Les familles de la pègre de Gotham se sont réunis pour trancher le cas du général Grimaldi. Elles ont payé une équipe de mercenaires pour l'éliminer mais ces tueurs vont découvrir que leur cible s'est jouée d'eux. Cependant, Alfred Pennyworth a fait quelques recherches sur Dick Grayson et a compris pourquoi il est plus distrait actuellement...
Bon, j'espère que vous avez (ou allez) acheté le tome 1 de Batman et Robin : Année Un chez Urban Comics (même si j'ai découvert que l'album ne propose pas toutes les variant covers en bonus, ça devient une déplorable habitude chez l'éditeur français...). Si c'est le cas, vous êtes presque à jour même si la mini-série entame sa dernière ligne droite.
En surface, ce neuvième épisode est presque calme. D'accord, il s'ouvre avec une séquence pleine d'action au découpage fantastique : Chris Samnee et le coloriste Matheus Lopes nous en mettent plein la vue avec une narration parallèle parfaitement maîtrisée et une ambiance intense où on passe de la réunion au sommet de la pègre gothamite au combat de Batman et Robin contre les colosses du général Grimaldi.
Un peu plus tôt aujourd'hui, je parlai dans ma critique d'Imperial de la manière confuse dont Iban Coello et Federico Vicentini orchestraient ce genre de scène. Hé bien, ici, c'est tout l'inverse : c'est du sur-mesure pour Samnee et on devine que Waid n'a pas eu besoin de fournir d'indications à son artiste qui connaît son affaire et règle ça comme du papier à musique.
Il n'y pas beaucoup de dessinateurs capables de faire ce que fait Samnee. Je veux dire : il y a de bons dessinateurs et je ne fais pas partie de ceux qui pensent qu'il y a moins de talents aujourd'hui qu'avant (avant quoi au juste ?). Je pense qu'on se trompe de débat en pointant ça. Et je pense aussi qu'on se trompe de responsable.
C'est-à-dire qu'un dessinateur de comics, c'est une drôle de bestiole. Il faut qu'il tienne les délais, qu'il maîtrise un type de narration très spécial, qu'il s'adapte à différentes formes de script, qu'il soit souple et ferme à la fois (souple dans sa manière d'appréhender ce qu'il doit illustrer, ferme dans son expression). Et il faut, avant tout ça, qu'il soit repéré par un editor, un chasseur de têtes.
Ce que je remarque aujourd'hui, c'est que souvent on a le sentiment que les artistes ne sont pas prêts. On les jette dans le grand bain et ils boivent la tasse. Même des mecs qui ont une excellente technique comprennent que ça ne suffit pas. Pour dessiner des comics, il faut un peu plus que ça. C'est une forme d'intelligence relative au récit. C'est ça, la narration graphique.
Raconter en images comme un scénariste raconte en mots. Dans le registre super-héroïque, ce qui distingue les uns des autres, c'est la mise en scène des bastons. Samnee sait très bien le faire parce qu'il a naturellement le style pour ça : aucune de ses images n'est semblable à celle qui la précède ou celle qui la suit.
Mais ce qui est encore plus difficile et qui est sans doute moins immédiatement remarquable, c'est il faut raconter en images une scène qui ne relève pas de l'action, mais de l'émotion. Il faut alors être doué pour donner de l'expressivité aux personnages. Mais surtout dans la valeur des plans, et surtout pour placer la bonne case au bon endroit.
Dans cet épisode, il y a une scène où on apprécie toute la complicité qui lie Mark Waid et Samnee : Alfred va voir Dick dans sa chambre. Il vient de rentrer d'une patrouille où il a manqué d'attention, de vigilance. Batman met ça sur le compte de la fatigue. Mais Alfred pense qu'il s'agit d'autre chose : la mère du garçon aurait fêté son anniversaire ce jour-là.
Et Dick, depuis qu'il a été adopté par Bruce Wayne et est devenu Robin, n'a jamais pris le temps de faire son deuil. Il n'a même montré aucun chagrin. Il s'est renfermé. Et les mots, simples, justes, d'Alfred vont faire craquer le vernis. "Performers don't cry !" lui répond Dick en éclatant en sanglots. Un moment poignant et superbement réalisé.
Waid n'en rajoute pas : il suit parfaitement ce qu'aurait dit Alfred, les mots sont sobres. Et Samnee, lui, fait monter la sauce très subtilement jusqu'à ce gros plan de Dick qui tourne la tête, mi-furieux, mi-bouleversé, vers Alfred avant de lui tomber dans les bras et de pleurer. C'est moins spectaculaire que la scène d'ouverture, mais tout aussi impeccable.
L'épisode saute ainsi de moments épiques en moments plus intimistes mais également forts. On assiste à la fin à un twist impossible à anticiper et qui va relancer la série jusqu'à son terme. C'est imprévisible parce que Waid et Samnee sont passés maîtres dans l'art de ce genre de moments. Waid ne fait jamais aussi bien ça qu'avec Samnee.
Batman and Robin : Year One est exceptionnel. C'est formidablement plaisant et divertissant à lire. Mais c'est parce que c'est formidablement bien fait. C'est, là, le secret des vrais bons comics. Mais c'est tout sauf facile.
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