samedi 26 juillet 2025

ABSOLUTE MARTIAN MANHUNTER #5 (of 12) (Deniz Camp / Javier Rodriguez)


Middleton est plongée dans le noir suite à une panne d'électricité et de gaz provoquée par des attentats. La ville plonge dans le chaos. John Jones et le martien patrouillent en s'interrogeant sur la part d'ombre en chacun des habitants. Les gens commettent des vols, des meurtres, ou se calfeutrent chez eux. John craint pour sa femme, Bridget, et leur fils, Tyler. Jusqu'à ce qu'il soit séparé du martien...
 

A la fin du précédent épisode, on assistait à plusieurs attentats qui provoquaient un blackout total dans la ville de Middleton au moment même où John Jones était mis à la porte de chez lui par sa femme Bridget qui ne supportait plus son étrange comportement et son absence du domicile conjugal. Littéralement, la vie du héros et sa ville plongeaient dans le noir et l'inconnu.


Cet épisode prend la suite directe de ces événements. Deniz Camp s'amuse à brouiller les pistes. La panne semble durer depuis des jours (des semaines ?) et revêt un caractère surnaturel. Les ombres semblent s'animer, les esprits s'échauffer, et même la vision martienne dysfonctionne. Le lecteur éprouve la désorientation totale du héros et de son étrange partenaire.


Tous ces éléments participent à la création d'une ambiance très intense où le pire semble sur le point de se produire à chaque coin de rue. Les plus prudents ou peureux s'enferment chez eux. Mais des individus, comme possédés, commettent des atrocités; Certains, malgré tout, embrassent cette nuit pour le meilleur, comme les enfants ou les amoureux.


Il n'y a plus vraiment de récit, plutôt une succession de saynètes, la plupart inquiétantes. Malgré tout, il y a une forme d'humour qui s'en dégage. Comme si, face au désespoir, c'était la seule issue. Le seul crime sur lequel enquête John Jones est le meurtre d'un chien dont la propriétaire se désole de l'avoir laissé sortir prendre l'air. Dérisoire.

Une forme de féérie aussi. Au détour de sa patrouille, John passe devant un parc où jouent des enfants insouciants et s'embrassent des amoureux. Ces derniers sont en train d'étreindre leur propre ombre, comme une métaphore d'un amour caché, clandestin, voué à rester dans la nuit. C'est très poétique, d'une délicatesse infinie. Quelque chose de rarissime dans les comics super héroïques.

John ne peut donc guère s'appuyer sur le martien dans sa déambulation même l'extraterrestre peut garder un oeil à distance sur Bridget et Tyler, la femme et le fils de l'agent. Celle-ci tient un fusil dans ses mains, tout en berçant son enfant. La tension est palpable. Quand elle fait quelques courses dans une supérette, son fils chaparde une boîte de gâteaux dans lesquels on a injecté du poison...

Sur la fin, un accident se produit, aux conséquences multiples : Deniz Camp opère une liaison directe avec Darkseid après avoir joué sur les mots (John Jones s'interroge sur les côtés sombres - "dark sides" - des humains). Mais surtout il met en scène la séparation de John et du martien à un moment particulièrement dramatique pour le premier.

Javier Rodriguez connaît-il des limites dans l'imagination avec laquelle il met cette histoire en images ? Chaque épisode est une nouvelle occasion d'être ébloui par les trouvailles de son découpage, les merveilles de ses compositions, la variété de sa palette de couleurs. Ici, encore une fois, c'est un véritable festival.

L'artiste espagnole fait feu de tout bois en jouant avec les ombres, la dominante de la couleur bleue, les enchaînements de plans, les transitions. La majorité de l'épisode est découpée avec des cases qui occupent toute la largeur de la bande, conférant une dimension très cinématographique à l'ensemble. Pourtant, ce qu'en tire Rodriguez, c'est de l'art séquentiel pur.

Comme le défendait Alan Moore qui n'a jamais supporté aucune des adaptations de ses comics au cinéma, la BD a un langage propre auquel le 7ème Art n'ajoute rien. Une bonne BD se suffit à elle-même quand elle est inventive, audacieuse, bien racontée. Ce qu'on peut en revanche adapter dans un autre média, c'est moins ce langage que l'histoire.

Et c'est ce que met en pratique Rodriguez en créant des planches qui ne seraient en rien améliorer que ce soit dans un film d'animation ou un long métrage en live action. Ses dessins sont excellents parce qu'ils parlent le langage du 9ème Art. Même en le transposant le plus fidèlement, il n'y aurait aucune plus-value narrative.

Absolute Martian Manhunter fait vraiment honneur à sa bizarrerie et à son média, et la complémentarité entre l'écriture brillante de Camp et le génie visuel de Rodriguez en sont la preuve la plus accomplie.

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