlement au sein de la Ruska Roma d'Eve Maccaro, dont le père, lui-même tueur, a été éliminé par le Chancelier, son boss qu'il tentait de fuir pour sauver sa fille. Jusqu'à ce que Eve, devenue une jeune femme, croise la route d'un des assassins du Chancelier et n'entreprenne de se venger.

Puis le deuxième acte montre cette vengeance. On est alors dans le schéma typique de la saga John Wick, même si ici la motivation de l'héroïne va plus loin que d'éliminer tous ceux qui ont pu tuer un chien. La quête d'Eve Maccaro est encore plus personnelle et engage dans son sillage la Ruska Roma qui, pour éviter une guerre des gangs, se retourne contre son élève.

Len Wiseman est aux commandes, assez clairement, de la première partie : il la filme d'une manière paresseuse, sans aucune inspiration, aucun souffle. C'est là où le film aurait mérité le plus de coupes (car il dure quand même 120'). On ne voit jamais à quoi ça sert la danse (sinon pour appuyer le fait qu'il faut souffrir pour être performante ?).

Ballerina, ça fait peut-être un bon titre, mais quand c'est pris ainsi au pied de la lettre, c'est surtout ridicule. Black Widow dans Avengers est aussi une ancienne ballerine/tueuse à gages. Mais Avengers ne s'embarrasse pas de montrer Scarlett Johansson en train de faire des pointes (ce qui serait risible car elle n'a pas vraiment la physionomie d'une danseuse étoile).

S'il fallait justifier ce titre, ça aurait été bien mieux parce que c'était le nom de code de tueuse d'Eve Maccaro. La Ruska Roma ne forme pas des petits rats de l'opéra, mais des tueuses/gardes du corps, des Kikimora inspirées du folklore slave pour désigner des esprits qui punissent et/ou protègent. Mais Wiseman semble s'en contrefoutre.

Le comble est atteint quand on passe de la première mission, filmée in extenso, d'Eve à la deuxième (dont on ne voit que le résultat). Or, la première fois d'Eve se veut visiblement un hommage à la scène de Spectre (le dernier James Bond) avec le personnage de l'espionne Paloma, mais sans être ni drôle ni jubilatoire. C'est même tout le contraire : c'est poussif, mal fichu.

Le film décolle vraiment quand Eve part en guerre toute seule, contre les ordres de la Directrice. Même si le personnage de Daniel Pine est honteusement sous-écrit et écarté, on a alors droit à un film bien mieux monté, tourné, joué. Tout simplement parce qu'il nous donne ce qu'on attend d'un spin-off de John Wick : de l'action, une intrigue simple et directe, et même de l'humour (comme quand Eve tabasse une rivale avec une télécommande et que chaque coup change la chaîne sur la télé derrière elle).

A ce moment-là, il ne fait guère de doute que si Wiseman est encore derrière l'objectif, il suit les ordres de Stahelski, voir même il lui cède finalement la place. On sait que Ballerina a connu beaucoup de reshoots (des scènes retournées après la fin du premier shooting) et ça m'étonnerait que Lionsgate ait convoqué Wiseman pour les mettre en boîte.

On assiste alors à une succession de morceaux de bravoure, souvent loufoques, outranciers, mais c'est ce qu'on aime et qu'on vient chercher avec un tel film. Eve recroise la route de Wick (après une première fois très brève) et se révèle vraiment : contrairement au Baba Yaga, qui tue sans passion, elle est une force en marche, animée par une rage déraisonnable, exécutant souvent en improvisant.

Et le défilé d'armes dont elle se sert illustre parfaitement le plaisir coupable du film : après les pistolets automatiques et divers fusils classiques, elle va buter des mercenaires avec des ustensiles de cuisine, une paire de patins à glace, et surtout un lance-flammes qui, une fois sa réserve de gaz vide, sera remplacé par une lance à incendie pour contrer le lance-flammes de son adversaire !

C'est totalement wtf, mais c'est jouissif. Pour que cela fut parfait, il aurait juste fallu une note d'humour, mais au risque de parasiter le motif de la vengeance (moins absurde que celle de John Wick). Et puis Eve Maccaro n'est pas Paloma dans James Bond (voilà une occasion manquée extraordinaire de donner un spin-off à 007 tant ce personnage a marqué les esprits).

Si Anjelica Huston est devenue méconnaissable avec son visage botoxé et que Norman Reedus sort bien trop vite du récit, en revanche c'est un plaisir de voir Lance Reddick dans son dernier rôle ou Ian McShane. Gabriel Byrne est un peu trop terne pour faire un méchant valable (et il lui manque un vrai duel avec Eve). Keanu Reeves fait le taf, sans forcer.

Ana de Armas, un peu comme Charlize Theron (avec 13 ans de moins), a trouvé dans le cinéma d'action un espace pour financer des projets plus ambitieux (comme Blonde). Après donc SpectreThe Gray Man ou même Ghosted, elle passe un cap dans le rôle de Eve Maccaro où elle doit se dépenser sans compter, assurant ses propres cascades avec aplomb et courage.

Ce n'est certainement pas l'actrice du siècle, elle manque un peu de variété dans ses expressions, son Eve Maccaro arbore trop souvent un air de chien battu, mais on ne peut que saluer son investissement. Et c'est vrai que quand elle doit affronter un village entier de tueurs, elle convainc pleinement. La voir retrouver Reeves, avec qui elle a débuté (dans Knock Knock il y a pile 10 ans) est aussi réjouissant.

Et puis, comme Theron, elle a cette beauté hallucinante et cette présence à l'image qui lui permet de ne jamais être éclipsée par des seconds rôles charismatiques. Souhaitons-lui à présent de trouver son blockbuster où son charme naturel, son engagement physique et son style de jeu en feront une vraie star.

Ballerina n'est donc pas une franche réussite, mais c'est un honnête divertissement, surtout dans sa seconde moitié.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire