mardi 26 novembre 2024

AVENGERS, TOME 8 : VOICI LE PHENIX (Jason Aaron / Javier Garron, Dale Keown, Luca Maresca, Flaviano, Aaron Kuder, Carlos Pacheco, Ed McGuinness, Steve McNiven)

Avant-propos :

A partir de ce huitième tome, Panini Comics décide de sortir de plus gros volumes. Celui-ci compte pas moins de douze épisodes, soit une année complète de publication, et se conclut avec le n°50, qui correspond dans la numérotation Legacy de Marvel au 750ème épisode de la série Avengers. Un programme copieux donc qui se poursuivra jusqu'à la fin du run de Jason Aaron (encore trois tomes) puisque le scénariste va étendre son histoire sur deux titres simultanés, Avengers donc et Avengers Forever...


AVENGERS : VOICI LE PHENIX (Avengers #39-44) 


Il y a un million d'années, une fillette rousse est abandonnée par ses parents dans une clairière qui a brûlée. Alors que les vautours l'encerclent, elle est sauvée par une meute de loups qui la recueillent. Quelques années après, elle accepte d'intégrer une tribu composée d'humains qui ont développé des pouvoirs. Mais les siens vont se réveiller quand une tribu rivale agresse la sienne : elle devient la première hôtesse humaine de la force Phénix...


De nos jours. Après avoir possédé brièvement Moon Knight pour qu'il se libère de l'emprise de Khonsou, le Phénix fait son nid à proximité de la montagne des Avengers au pôle Nord. Namor et ses Défenseurs des profondeurs arrivent sur place car le prince des mers est convaincu que l'oiseau de feu a répondu à son appel...


Mais la situation prend une tournure inattendue : le Phénix piège en son sein, dans la Chambre Blanche, 19 individus, parmi lesquels des membres des Avengers, de la Garde Hivernale, de l'Escadront Suprême, des mutants, des inhumains et d'autres encore pour qu'ils s'affrontent en duel à travers le monde, investis de ses pouvoirs...
 

Les combats sont très disputés. Namor pense prendre l'avantage, puis Black Panther domine les débats. Dans le Céleste mort qui abrite leur quartier général, les autres Avengers et les agents du Wakanda échafaudent un plan pour abréger ce tournoi et éloigner le Phénix. Captain Marvel, Iron Man, Ghost Rider et Thor l'attaquent plus frontalement...


Et alors que les prétendants diminuent, Thor va apprendre du Phénix une révélation choquante sur ses origines juste avant que le champion ne soit désigné, à la surprise générale...


Ayant participé, à l'époque où des auteurs comme Brian Michael Bendis, Matt Fraction, Jonathan Hickman et Ed Brubaker se partageaient le titre honorifique d'"architectes" de l'univers Marvel, à l'écriture de la saga événement Avengers vs. X-Men (en 2012), pratiquement dix ans après, Jason Aaron décide d'y revenir avec cet arc en six épisodes.

C'est assez logique si on considère qu'il a introduit dans la continuité les Avengers d'il y a un million d'années dans lesquels on trouve la première incarnation humaine de la force Phénix, une rousse plantureuse dont il nous narre l'origine dans l'épisode 39 que Dale Keown met en images. En soi, cet épisode n'a rien de bien folichon toutefois et n'apporte rien de déterminant ni à ce qui a précédé ce qu'on connaît du Phénix ni à ce qui va suivre - sinon que l'oiseau de feu semble particulièrement affectionner les rousses.

Les planches de Keown sont elles-mêmes très classiques et manquent de ce souffle épique qui aurait pu faire la différence. Néanmoins, on apprend que c'est bien le Phénix incarné qui a inspiré les premiers Avengers de la préhistoire puisque son hôtesse va chercher Odin à Asgard pour qu'il l'aide à former une équipe...

L'arc Enter the Phoenix est peu apprécié par les fans déjà peu nombreux du run de Aaron sur Avengers. Pour la majorité, cela se résume à une longue baston dont le vainqueur est certes étonnant mais qui a été depuis dépossédé de son pouvoir cosmique. Actuellement, Jean Grey a récupéré la force Phénix et parcourt l'espace dans sa première série dédiée, écrite par Stephanie Phillips, qui cartonne (bien que, là aussi, les avis sont très mitigés sur sa qualité - je m'abstiendrai de tout commentaire puisque je ne la lais pas).

Ce reproche d'un arc trop bourré en bagarres n'est pas usurpé. C'est effectivement le cas et c'est un peu long. Javier Garron se donne beaucoup pour mettre en images ces duels de la manière à la fois la plus spectaculaire et la plus variée possible, mais il donne le sentiment de s'épuiser pour pas grand-chose (d'ailleurs, il est remplacé sur l'épisode 42 par Luca Maresca, qui se débrouille brillamment pour rester au niveau ébouriffant de son collègue).

L'artiste espagnol s'est investi dans les designs puisque les héros qui se chamaillent pour devenir le nouvel hôte de cette force Phénix subissent des altérations de leurs costumes. Dans l'ensemble, il faut bien reconnaître que ces relookings sont assez discutables : le jeu consiste à placer le symbole du Phénix qu'avait dessiné Dave Cockrum un peu partout pour que le lecteur, des fois qu'il serait un peu neuneu, ne comprenne pas la situation.

Jason Aaron a quand même le mérite de désigner un gagnant inattendu, qui sort un peu de nulle part, mais ma foi, il y a des candidats tellement improbables dans le lot (comme Howard le canard ou Man-Thing ou Devil Dinosaur) que Maya Lopez/Echo est certainement la moins choquante. La justification apportée par le scénariste pour qu'elle le remporte est assez fûtée. 

Surtout, en c'est presque le plus notable, ce qui aura le plus d'impact pour la suite, ce n'est pas tant qui va être le nouvel hôte de la force Phénix, c'est ce que dit le Phénix originel à Thor, à savoir qu'elle serait sa mère. Le dieu du tonnerre est légitimement bouleversé, mais Aaron a suffisamment insisté auparavant pour qu'une liaison entre Odin et Phénix ait pu porter ses fruits. Depuis, cependant, il semble que les scénaristes qui ont eu à écrire Thor (soient Donny Cates et actuellement Al Ewing) soient revenus sur cette idée. Mais Aaron a tellement voulu réinventer Thor au cours de son long run sur le personnage que ce n'est qu'une addition de plus et, comme chacun sait, les idées d'un auteur lui survivent rarement...

Voici le Phénix m'a diverti : je reconnais que c'est un peu trop long, répétitif, mais c'est du vrai grand spectacle, et Javier Garron accomplit une nouvelle fois des prouesses visuelles, confirmant qu'il a pris les commandes de la série graphiquement.  

*

AVENGERS : WORLD WAR MISS HULK (Avengers #45-50)


Black Panther apprend que Dracula veut réclamer aux Nations Unies la souveraineté de son nouveau royaume dans la cité de Tchernobyl en vertu de l'aide apportée par les vampires durant la récente attaque de Knull, le roi des symbiotes. Sachant que cette demande sera acceptée, T'challa a une idée pour continuer à garder Dracula et son peuple sous contrôle mais, pour cela, il va avoir besoin de Blade...


Gorilla Man trahit les Avengers en permettant à la Garde Hivernale d'y pénétrer. Les super-héros russes viennent capturer She-Hulk, officiellement pour les dégâts qu'elle a commis lorsqu'elle a combattu Namor quand ils étaient tous deux sous l'emprise du Phénix à Moscou...
 

She-Hulk est emmenée en Sibérie dans un complexe de la Chambre Rouge où elle subit un lavage de cerveau. Les Avengers partent la récupérer mais arrivent trop tard : elle est désormais complètement conditionnée et sous les ordres de la Veuve Rouge qui lui a fixée une mission dévastatrice...


En effet, elle a pour cible les atlantes et Namor qu'elle doit tuer. Mais la Veuve Rouge prépare en parallèle une solution radicale en cas d'échec... Et pendant ce temps, Ka-Zar a été envoyé en mission à travers le temps pour enquêter sur une menace multiverselle qui est ourdie par Mephisto et les nouveaux Maîtres du Mal qu'il a recrutés...


Ce deuxième arc débute par un épisode tie-in à l'event King in Black de Donny Cates et Ryan Stegman où Venom affronte Knull, le roi des symbiotes. Je n'ai lu ni le run de Cates sur Venom ni King in Black et le seul autre titre impacté par cette histoire que j'ai suivi était, à l'époque, S.W.O.R.D. de Al Ewing et Valerio Schiti. Jason Aaron, lui, n'a pas eu à composer avec, sans doute parce que son statut de scénariste vedette lui a permis d'y échapper et que Marvel a préféré lui laisser continuer à raconter ce qu'il avait en tête.


Du coup, on a droit à un épisode, le 45ème, qui se contente d'allusions rapides et sommaires à King in Black. L'essentiel est ailleurs et aboutit à un épilogue assez réjouissant puisque Dracula exige que son nouveau territoire soit reconnu souverainement par l'O.N.U. en vertu de l'aide apportée par les vampires contre Knull. Black Panther trouve un moyen de garder un oeil sur les suceurs de sang en leur imposant Blade comme une sorte de shérif chargé de veiller à ce qu'ils n'abusent pas de leurs nouveaux privilèges. On peut aussi y voir une manière habile d'exfiltrer Blade des Avengers où il a fait son temps mais en râlant constamment (et pour cause : lui n'hésite pas à tuer quand les autres s'y refusent).

Ensuite, c'est parti pour l'arc World War She-Hulk, en référence explicite à l'event World War Hulk de Greg Pak et John Romita Jr. (en 2006-2007). Jason Aaron ne reproduit pas le schéma de l'histoire de son collègue (dans laquelle Hulk, envoyé dans l'espace par les Illuminati - Dr. Strange, Iron Man, Charles Xavier, Flèche Noire, Black Panther, Namor - pour l'empêcher de commettre de nouveaux carnages sur Terre, atterrit sur une planète où il devient gladiateur puis roi, puis se marie, a un enfant, et revient sur Terre pour se venger après avoir perdu sa femme dans un accident dont il tient les Illuminati responsables) : on peut dire qu'il fait largement aussi bien, voire mieux.

En effet, un peu comme dans l'arc Voici le Phénix avec le twist sur la naissance de Thor, toute l'intrigue ici, bien mieux construite, avec sa révélation bien mieux amenée, repose sur un retournement de situation. La Garde Hivernale capture She-Hulk pour un motif bidon avec la complicité de Gorilla Man, qui espère en retour être tué pour se débarrasser de la malédiction qui en fait un homme gorille.

Conditionnée de manière très éprouvante, She-Hulk devient le jouet de la Veuve Rouge pour détruire Atlantis et tuer Namor... Le récit va à cent à l'heure, et même les moments les plus calmes sont traversés par une tension à couper au couteau vu la transformation psychologique effrayante que subit She-Hulk. Aaron avait choisi, au début de son run, de ne pas changer l'état du personnage, devenu véritablement aussi colossale et sauvage que con cousin, tout en nuançant cela par le fait que Jennifer Walters gardait un semblant de contrôle sur son alter ego.

Toutefois, le niveau de puissance de She-Hulk était réellement impressionnant : non seulement sa force physique était sans commune mesure avec ce qu'elle était auparavant, mais en plus au contact d'un Céleste mort, tué par la Dernière Armée, elle était devenue une véritable bombe gamma ambulante, capable de générer des explosions quasi atomiques. Alors imaginez la bête une fois conditionnée par la Veuve Rouge...

Le plus décevant dans cet arc, et en général dans le run d'Aaron, c'est son traitement de la Garde Hivernale. Seule la Veuve Rouge l'intéresse et l'inspire vraiment, il en fait un personnage inédit et glaçant, très violent, mais ses acolytes sont décrits come de vrais baltringues, que les Avengers dominent largement, et sans effort. On peut penser qu'il est délicat d'écrire des super-héros russes implicitement au service d'un dictateur comme Poutine (même s'il n'est jamais nommé ici), mais le scénariste semblait parti avec l'intention d'en faire les Avengers russes et à l'arrivée, ça n'a jamais été le cas.

En dehors de ça, l'histoire ici est franchement jubilatoire et fracassante. On ne sait jamais ce qui va arriver, et il faut vraiment attendre l'épisode 49 pour comprendre l'astuce du scénariste. Javier Garron, cette fois, enchaîne les quatre épisodes sans fléchir et ses planches sont époustouflantes. L'énergie qui s'en dégage, l'expressivité des personnages, la démonstration de puissance des combats, le foisonnement des détails (dans les décors et la figuration), tout ça est incroyable de maîtrise.

Ce qui est un peu curieux, c'est que dénouement a lieu dans l'épisode 50, qui est aussi le 750ème de la série, tous volumes confondus. L'occasion d'une pagination très, mais lors très augmentée : pas moins de 100 pages ! Et qui explique le défilé de dessinateurs au générique : Javier Garron termine donc World War Miss Hulk et enquille avec quelques autres pages plus loin, puis Ed McGuinness et Carlos Pacheco mettent en scène Ka-Zar qui remonte le temps, Flaviano a droit à quelques planches avec Jane Foster/Valkyrie puis Gorilla Man, Aaron Kuder s'occupe de celles avec Mephisto et les nouveaux Maîtres du Mal.

Tout ça fait un peu trop fourre-tout à mon goût. Que Marvel ait voulu fêter le n°50/750, soit, mais là, ça part dans tous les sens, l'arc avec She-Hulk se termine entre deux scènes qui n'ont rien à voir mais qui prépare le terrain pour la fin du run et la série Avengers Forever. On a même droit à un segment de 10 pages, complètement déconnecté de tout le reste, écrit par Christopher Ruocchio et dessiné par Steve McNiven où Thor rencontre le jeune Arthur, futur roi de Camelot, aux prises avec des Broods ! WTF ?!

Mais bon, on va faire comme si c'était pas trop grave non plus et, en se concentrant sur She-Hulk, et les planches de Garron, c'est du kif. Bien entendu, ce n'est pas fin, mais tout le run de Aaron fuit la subtilité, l'auteur a tout misé sur l'action, le grand spectacle, au risque de sombrer parfois dans le grand portanawak. 

Pour ma part, je vais faire une petite pause dans les reviews de ce run, histoire de m'aérer un peu les idées. Mais j'irai jusqu'au bout : il me reste trois tomes à critiquer (et avant ça, à lire). J'ai un autre projet de run à revisiter en votre compagnie, en plus des critiques des sorties hebdomadaires en vo. Donc, stay tuned !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire